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29/04/2022 | FRANCE | N°21NT02093

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 29 avril 2022, 21NT02093


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 20 novembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen a décidé de l'affecter au sein de l'équipe de suppléants institutionnels.

Par un jugement n° 2000122 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2021 et 22 février 2022,

Mme B..., représe

ntée par Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2021 ;

2°) d'annuler c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 20 novembre 2019 par laquelle le directeur du centre hospitalier universitaire (CHU) de Caen a décidé de l'affecter au sein de l'équipe de suppléants institutionnels.

Par un jugement n° 2000122 du 25 mai 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 juillet 2021 et 22 février 2022,

Mme B..., représentée par Me Launay, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 25 mai 2021 ;

2°) d'annuler cette décision du directeur du centre hospitalier universitaire de Caen du 20 novembre 2019 ;

3°) de condamner le CHU de Caen à lui verser la somme de 123 000 euros à titre de dommages et intérêts, assortie des intérêts au taux légal à compter de sa réclamation préalable ;

4°) de mettre à la charge du CHU de Caen le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de se prononcer sur le moyen tiré de ce que la décision en litige doit s'analyser comme une sanction disciplinaire déguisée ;

- la mutation de service constitue une mesure lui faisant grief et les faits qui lui sont reprochés ne sont pas établis ;

- la décision a été prise à la suite d'une procédure irrégulière dès lors que son employeur s'est fondé sur des pièces ne figurant pas à son dossier ;

- la faute commise par le CHU engage sa responsabilité.

Par des mémoires enregistrés les 24 novembre 2021 et 4 mars 2022, le CHU de Caen, représenté par Me Lacroix, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme B....

Il soutient qu'aucun moyen de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Launay, représentant Mme B... et de Me Lacroix, représentant le CHU de Caen.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., infirmière affectée au service des urgences du centre hospitalier universitaire de Caen, a été reçue en entretien par le directeur des ressources humaines de cet établissement, le 21 août 2019. Une affectation au service de réanimation lui a été proposée, que l'intéressée a acceptée avant de la décliner le 6 septembre 2019. Par un courriel daté du même jour, le directeur des ressources humaines a décidé d'affecter Mme B... au sein de l'équipe de suppléants institutionnels à compter du 23 septembre 2019. Par un courrier du 29 octobre 2019, Mme B... a, d'une part, contesté cette décision auprès du directeur général du centre hospitalier et, d'autre part, demandé l'indemnisation de son préjudice à hauteur de 16 000 euros, demandes qui ont été rejetées par le directeur général dans un courrier du 20 novembre 2019. Aux termes du jugement attaqué, dont

Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision d'affectation et à la condamnation de l'établissement public à l'indemniser des préjudices qu'elle estime avoir subis de ce fait.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Pour déclarer irrecevables les conclusions d'excès de pouvoir de Mme B..., les premiers juges ont constaté que le changement d'affectation en litige n'implique ni que l'intéressée exerce des fonctions autres que celles correspondant à son grade, ni un amoindrissement de ses responsabilités ou de ses perspectives de carrière, ni qu'elle entraîne une baisse de rémunération ou porte atteinte aux prérogatives attachées à ses fonctions et en ont déduit que le changement d'affectation prononcé par le CHU constitue une mesure d'ordre intérieur insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir. Toutefois, ils n'ont pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la décision en cause devrait s'analyser comme une sanction disciplinaire déguisée. Dans ces conditions, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et qu'il doit en conséquence être annulé.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif.

Sur la décision de changement d'affectation :

4. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief, constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable, alors même que la mesure en cause aurait été prise pour des motifs tenant au comportement de l'agent concerné.

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'enquête administrative diligentée par le centre hospitalier à la suite de divers signalements effectués par des agents de cet établissement ou appelés à collaborer avec lui qu'il a été constaté à de nombreuses reprises que Mme B... tenait des propos virulents ou déplacés à l'égard des collaborateurs du service public hospitalier et que des faits d'agressivité, d'emportements de l'intéressée ont été observés à diverses reprises. Une telle attitude, s'expliquant en partie par un positionnement professionnel inadéquat de l'intéressée au sein du SAMU au regard à la fois des missions qui sont les siennes en sa qualité d'infirmière et du rôle et des responsabilités qui incombent à d'autres personnels, notamment en matière de management des équipes, est à l'origine d'un climat de travail délétère et d'importantes difficultés relationnelles entre les membres des équipes de travail.

6. Contrairement à ce qu'allègue la requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision portant changement de son affectation aurait eu pour objet ou pour effet de réduire les responsabilités qui lui sont confiées en sa qualité d'infirmière ou aurait porté atteinte aux droits et prérogatives qu'elle tient de son statut et de son grade. Alors même que l'affectation au sein de l'équipe de suppléants institutionnels a pour effet de réduire le nombre d'astreintes ou d'heures supplémentaires que l'intéressée pouvait effectuer au sein du SAMU, la décision en litige n'a pas davantage eu pour effet de conduire à une perte de la rémunération attachée au grade d'infirmière détenu par l'intéressée ou de porter atteinte à ses perspectives de carrière, Mme B... ne disposant d'aucun droit à effectuer des astreintes ou des heures supplémentaires en sus de ses horaires habituels de travail.

7. Il ne ressort pas des pièces du dossier, en particulier des termes de la lettre de convocation de Mme B... à un entretien avec sa hiérarchie que le CHU de Caen aurait eu l'intention de prononcer à son encontre une sanction ou que la décision de changement d'affectation traduirait une discrimination, ce alors même qu'un blâme lui a ultérieurement été infligé par une décision du 9 mars 2020. La décision de changement d'affectation n'a été édictée que dans l'intérêt du service hospitalier en vue de mettre fin aux difficultés relationnelles rencontrées par Mme B... avec plusieurs de ses collègues.

8. Il s'ensuit que la mesure de changement d'affectation, qui a été prise pour des motifs tenant au comportement de la requérante, présente le caractère d'une mesure d'ordre intérieur qui ne fait pas grief à Mme B... et n'est donc pas susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir.

9. Il résulte de ce qui précède que les conclusions d'excès de pouvoir présentées par Mme B... ne peuvent qu'être rejetées comme irrecevables.

Sur les conclusions indemnitaires :

10. Il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de ce qui précède, qu'une faute serait imputable à l'établissement public. Il s'ensuit que la demande indemnitaire ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du CHU de Caen, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur ce fondement par le CHU de Caen.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000122 du 25 mai 2021 du tribunal administratif de Caen est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Caen et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions présentées par le CHU de Caen au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au centre hospitalier universitaire de Caen.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président de chambre,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2022.

La rapporteure,

C. BRISSON

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02093


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02093
Date de la décision : 29/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : MINIER MAUGENDRE et ASSOCIEES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-29;21nt02093 ?
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