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17/06/2022 | FRANCE | N°21NT03126

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 juin 2022, 21NT03126


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan (SYSEM) a demandé au tribunal administratif de Rennes d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise relative aux désordres affectant le digesteur et le réseau de chauffage installés au sein de l'unité de valorisation organique à Vannes.

Par une ordonnance n° 2104612 du 22 octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande en d

ésignant un expert.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan (SYSEM) a demandé au tribunal administratif de Rennes d'ordonner, sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, une expertise relative aux désordres affectant le digesteur et le réseau de chauffage installés au sein de l'unité de valorisation organique à Vannes.

Par une ordonnance n° 2104612 du 22 octobre 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a fait droit à cette demande en désignant un expert.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 novembre 2021 et 20 mai 2022, la SAS Vinci environnement, représentée par Me Claudon, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de mettre à la charge du Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la mesure d'expertise décidée est inutile, au regard de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, dès lors que les éléments affectés par des désordres, le digesteur, l'agitateur, les cannes de réchauffage, les réseaux de chauffage, participent à la valorisation énergétique de la matière organique et constituent des éléments d'équipement industriel dont la fonction exclusive est de concourir au process de l'usine ; en application de l'article 1792-7 du code civil ces éléments d'équipement échappent à la garantie décennale des constructeurs et à la garantie biennale de bon fonctionnement ; la seule garantie applicable au matériel, prévue à l'article 15.5.3 du CCAP, étant de deux ans et ayant expiré à compter du 1er juillet 2015, toute action sur ce fondement contractuel est prescrite ; le digesteur n'est pas un élément d'équipement indispensable au fonctionnement de l'ouvrage constitué par l'unité de valorisation organique.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 décembre 2021, 1er avril 2022 et 24 mai 2022, le Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan (SYSEM), représenté par Me Jacq-Moreau, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société Vinci environnement une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la société Vinci environnement et la société SOGEA Bretagne BTP ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 20 décembre 2021, la société SOGEA Bretagne BTP, représentée par Me Massip, demande à la cour :

1°) d'annuler l'ordonnance du 22 octobre 2021 du juge des référés du tribunal administratif de Rennes ;

2°) de mettre à la charge du Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que pour les motifs exposés par la société Vinci environnement, la mesure d'expertise contestée ne présente pas d'utilité au sens de l'article R. 532-1 du code de justice administrative dès lors que les désordres affectent des éléments d'équipement industriel ; le réseau de chauffage peut être déposé sans atteinte à la viabilité, l'ossature ou le clos et couvert du digesteur ; l'arrêt du digesteur a pour seule conséquence de plus permettre la production d'énergie sans atteinte au fonctionnement global de l'UVO ; le SYSEM ne peut se prévaloir utilement des articles 15.5.5 et 15.5.7 du CCAP.

Par un mémoire, enregistré le 20 mai 2022, la société Arcau, représentée par Me Stalla, indique s'en rapporter à la décision à intervenir de la cour et demande de mettre à la charge de la société Vinci environnement, ou de toute partie succombante, la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Bonnet-Cerisier, représentant la société Vinci environnement, de Me Jacq-Moreau, représentant le Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan, et de Me Degroote, représentant la société SOGEA Bretagne BTP.

Considérant ce qui suit :

1. Le Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan (SYSEM) a saisi le tribunal administratif de Rennes, sur le fondement de l'art R. 532-1 du code de justice administrative, d'une demande d'expertise portant sur des désordres affectant le réseau de chauffage installé en toiture du digesteur compris au sein de son unité de valorisation organique (UVO) située à Vannes. Par une ordonnance du 22 octobre 2021 le juge des référés de ce tribunal a désigné M. B..., expert en assainissement, afin notamment de " procéder à la constatation et au relevé précis des désordres affectant cet ouvrage mentionnés dans la requête, ainsi que dans le procès-verbal de constat d'huissier du 20 avril 2021 et dans son rapport de constat du 23 août 2021, en indiquant leur date d'apparition ". La SAS Vinci Environnement relève appel de cette ordonnance.

Sur les conclusions de la société Vinci Environnement et de la société SOGEA Bretagne BTP :

2. En vertu de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, le juge des référés peut, sur simple requête et même en l'absence de décision administrative préalable, prescrire toute mesure utile d'expertise ou d'instruction. L'utilité d'une mesure d'instruction ou d'expertise qu'il est demandé au juge des référés d'ordonner sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative doit être appréciée, d'une part, au regard des éléments dont le demandeur dispose ou peut disposer par d'autres moyens et, d'autre part, bien que ce juge ne soit pas saisi du principal, au regard de l'intérêt que la mesure présente dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher.

3. L'unité de valorisation organique de Vannes, exploitée par la société SAS Générale de Valorisation, est destinée à la valorisation de la fraction fermentescible des ordures ménagères résiduelles collectées. Il y est procédé notamment au tri et à la méthanisation de ces ordures ménagères résiduelles. L'unité a été édifiée dans le cadre d'un marché de conception-réalisation confié à un groupement composé des sociétés SAS Vinci Environnement, SAS SOGEA Bretagne TP et SAS Atelier Arcau Architectes, son digesteur étant conçu par la société Hitachi Zosen Inova France. La réception de l'ouvrage a été prononcée le 25 novembre 2013 avec une date d'effet au 1er juillet 2013 et des réserves sans lien avec les présents désordres. Après l'arrêt de deux des réseaux de chauffage intégrés dans la dalle de béton du toit-terrasse du bâtiment constituant le digesteur en 2018 et 2019 en raison de fuites d'eau, et à l'occasion de travaux préparatoires à la modernisation de cette installation réalisée en avril 2021, il a été constaté l'apparition de fuites sur le troisième et dernier réseau de chauffage justifiant son arrêt. En conséquence l'activité du digesteur a dû être réduite significativement. Lors du démontage de la toiture du digesteur, une oxydation de la palplanche en toiture a également été constatée. Au vu de ces désordres qui affectent le système de chauffage du digesteur de l'UVO, le SYSEM s'est interrogé sur l'état des cannes de réchauffage, du moteur, du réducteur, de l'arbre et des pales de l'agitateur et sur l'état intérieur du digesteur. Pour le SYSEM ces désordres compromettent le fonctionnement du digesteur et sont ainsi de nature à rendre cet ouvrage définitivement impropre à sa destination, tout comme les désordres portant sur la structure porteuse du toit de l'ouvrage.

4. Aux termes de l'article 1792-7 du code civil : " Ne sont pas considérés comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens des articles 1792, 1792-2, 1792-3 et 1792-4 les éléments d'équipement, y compris leurs accessoires, dont la fonction exclusive est de permettre l'exercice d'une activité professionnelle dans l'ouvrage. ".

5. Le digesteur, compris au sein de l'UVO de Vannes, constitue un bâtiment particulier constitué d'une vaste cuve dont la vocation est, dans le cadre d'un processus de méthanisation des résidus fermentescibles d'ordures ménagères recueillies, qui sont alors privées d'oxygène, de produire du digestat, sous forme de compost, et du biogaz. Ce processus de méthanisation est subordonné à un malaxage continu des ordures déversées, qui est assuré par le mouvement régulier de pales fixées sur un axe longitudinal sur toute la longueur du bâtiment, et à une température constante de 55° nécessaire à l'action des bactéries. Cette chaleur est assurée, outre le processus biologique en cours au sein de la cuve, par le passage d'eau chaude dans des tubes répartis au sein de la cuve. Ces tubes sont eux-mêmes alimentés par des vannes et des canalisations insérées dans la structure même du toit du bâtiment, composé d'une couche bitumée supérieure, d'une couche isolante en polystyrène, d'une dalle de béton dans laquelle les canalisations sont installées et d'une couche de gravier répartie sur la partie supérieure du toit en acier constituant la partie supérieure interne de la cuve. Il se déduit tant de la structure même de cette construction que de son affectation unique à un processus de méthanisation que les canalisations insérées dans sa toiture font partie intégrante de l'ouvrage lui-même. Elles ne peuvent ainsi s'analyser comme des éléments d'équipement d'un ouvrage au sens de l'article 1792-7 du code civil. La circonstance que cet ouvrage dans son ensemble participe à une activité professionnelle est à cet égard sans incidence. Il en va de même pour les désordres relevés affectant la structure même du toit. L'expertise décidée par le juge des référés du tribunal administratif de Rennes n'est ainsi pas dépourvue d'utilité dans la perspective d'un litige principal, actuel ou éventuel, auquel elle est susceptible de se rattacher et qui consisterait, si les désordres présentent les caractères le permettant, à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs de l'ouvrage.

6. Il s'en déduit que la société Vinci Environnement, ainsi qu'en tout état de cause la société SOGEA Bretagne TP, ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du tribunal administratif de Rennes a fait droit à la demande d'expertise présentée par le Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan.

Sur les frais d'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par les sociétés Vinci Environnement et SOGEA Bretagne BTP. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Vinci Environnement, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Arcau au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Vinci Environnement, les conclusions de la société SOGEA Bretagne BTP et les conclusions de la société Arcau au titre des frais d'instance sont rejetées.

Article 2 : La société Vinci Environnement versera au Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Vinci Environnement, au Syndicat de traitement des déchets ménagers du sud-est du Morbihan, à la société SOGEA Bretagne BTP, à la société Arcau, à la société générale de valorisation, à la société Hitachi Zosen Inova France et à M. C... B..., expert.

Délibéré après l'audience du 31 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 juin 2022.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03126


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03126
Date de la décision : 17/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SJM AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-17;21nt03126 ?
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