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24/05/2022 | FRANCE | N°21NT01756

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 mai 2022, 21NT01756


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du Moulin a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 8 octobre 2018 par laquelle la maire de la commune de Cléguer a rejeté sa demande tendant à l'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal de cette commune de la question de l'abrogation de la délibération du 11 juillet 2016 portant approbation du plan local d'urbanisme de cette commune, en tant que cette délibération institue sur ses parcelles cadastrées section ZH n°s 1, 30, 46

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière (SCI) du Moulin a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 8 octobre 2018 par laquelle la maire de la commune de Cléguer a rejeté sa demande tendant à l'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal de cette commune de la question de l'abrogation de la délibération du 11 juillet 2016 portant approbation du plan local d'urbanisme de cette commune, en tant que cette délibération institue sur ses parcelles cadastrées section ZH n°s 1, 30, 46, 56, 62, 64, 83, 89, 119, 120 et 371 un emplacement réservé pour la réalisation d'un cheminement piétonnier.

Par un jugement n° 1805621 du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 juin et 9 décembre 2021, la société civile immobilière (SCI) du Moulin, représentée par Me Matel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la décision du maire de Cléguer en date du 8 octobre 2018 ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cléguer le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où l'emplacement réservé litigieux est dépourvu d'objet compte tenu du projet d'aménagement d'une voie verte, porté par le conseil départemental du Morbihan, dont l'utilité publique a été déclarée par arrêté du préfet du Morbihan du 23 décembre 2013 ;

- l'emplacement réservé litigieux présente des risques d'atteinte à la sécurité publique et à la propriété privée ;

- le cheminement piétonnier pour lequel l'emplacement réservé a été institué est difficilement réalisable compte tenu de la création d'une passe à poissons sur les mêmes parcelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 septembre 2021, la commune de Cléguer, représentée par Me Le Derf-Daniel, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la SCI du Moulin le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande est irrecevable, la SCI du Moulin ne justifiant pas de sa qualité de propriétaire des parcelles sur lesquelles l'emplacement réservé dont l'abrogation a été demandée a été institué ;

- aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Balloul substituant Me Le Derf-Daniel, pour la commune de Cléguer.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI du Moulin est propriétaire des parcelles cadastrées section ZH n°s 1, 30, 46, 56, 62, 64, 83, 89, 119, 120 et 371, situées sur le territoire de la commune de Cléguer. Par une délibération du 11 juillet 2016, le conseil municipal de la commune de Cléguer a approuvé son plan local d'urbanisme et institué un emplacement réservé n° 10, en partie sur les parcelles de la SCI du Moulin, pour permettre la réalisation d'un cheminement piétonnier. Par un courrier du 6 août 2018, la SCI du Moulin a demandé au maire d'abroger le plan local d'urbanisme en tant qu'il institue cet emplacement réservé sur ses parcelles. Par une décision du 8 octobre 2018, le maire a rejeté cette demande tendant à l'inscription à l'ordre du jour du conseil municipal de la commune de Cléguer de la question de l'abrogation partielle de la délibération du 11 juillet 2016. Par un jugement du 4 juin 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de la SCI du Moulin tendant à l'annulation de la décision du maire de Cléguer du 8 octobre 2018. La SCI du Moulin relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du 8 octobre 2018 :

2. Aux termes de l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme : " Le règlement peut délimiter des terrains sur lesquels sont institués : / 1° Des emplacements réservés aux voies et ouvrages publics dont il précise la localisation et les caractéristiques (...) ". Aux termes de l'article L. 152-2 du même code : " Le propriétaire d'un terrain bâti ou non bâti réservé par un plan local d'urbanisme en application de l'article L. 151-41 peut, dès que ce plan est opposable aux tiers, et même si une décision de sursis à statuer qui lui a été opposée est en cours de validité, exiger de la collectivité ou du service public au bénéfice duquel le terrain a été réservé qu'il soit procédé à son acquisition dans les conditions et délais mentionnés aux articles L. 230-1 et suivants. / Lorsqu'une servitude mentionnée à l'article L. 151-41 est instituée, les propriétaires des terrains concernés peuvent mettre en demeure la commune de procéder à l'acquisition de leur terrain, dans les conditions et délais prévus aux articles L. 230-1 et suivants ".

3. Ces dispositions ont pour objet de permettre aux auteurs d'un document d'urbanisme de réserver certains emplacements à des voies et ouvrages publics, à des installations d'intérêt général ou à des espaces verts, le propriétaire concerné bénéficiant en contrepartie de cette servitude d'un droit de délaissement lui permettant d'exiger de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à son acquisition, faute de quoi les limitations au droit à construire et la réserve ne sont plus opposables. S'il est généralement recouru à ce dispositif pour fixer la destination future des terrains en cause, aucune disposition ne fait obstacle à ce qu'il soit utilisé pour fixer une destination qui correspond déjà à l'usage actuel du terrain concerné, le propriétaire restant libre de l'utilisation de son terrain sous réserve qu'elle n'ait pas pour effet de rendre ce dernier incompatible avec la destination prévue par la réservation.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du rapport de présentation du plan local d'urbanisme que la commune de Cléguer a institué l'emplacement réservé n° 10 pour permettre la réalisation d'un cheminement piétonnier afin d'assurer la continuité des réseaux de cheminements piétonniers et développer les liaisons douces entre plusieurs secteurs urbanisés du territoire communal. La SCI du Moulin soutient sans être contredite que cet emplacement réservé correspond au tracé du projet d'aménagement d'une voie verte entre Pont-Scorff et Plouay porté par le conseil départemental du Morbihan et déclaré d'utilité publique par un arrêté du préfet du Morbihan en date du 23 décembre 2013. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, l'aménagement de la voie verte était réalisé. Par suite, l'emplacement réservé institué par le plan local d'urbanisme pour permettre le développement du réseau communal de liaisons douces, objectif qui ne se confond pas avec le projet départemental d'aménagement d'une voie verte reliant plusieurs communes, n'était pas dépourvu d'utilité. En outre et en tout état de cause, le plan local d'urbanisme n'est entaché ni d'erreur ni de contradiction en ce qu'il mentionne la commune de Cléguer comme étant bénéficiaire de l'emplacement réservé n° 10. Le moyen tiré de ce que la décision du 8 octobre 2018 contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doit dès lors être écarté.

5. En deuxième lieu, les motifs permettant la création d'un emplacement réservé sont fixés par l'article L. 151-41 du code de l'urbanisme et répondent à un but d'intérêt général. En outre, les propriétaires concernés ont toujours la possibilité d'exercer le droit de délaissement prévu par les dispositions de l'article L. 152-2 du même code, en exigeant de la collectivité publique au bénéfice de laquelle le terrain a été réservé qu'elle procède à l'acquisition de ce bien.

6. Eu égard à l'intérêt général visé par l'emplacement réservé en litige, et alors que le moyen tiré d'un prétendu déséquilibre entre les avantages et les inconvénients d'une opération ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une délibération portant approbation d'un plan local d'urbanisme, le moyen invoqué par la SCI du Moulin tiré de l'atteinte à la sécurité publique et à son droit de propriété, en particulier par la restriction alléguée à l'accès à la turbine hydro-électrique encore exploitée sur l'autre berge de l'étang, doit être écarté comme inopérant.

7. En troisième lieu, la SCI du Moulin n'est pas fondée à soutenir que le cheminement piétonnier serait difficilement réalisable dans la mesure où une passe à poissons doit être installée pour rétablir et assurer la continuité écologique sur la rivière du Scorff, alors qu'il n'est ni allégué ni établi que la réalisation de cette passe à poissons ferait obstacle à l'aménagement du cheminement piétonnier pour lequel l'emplacement réservé a été institué.

8. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en première instance par la commune de Cléguer, que la SCI du Moulin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Cléguer, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la SCI du Moulin de la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SCI du Moulin le versement à la commune de Cléguer d'une somme de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI du Moulin est rejetée.

Article 2 : La SCI du Moulin versera à la commune de Cléguer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière du Moulin et à la commune de Cléguer.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Couvert-Castéra, président de la cour,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 mai 2022.

La rapporteure,

C. A...

Le président,

O. COUVERT-CASTÉRA Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01756


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01756
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : MATEL

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-05-24;21nt01756 ?
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