Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du
9 mars 2020 par laquelle le directeur des ressources humaines du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen Normandie lui a infligé un blâme.
Par un jugement n° 2000883 du 9 septembre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 9 novembre 2021, Mme A... B..., représentée par Me Launay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 9 septembre 2021 ;
2°) d'annuler la décision du directeur des ressources humaines du CHU de Caen Normandie du 9 mars 2020 ;
3°) de mettre à la charge du CHU de Caen Normandie le versement d'une somme de
3 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
* la règle non bis in idem a été méconnue dès lors que la mesure de changement d'affectation prise à son égard avant le prononcé du blâme présente le caractère d'une sanction et repose sur les mêmes faits ; elle a ainsi été sanctionnée à deux reprises pour les mêmes faits ;
* la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie ; l'enquête administrative a présenté un caractère partiel et partial ; les difficultés d'organisation du service des urgences sont à l'origine d'un climat de tension dans les relations professionnelles ; aucun manquement à son obligation de dignité et de respect n'a été commis ;
* la procédure suivie a méconnu l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 et l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 dès lors que toutes les fiches d'entretien d'agents ne figuraient pas à son dossier administratif.
Par un mémoire en défense enregistré le 23 février 2022, le centre hospitalier universitaire de Caen Normandie, représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le moyen tiré du vice de procédure est irrecevable, faute d'avoir été soulevé devant le tribunal ;
- aucun autre moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C...,
- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... est employée au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen Normandie en qualité d'infirmière et affectée au service des urgences. A la suite de rapports d'incidents avec ses collègues, l'intéressée a été reçue par le directeur des ressources humaines de l'hôpital en entretien disciplinaire le 21 août 2019. Par un courriel du 6 septembre 2019, le directeur des ressources humaines a décidé d'affecter Mme B... au sein de l'équipe de suppléants institutionnels à compter du 23 septembre 2019. Par une décision du 15 mars 2020, la même autorité lui a infligé un blâme. Mme B... relève appel du jugement
n° 2000883 du 9 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette dernière décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par le CHU de Caen Normandie au moyen tiré d'un vice de procédure :
2. Mme B... n'a invoqué devant le tribunal administratif que des moyens relevant de la légalité interne de la décision contestée du 15 mars 2020. Si, devant le juge d'appel, la requérante fait valoir qu'en prenant cette décision, le directeur du centre hospitalier universitaire de Caen Normandie aurait commis un vice de procédure à raison des conditions dans lesquelles l'enquête administrative préalable au prononcé du blâme s'est déroulée, cette prétention, fondée sur une cause juridique distincte et qui n'est pas d'ordre public, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel. Par suite, le moyen tiré du vice de procédure dont serait entachée la décision prononçant un blâme à l'encontre de Mme B... doit, ainsi que le relève le CHU, être écarté comme irrecevable.
En ce qui concerne la légalité interne :
3. Aux termes de l'article 29 de la loi du 13 juillet de 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Toute faute commise par un fonctionnaire dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions l'expose à une sanction disciplinaire sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par la loi pénale. ". Aux termes de l'article 81 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : / Premier groupe : / L'avertissement, le blâme, l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) ".
4. Il appartient au juge administratif, saisi d'une sanction disciplinaire prononcée à l'encontre d'un agent public, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
5. Une décision d'affectation d'un agent dans l'intérêt du service constitue une sanction déguisée dès lors qu'il est établi que l'auteur de cet acte a eu l'intention de sanctionner l'agent et que cette décision a porté atteinte à la situation professionnelle de ce dernier. En l'espèce, la décision de changement d'affectation dans l'intérêt du service prise le 20 novembre 2019, qui ne revêt pas le caractère d'une sanction déguisée, ainsi que l'a jugé la cour dans son arrêt n° 21NT02093 du 29 avril 2022, ne faisait pas, par elle-même, obstacle à ce que l'employeur de Mme B... pût prononcer à son encontre une sanction disciplinaire. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de la règle non bis in idem ne peut qu'être écarté.
6. Pour décider d'infliger un blâme à Mme B..., le directeur des ressources humaines du CHU de Caen Normandie s'est fondé sur la circonstance que la requérante a eu, à plusieurs reprises, un comportement inadapté et tenu des propos inacceptables envers ses collègues, générant ainsi un climat conflictuel au sein du service, ces propos constituant un manquement à l'obligation de dignité et entravant le bon fonctionnement du service.
7. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des rapports établis les 30 avril, 29 et
30 juillet 2019 par la cadre de santé du CHU à la suite de signalements effectués par des agents hospitaliers, exerçant des fonctions diverses, appelés à devoir coopérer avec Mme B... lors de la prise en charge des patients, que le comportement de Mme B... se caractérise par d'importantes difficultés relationnelles avec les agents notamment par l'expression de propos virulents, irrespectueux et vexatoires à l'égard des membres des équipes médicales. La teneur des mentions figurant dans ces rapports est corroborée par les termes des entretiens individuels que le CHU a réalisés, au cours de l'été 2019, avec plusieurs agents directement concernés par les faits en cause. Cette attitude s'est révélée gravement déstabilisante pour les agents concernés, pouvant d'ailleurs aller jusqu'à un refus de travailler avec l'intéressée et créant un climat de tension.
8. Dans ces conditions, à supposer même que le SAMU connaissait des problèmes d'organisation ou que Mme B... disposait d'importantes qualités professionnelles et qu'elle était investie dans l'accomplissement de sa mission, ainsi qu'il ressort notamment de la teneur des attestations de soutiens émanant de certains de ses collègues, au demeurant rédigées en termes très généraux sans se référer aux évènements particuliers évoqués dans les rapports et compte rendus d'entretien susmentionnés, les faits sur lesquels s'est fondé le CHU de Caen pour prononcer la sanction en litige sont établis et étaient de nature, eu égard à leur caractère fautif, à justifier la sanction du blâme qui lui a été infligée.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHU de Caen Normandie qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de Mme B... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CHU de Caen Normandie et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera au CHU de Caen Normandie la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier universitaire de Caen Normandie.
Délibéré après l'audience du 2 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Salvi président,
- Mme Brisson, présidente-assesseure,
- M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2022.
La rapporteure,
C. C...
Le président,
D. SALVI
La greffière,
A. MARTIN
La République mande et ordonne à la ministre santé et de la prévention, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03127