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10/06/2022 | FRANCE | N°20NT01856

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 juin 2022, 20NT01856


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le maire de la commune de Courseulles-sur-Mer a délivré à M. G... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle, l'arrêté du 11 juin 2019 par lequel le permis initial a été transféré à la SCI Chat-Bal ainsi que l'arrêté de permis modificatif en date du 3 février 2020.

Par un jugement n° 1901605 du 4 juin 2020, le tribunal administratif

de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme E... F... ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le maire de la commune de Courseulles-sur-Mer a délivré à M. G... un permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle, l'arrêté du 11 juin 2019 par lequel le permis initial a été transféré à la SCI Chat-Bal ainsi que l'arrêté de permis modificatif en date du 3 février 2020.

Par un jugement n° 1901605 du 4 juin 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 2 juillet 2020, M. C... et Mme F..., représentés par Me Launay, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 4 juin 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2018 par lequel le maire de Courseulles-sur-Mer a délivré un permis de construire à M. G..., l'arrêté du 11 juin 2019 par lequel le maire de Courseulles-sur-Mer a transféré à la SCI Chat-Bal ce permis de construire et l'arrêté du 3 février 2020 par lequel le maire de Courseulles-sur-Mer a délivré un permis de construire modificatif sollicité par la SCI Chat-Bal ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Courseulles-sur-Mer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à défaut d'affichage régulier, le délai de recours de deux mois à l'encontre des arrêtés du 20 décembre 2018 et du 11 juin 2019 n'a pas commencé à courir et leur demande devant le tribunal administratif de Caen n'était pas tardive ;

- ils justifient de leur intérêt à agir contre les décisions contestées ;

- les articles R. 431-8 à R. 431-10 du code de l'urbanisme ont été méconnus ;

- les articles UA6, UA7, UA11, UA 13 du règlement du plan local d'urbanisme ont été méconnus ;

- l'illégalité du permis de construire initial entache d'illégalité la décision de transfert de ce permis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 août 2020, M. D... G... et la SCI Chat-Bal, représentés par Me Bouthors-Neveu concluent au rejet de la requête et demandent de mettre à la charge de M. C... et Mme F... la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la demande de première instance et la requête d'appel sont irrecevables ; le recours devant le tribunal administratif était tardif ; le permis de construire a été affiché sur le terrain dès sa délivrance et de manière continue, ce qu'attestent plusieurs personnes ; en outre les requérants sont dépourvus d'intérêt à agir ;

- les moyens soulevés par M. C... et Mme F... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 septembre 2020, la commune de Courseulles-sur-Mer, représentée par Me Cavelier, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de M. C... et Mme F... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête de première instance était tardive ;

- les moyens soulevés par M. C... et Mme F... ne sont pas fondés.

Par un courrier du 18 mai 2022, la cour a informé les parties, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, qu'elle était susceptible de surseoir à statuer sur la requête de M. C... et Mme F... jusqu'à l'expiration d'un délai de 8 mois afin de permettre la régularisation des vices susceptibles d'être retenus tirés de la méconnaissance des dispositions des articles UA 7 et UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B...,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations de Me Launay, représentant M. C... et Mme F..., et les observations de Me Bouthors-Neveu, représentant M. G... et la SCI Chat-Bal.

Une note en délibéré présentée par M. G... et la SCI Chat-Bal a été enregistrée le 29 mai 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de Courseulles-sur-Mer a délivré, le 20 décembre 2018, un permis de construire à M. G... pour la construction d'une maison de 218,40 m² de surface de plancher, sur un terrain situé 6, rue du temple et cadastré AM n° 83. Par un arrêté du 11 juin 2019, ce permis de construire a été transféré à la SCI Chat-Bal, puis, par un arrêté du 3 février 2020, le maire de Courseulles-sur-Mer a délivré à la SCI un permis modificatif pour la destruction et la reconstruction du garage existant, la pose d'une toiture en bac acier gris ardoise et d'un bardage de bois gris. M. C... et Mme F... relèvent appel du jugement du 4 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation des permis délivrés, ainsi que de l'arrêté de transfert.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. La régularité d'un jugement ne dépendant pas de son bien-fondé, M. C... et Mme F... ne sauraient utilement soutenir que le jugement serait irrégulier en raison d'erreurs de droit ou d'appréciation dont il serait entaché.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance :

3. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. C... et Mme F... sont propriétaires de la parcelle contiguë au terrain d'assiette du projet litigieux, lequel consiste en l'édification d'une maison, pour partie sur deux niveaux, et comportant l'aménagement d'une terrasse sur une partie du toit. M. C... et Mme F... se prévalent d'une perte de vue et d'ensoleillement, notamment depuis les fenêtres du premier étage de leur maison d'habitation. Ces éléments sont susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation et de jouissance de leur bien. Dans ces conditions, M. C... et Mme F... justifient d'un intérêt suffisant leur donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire du 20 décembre 2018 modifié le 3 février 2020 et de l'arrêté de transfert du 11 juin 2019.

6. En second lieu, aux termes de l'article R. 600-2 du code de l'urbanisme : " Le délai de recours contentieux à l'encontre d'une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d'un permis de construire, d'aménager ou de démolir court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l'article R. 424-15 ". Aux termes de l'article R. 424-15 du même code : " Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier. (...) Cet affichage mentionne également l'obligation, prévue à peine d'irrecevabilité par l'article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l'auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. (...) ".

7. Les pièces produites par M. G... et la SCI Chat-Bal, notamment la photographie d'un panneau de permis de construire de taille réglementaire mais ne permettant pas de s'assurer de sa visibilité depuis la voie publique et les attestations partiellement contredites par celles produites par les requérants, n'établissent pas de façon certaine la date à laquelle il a été procédé à l'affichage sur le terrain du permis de construire qui leur a été délivré, ni surtout la continuité de cet affichage. Par suite, le délai n'ayant pas couru, la demande de première instance de M. C... et Mme F... n'était pas tardive.

8. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par la commune de Courseulles-sur-Mer, M. G... et la SCI Chat-Bal à la demande de première instance doivent être écartées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le dossier de demande de permis de construire :

9. Aux termes de l'article R. 431-8 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend une notice précisant : / 1° L'état initial du terrain et de ses abords indiquant, s'il y a lieu, les constructions, la végétation et les éléments paysagers existants ; / 2° Les partis retenus pour assurer l'insertion du projet dans son environnement et la prise en compte des paysages, faisant apparaître, en fonction des caractéristiques du projet : (...) e) Le traitement des espaces libres, notamment les plantations à conserver, à supprimer ou à créer ; (...) ". Aux termes de l'article R. 431-9 du même code : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement ". Aux termes de l'article R. 431-10 de ce code : " Le projet architectural comprend également : a) Le plan des façades et des toitures ; lorsque le projet a pour effet de modifier les façades ou les toitures d'un bâtiment existant, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ;b) Un plan en coupe précisant l'implantation de la construction par rapport au profil du terrain ; lorsque les travaux ont pour effet de modifier le profil du terrain, ce plan fait apparaître l'état initial et l'état futur ;c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ;d) Deux documents photographiques permettant de situer le terrain respectivement dans l'environnement proche et, sauf si le demandeur justifie qu'aucune photographie de loin n'est possible, dans le paysage lointain. Les points et les angles des prises de vue sont reportés sur le plan de situation et le plan de masse. "

10. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

11. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.

12. D'abord, il ressort des pièces du dossier que le dossier de demande de permis de construire comportait une notice décrivant les abords du terrain d'assiette comme un environnement urbain construit d'habitations d'aspect et de volumes simples, ainsi que quelques photographies de la rue et du terrain. Le pétitionnaire a, dans le dossier de demande de permis modificatif, complété la description des constructions environnantes en mentionnant l'existence de plusieurs constructions récentes à proximité immédiate du projet, insérées dans un bâti ancien et en produisant de nouvelles photographies de l'environnement urbain proche montrant des constructions et les murs de clôture alentour. Les dossiers de demande comportaient également un document graphique illustrant le projet achevé à côté de la maison existante des requérants et des plans des façades. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que l'étroitesse de la rue du temple ne permet pas aisément, faute de possibilités suffisantes de recul, une représentation photographique plus large du projet dans son environnement. Si les requérants font également valoir que les photographies ainsi produites ne confirment nullement la présence de constructions récentes visibles aux abords du terrain d'assiette, contrairement aux énonciations de la notice, cette inexactitude n'a pas été de nature à fausser l'appréciation du service instructeur. La notice indique également que le projet prévoit la plantation d'arbres d'essence régionale le long des murs ouest et sud et d'arbres fruitiers sur la partie engazonnée du terrain, dont la superficie est précisée dans le dossier de demande de permis modificatif. Ces informations sont illustrées également par des documents graphiques. Ces éléments suffisaient à décrire le traitement des espaces libres. L'administration qui disposait de l'ensemble de ces documents a pu ainsi apprécier l'aspect du projet et son insertion dans l'environnement. Ensuite, si le dossier de demande de permis initial ne comportait pas de plan de masse du terrain d'assiette avant les travaux projetés, cette lacune a été comblée par le dossier de demande de permis modificatif. Buissons et pommier y sont représentés. Ces informations, complétées par les photos du terrain et la notice mentionnant les arbres existants sur le terrain, étaient suffisantes pour indiquer les plantations supprimées. Par ailleurs les pièces des dossiers de demande de permis précisent que " les coffrets électricité, gaz et téléphone seront encastrés dans le mur du garage donnant sur la rue du temple. Adduction eau et eaux usées ont été posées respectivement par la SAUR et VEOLIA à l'entrée du terrain côté rue du Temple. Les eaux pluviales sont traitées par drainage naturel, puisard et caissons (8m3) situés sous le parking voitures ". A supposer même que les modalités selon lesquelles les bâtiments projetés seront raccordés aux réseaux publics ne figurent pas sur le plan de masse du projet, cette omission est ainsi comblée par les autres pièces du dossier de demande. Enfin, les plans de façades et des toitures, qui manquaient au dossier de demande initiale, ont été ultérieurement produits au dossier de demande de permis modificatif, ainsi que des photomontages du projet depuis la voie publique. Par suite les moyens tirés du caractère incomplet du dossier, en méconnaissance des articles R. 431-8 à R. 431-10 du code de l'urbanisme, doivent être écartés.

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du plan local d'urbanisme :

13. En premier lieu, aux termes de l'article UA6 du règlement du plan local d'urbanisme : " A défaut d'alignement, 50% minimum du nu des façades des constructions devront s'implanter à l'alignement des voies et emprises publiques. (...) / Exception : des implantations différentes sont possibles dans les cas suivants : (...) / Lorsque le projet de construction est envisagé sur un terrain dont la limite sur voie comporte un mur de clôture ancien de qualité, le projet s'implantera en retrait minimum de 5 m à compter de l'alignement, (...) ". L'alignement est défini par le lexique annexé aux documents du plan local d'urbanisme comme la " Limite entre une propriété publique et une propriété privée. Elle correspond généralement à la ligne d'implantation des clôtures sur rue. L'alignement sert de référence pour déterminer, par rapport aux voies, l'implantation des constructions qui seront donc édifiées soit " en retrait par rapport à l'alignement ", soit " à l'alignement ". L'article L. 111-15 du code de l'urbanisme dispose que " Lorsqu'un bâtiment régulièrement édifié vient à être détruit ou démoli, sa reconstruction à l'identique est autorisée dans un délai de dix ans nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale, le plan local d'urbanisme ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement. "

14. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le projet autorisé prévoit l'édification d'une maison à usage d'habitation, la démolition et reconstruction d'un garage et le maintien d'un mur de pierre correspondant à un mur ancien de qualité au sens de l'article UA6 du règlement du plan local d'urbanisme. La façade de la maison est implantée en retrait de 7.19 mètres à compter de ce mur qui correspond à une clôture sur rue répondant à la définition de l'alignement rappelée au point précédent et respecte donc les dispositions de l'article UA6.

15. D'autre part, il résulte des dispositions précitées de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme qu'en cas de démolition d'un bâtiment et dès lors que celui-ci a été régulièrement construit, sa reconstruction à l'identique est de droit. Seules des dispositions expresses de la réglementation locale d'urbanisme prévoyant l'interdiction de la reconstruction à l'identique de bâtiments détruits par un sinistre ou démolis peuvent faire légalement obstacle à cette reconstruction.

16. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du plan de masse, que le garage reconstruit au même endroit est accolé au mur de clôture conservé et ne respecte pas, de ce fait, les dispositions de l'article UA6. Toutefois le garage conserve la même destination, la même implantation, le même volume, le même style de toiture que précédemment et comporte une surface de plancher augmentée de 3 m² seulement. S'il présente un bardage extérieur en bois, inexistant antérieurement, la couleur grise du matériau choisi est proche de la teinte pierre du garage démoli et est, au surplus, invisible depuis la rue du temple. Il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'il n'aurait pas été édifié régulièrement. Par suite, le garage doit être regardé comme reconstruit à l'identique au sens des dispositions de l'article L. 111-5 du code de l'urbanisme

17. En deuxième lieu, aux termes de l'article UA 7 du plan local d'urbanisme : " (...) Par rapport à la limite de fond de parcelle, un retrait d'au moins 4 m devra être respecté pour tous types de constructions (habitat, commercial, artisanal ou service) ". Aux termes du lexique figurant en annexe du règlement de ce même plan : " Limites de fond de parcelles : Est dénommée fond de parcelle, la limite du terrain la plus éloignée de celle par laquelle s'effectue l'accès des véhicules à la parcelle à l'exception des terrains de forme triangulaire pour lesquels il n'y a pas de fond de parcelle. / Une limite pour laquelle doivent être appliquées au premier lieu les prescriptions de l'article 6 des règlements de zones ne peut se voir attribuer le caractère de fond de parcelle. / Ligne commune, séparant deux propriétés privées (hormis les voies privées telles que définies ci-après). (...) Voies : il s'agit des voies publiques et privées (incluant les espaces réservés aux " deux-roues ") ouvertes à la circulation publique (donc y compris les voies des lotissements privés ainsi que les chemins ruraux. (...) "

18. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle AM n° 83, terrain d'assiette du projet litigieux, présente la forme d'un heptagone irrégulier, délimité au nord par la rue du temple, dont elle est séparée par le mur de pierre mentionné au point 14, à l'ouest par la parcelle bâtie AM n°65 propriété de M. C... et Mme F..., à l'est et au sud par les parcelles AM nos 84 et 85, lesquelles constituent une voie privée qui borde les cinq côtés à l'est et au sud de la parcelle AM n° 83. L'accès des véhicules au terrain d'assiette du projet s'effectue non par la rue du temple, mais par cette voie privée. Compte tenu de la configuration de la parcelle et des particularités de l'accès au terrain, les dispositions précitées de l'article UA7 7 ne sont pas applicables. En outre et au surplus, la limite du terrain la plus éloignée de la rue du temple est consacrée au jardin de la maison projetée, dont l'implantation respecte ainsi un retrait de 4 mètres.

19. En troisième lieu, aux termes de l'article UA11 du règlement du plan local d'urbanisme : " Aspect extérieur des constructions et aménagement de leurs abords/ Caractéristiques architecturales des façades et toitures/ " Le projet peut être refusé (...) si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales "/ (...) Le rythme des façades doit s'harmoniser avec celui des bâtiments voisins (...). Volumétrie : Les gabarits des constructions nouvelles devront respecter l'aspect général des gabarits existants. / Pour les constructions nouvelles et les extensions, les toitures terrasses sont autorisées à hauteur de 30 % de l'emprise des toitures si elles ne sont pas visibles du domaine public. / Les toitures monopente sont autorisées. / Toiture courbe interdite (...) / De manière générale, les pleins et les vides dans les façades devra être cohérent avec le rythme des façades avoisinantes ".

20. Aux termes de l'entrée " Volumétrie " du lexique annexé au règlement du plan local d'urbanisme : " Le règlement par zone peut évoquer un volume principal de construction (ou une construction principale) et des volumes secondaires. Cette volumétrie fait référence à un modèle traditionnel de composition architecturale (...) / Ce modèle architectural n'est en aucun cas obligatoire et ne doit pas empêcher l'architecture contemporaine de qualité ". Aux termes de l'entrée " Toit terrasse " de ce même lexique : " Couverture d'une construction ou d'une partie de construction (close ou non) constituant par ses caractéristiques une surface de plancher (horizontalité, résistance à la charge, ...) qu'elle soit ou non accessible (...). "

21. Il ressort des pièces du dossier que la construction autorisée est composée de plusieurs volumes parallélépipédiques organisés en forme de lettre L inversée orientée nord-sud, ouverts, du côté du jardin intérieur par des baies verticales et, du côté de la voie constituée par la parcelle AM n° 85, par de petites ouvertures peu nombreuses. Cette façade présente l'aspect de pans successifs. Si l'architecture du projet et le rythme des façades tranchent avec le style des maisons avoisinantes, il ressort des plans de coupe que la maison est en grande partie cachée par le mur de pierre situé en clôture de la parcelle le long de la rue du temple et que l'on n'en distingue, depuis cette rue et les rues avoisinantes, que la partie supérieure. La couleur grise, choisie pour la façade, reste discrète et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle ne pourrait s'harmoniser avec la gamme des tons de pierre des maisons avoisinantes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le bâtiment projeté est constitué d'une première aile de deux niveaux en R +1, surmontée d'un toit présentant une très faible pente de 4 %, visible notamment depuis la rue de l'Epinette, et d'une deuxième aile d'un seul niveau, surmontée d'un toit-terrasse au sens du lexique annexé aux documents du PLU, recouvert d'un plancher en mélèze dont seule la balustrade de verre translucide et d'inox est visible depuis la rue. La construction litigieuse, dans sa partie R+1, qui est perçue comme un bâtiment à toit plat, en raison de la très faible pente de cette toiture, pour une surface excédant 30 % de l'emprise totale de la toiture, est ainsi visible depuis la voie publique. Par suite le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article UA 11 relatives aux toitures, lesquelles doivent s'entendre comme limitant à 30 % au plus de la surface totale de la toiture le recours à des toits-terrasses accessibles ou non, à la condition qu'ils ne soient pas visibles depuis la voie publique, doit être accueilli.

22. En quatrième lieu, aux termes de l'article UA13 du même plan : " (...) Tout terrain devra comprendre au moins un arbre de moyen développement par tranche de 300 m². Les espaces libres de toute construction ou de stationnement devront être aménagés en espaces verts paysagers. Ils représenteront 10 % de la surface de l'unité foncière ".

23. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice et volet paysager du dossier de demande du permis initial et du " descriptif habitation " du dossier de demande de permis modificatif, que le projet prévoit la plantation de trois arbres de moyenne hauteur sur un terrain d'assiette de 411 m² et une surface engazonnée de 84,34 m², soit plus de 10 % de la surface de l'unité foncière. La circonstance que la copie du plan de masse, telle que produite par la commune de Courseulles-sur-Mer, ne permette pas de lire les cotes de ce plan n'entraîne pas l'illégalité du permis délivré. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article UA 13 doit être écarté.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

24. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. "

25. Le vice mentionné au point 21 tiré de ce que le permis de construire litigieux méconnaît les dispositions de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme n'implique pas une modification qui nécessiterait d'apporter au projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature. Il est, par suite, susceptible d'être régularisé. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer, en application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à la commune de Courseulles-sur-Mer et à la SCI Chat-Bal un délai de huit mois, à compter de la notification du présent arrêt, afin de notifier à la cour la mesure de régularisation nécessaire.

DECIDE :

Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. C... et Mme F... afin de permettre à la SCI Chat-Bal de régulariser le vice tiré de ce que les permis de construire litigieux méconnaissent les dispositions de l'article UA 11 du règlement du plan local d'urbanisme de Courseulles-Sur-Mer.

Article 2 : Il est imparti à la commune de Courseulles-Sur-Mer et à la SCI Chat-Bal un délai de huit mois à compter de la notification du présent arrêt pour procéder à la mesure de régularisation mentionnée à l'article 1er.

Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et Mme E... F..., à la commune de Courseulles-sur-Mer, à M. G... et à la SCI Chat-Bal.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- M. Bréchot, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2022.

La rapporteure,

H. B...

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT01856


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT01856
Date de la décision : 10/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-03-02-02 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Légalité interne du permis de construire. - Légalité au regard de la réglementation locale. - POS ou PLU (voir supra : Plans d`aménagement et d`urbanisme).


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : CAVELIER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-10;20nt01856 ?
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