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03/06/2022 | FRANCE | N°21NT00333

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 03 juin 2022, 21NT00333


Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 21NT00333 du 4 février 2022, la cour saisie par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une requête tendant à l'annulation du jugement n° 1605422 du

3 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Mme B... A..., en réparation des préjudices qu'elle indique avoir subis à la suite du développement d'une sclérose en plaques la somme de 392 273,79 euros a, en application de l'article R. 625-3 du code

de justice administrative, procédé à une mesure d'instruction en invitant l'A...

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 21NT00333 du 4 février 2022, la cour saisie par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une requête tendant à l'annulation du jugement n° 1605422 du

3 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes l'a condamné à verser à Mme B... A..., en réparation des préjudices qu'elle indique avoir subis à la suite du développement d'une sclérose en plaques la somme de 392 273,79 euros a, en application de l'article R. 625-3 du code de justice administrative, procédé à une mesure d'instruction en invitant l'Académie nationale de médecine à lui fournir des observations sur le point de savoir si, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'y a aucune probabilité qu'un lien de causalité existe entre une sclérose en plaques et une vaccination contre le virus de l'hépatite B.

L'Académie nationale de médecine a produit ses observations le 11 mars 2022.

Par un mémoire enregistré le 13 mars 2022, Mme A..., représentée par Me Bessy, demande à la cour de constater que l'Académie nationale de médecine n'écarte pas formellement tout lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques.

Par un mémoire enregistré le 10 avril 2022, l'ONIAM, représenté par Me Welsch, conclut au rejet des conclusions de Mme A....

Il entend se référer à l'avis émis par l'Académie de médecine qui considère qu'il n'y a pas de probabilité de développer une sclérose en plaques après une vaccination contre l'hépatite B.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- les observations de Me Bessy, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. En vue d'exercer un emploi dans le cadre d'un contrat d'accompagnement à l'emploi afin de devenir agent des services hospitaliers, Mme A..., née le 28 novembre 1980, tenue de se faire vacciner contre le virus de l'hépatite B, a reçu 4 injections en 2006. En août 2007, l'intéressée a été diagnostiquée comme étant atteinte d'une sclérose en plaques, pathologie qu'elle impute à cette vaccination. Le 5 août 2015, elle a saisi l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) d'une réclamation indemnitaire qui a été expressément rejetée le 2 novembre 2016. Après avoir demandé au tribunal administratif de Rennes de désigner un expert, qui a rendu son rapport le 25 mars 2020, Mme A... a demandé à cette juridiction de condamner l'ONIAM à lui verser une somme d'un montant total de 1 059 432,38 euros en réparation de l'intégralité des préjudices qu'elle allègue avoir subis du fait de cette vaccination et de l'aggravation de son état de santé. Aux termes du jugement du 3 décembre 2020, dont l'ONIAM relève appel, le tribunal a mis à la charge de ce dernier le versement à Mme A... de la somme de 392 273,79 euros.

Sur les conclusions principales présentées par l'ONIAM :

2. Aux termes de l'article L. 3111-9 du code de la santé publique : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent titre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. (....) ".

3. Il appartient à la juridiction saisie d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, de rechercher, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant elle, s'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe. Dans l'hypothèse inverse, elle doit procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et ne retenir l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations obligatoires subies par l'intéressée et les symptômes qu'elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, s'il ne ressort pas du dossier que ces symptômes peuvent être regardés comme résultant d'une autre cause que les vaccinations.

4. La cour, eu égard à la teneur des débats devant elle, quant à l'absence de toute probabilité d'un lien de causalité entre la sclérose en plaques et la vaccination contre le virus de l'hépatite B, a, par son arrêt du 4 février 2022, invité l'Académie nationale de médecine à lui présenter des observations de nature à l'éclairer quant au point de savoir, si, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'y a aucune probabilité qu'un lien de causalité existe entre une sclérose en plaques et une vaccination contre le virus de l'hépatite B.

5. En vue d'émettre l'avis ainsi sollicité, l'Académie nationale de médecine a procédé à l'examen d'un ensemble de travaux scientifiques réalisés depuis plusieurs années en vue de rechercher l'existence d'un éventuel lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenue d'une sclérose en plaques.

6. Il ressort en particulier des conclusions des conférences de consensus de 2003 et 2004 sur la vaccination contre l'hépatite B que si des cas d'atteintes démyélinisantes lors de vaccination d'adultes ont pu être observés, les données ne présentaient pas une valeur suffisante pour établir un lien de causalité. De même, la commission nationale de pharmacovigilance a, en septembre 2011, considéré que les études épidémiologiques publiées " ne permettent pas de retenir un lien entre la vaccination contre l'hépatite B et les effets indésirables surveillés " et que les études de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) concordent avec les données internationales. La méta-analyse de Mouchet effectuée en 2008 sur la base de 13 études conclut en indiquant qu'il ne peut être démontré de lien entre l'exposition au vaccin et un risque de démyélinisation centrale. Enfin, la société francophone de la sclérose en plaques, après avoir examiné les publications scientifiques de référence et leur analyse par 110 lecteurs et 28 experts de la sclérose en plaques conclut, en 2018, à l'absence d'arguments en faveur d'une association entre la vaccination et la survenue d'une sclérose en plaques, quel que soit l'intervalle de temps étudié. Au regard de ces éléments, l'Académie nationale de médecine conclut : " qu'il n'y a pas à ce jour d'évidence démontrée d'association causale entre la vaccination contre l'hépatite B et la sclérose en plaques, quel que soit le vaccin y compris le Genhevac B. Seule une relation de temporalité (coïncidentale) peut ainsi être retenue pour expliquer la survenue des cas de sclérose chez les sujets vaccinés ".

7. Dans ces conditions, en l'état des connaissances scientifiques telles que rappelées ci-dessus, aucune probabilité d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B et la survenue d'une sclérose en plaques ne peut être retenue.

8. Il s'ensuit que l'ONIAM est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes l'a condamné, sur le fondement de la solidarité nationale, à indemniser Mme A... à hauteur de 392 273,79 euros à raison de la sclérose en plaques qu'elle présente.

Sur les conclusions d'appel incident de Mme A... :

9. Compte tenu de ce qui vient d'être dit au point 7 ci-dessus, en l'absence de toute obligation de l'ONIAM à l'égard de Mme A..., les conclusions indemnitaires présentées par cette dernière, par la voie de l'appel incident, ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais du litige :

10. Les frais de l'expertise ont été taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros par l'ordonnance du président du tribunal administratif de Rennes du 7 juillet 2020. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de laisser ces frais à la charge de l'ONIAM.

11. De même, il n'apparait pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais exposés par elles dans le cadre de l'instance et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n°1605422 du tribunal administratif de Rennes du 3 décembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande de Mme A... devant le tribunal et ses conclusions d'appel incident devant la cour sont rejetées.

Article 3 : Les frais de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 1 800 euros sont laissés à la charge de l'ONIAM.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes, à Mme B... A... et à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère Morbihan.

Copie en sera transmise, pour information, à la ministre de la santé et de la prévention et à l'Académie nationale de médecine.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. Catroux, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2022.

La rapporteure,

C. C...

Le président,

D. SALVI

Le greffier,

R. MAGEAU

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de la prévention, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00333


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00333
Date de la décision : 03/06/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-03 RESPONSABILITÉ DE LA PUISSANCE PUBLIQUE. - RESPONSABILITÉ EN RAISON DES DIFFÉRENTES ACTIVITÉS DES SERVICES PUBLICS. - SERVICE PUBLIC DE SANTÉ. - SERVICE DES VACCINATIONS. - INDEMNISATION DES DOMMAGES IMPUTABLES AUX VACCINATIONS OBLIGATOIRES - CONDITION TENANT À L'EXISTENCE D'UNE PROBABILITÉ NON NULLE QU'UN LIEN DE CAUSALITÉ EXISTE ENTRE L'ADMINISTRATION DU VACCIN ET LES SYMPTÔMES ATTRIBUÉS À L'AFFECTION - ADMINISTRATION DU VACCIN CONTRE LE VIRUS DE L'HÉPATITE B ET APPARITION D'UNE SCLÉROSE EN PLAQUES - ABSENCE DE TOUTE PROBABILITÉ DE LIEN DE CAUSALITÉ EN L'ÉTAT DES CONNAISSANCES SCIENTIFIQUES - REJET DES CONCLUSIONS INDEMNITAIRES.

60-02-01-03 1) Saisi d'un litige individuel portant sur les conséquences pour la personne concernée d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, il appartient au juge, pour écarter toute responsabilité de la puissance publique, non pas de rechercher si le lien de causalité entre l'administration du vaccin et les différents symptômes attribués à l'affection dont souffre l'intéressé est ou non établi, mais de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant le juge, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe.......2) Il appartient ensuite au juge, après avoir procédé à la recherche mentionnée au point précédent, soit, s'il en était ressorti, en l'état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter la demande indemnitaire, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations obligatoires subies par l'intéressé et les symptômes qu'il avait ressentis que si ceux-ci étaient apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou s'étaient aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressortait pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations.......3) En l'espèce, en l'état des connaissances scientifiques telles que rappelées notamment par l'Académie nationale de médecine, aucune probabilité d'un lien de causalité entre l'injection du vaccin contre le virus de l'hépatite B, y compris le Genhevac B, et la survenue d'une sclérose en plaques ne peut être retenue. Dès lors, la cour n'avait pas à se prononcer sur la seconde étape du raisonnement afin de rechercher si un lien de causalité existe entre la vaccination et les symptômes présentés par l'intéressée.......1. CE, 29 septembre 2021, M. Douchet, n° 435323, A.


Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : BESSY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-06-03;21nt00333 ?
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