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24/05/2022 | FRANCE | N°21NT01419

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 mai 2022, 21NT01419


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 mars 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 11 juillet 2018 du ministre rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1808168 du 10 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Carrega, demande à la co

ur :

1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 30 mars 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation, ainsi que la décision du 11 juillet 2018 du ministre rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1808168 du 10 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 mai 2021, Mme B..., représentée par Me Carrega, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les décisions du ministre de l'intérieur ;

3°) d'enjoindre au ministre de lui accorder la nationalité française, à titre subsidiaire de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué qui n'est pas suffisamment motivé est entaché d'irrégularité ;

- les décisions contestées ne sont pas suffisamment motivées ;

- ces décisions procèdent d'une erreur manifeste d'appréciation ; elle réside en France depuis 39 ans ; si elle n'a pas déclaré ses mariages antérieurs mais seulement son dernier mariage en France et son divorce, cette omission ne saurait être retenue contre elle en ce que ses mariages antérieurs, d'une durée de quelques mois, ont été célébrés en 1980 et 1982 au Maroc et dissous dans ce pays, avant son entrée en 1984 en France, plus de 30 années avant sa demande de naturalisation ; en outre, elle a fourni l'acte de mariage et l'acte de divorce de sa première union ;

- elle peut bénéficier d'un droit à l'erreur et se prévaloir de la circulaire du 21 juin 2013 qui rappelle que l'appréciation du comportement du postulant doit aboutir à des décisions proportionnées.

Par un mémoire en défense enregistré le 29 juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 modifié ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

1. Par un jugement du 10 mars 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de la décision du 30 mars 2018 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que de la décision du 11 juillet 2018 du ministre rejetant son recours gracieux. Mme B... relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : " (...) Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l'intéressé, s'il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ". En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l'intérêt d'accorder la nationalité française à l'étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d'opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.

3. Le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de naturalisation présentée par

Mme B... en se fondant sur ce que cette dernière avait, à l'occasion de sa demande de naturalisation, communiqué des informations incomplètes sur sa situation en ne mentionnant pas qu'elle avait été mariée à deux reprises par le passé.

4. Il n'est pas contesté que si Mme B... a indiqué, dans sa demande de naturalisation, s'être mariée en 1995 en France et être divorcée, elle n'a pas mentionné, dans la rubrique correspondante du formulaire de demande, l'existence de deux mariages antérieurs à sa dernière union. Toutefois, et alors que le ministre admet que ce formulaire précise que " ne doivent être complétées en tenant compte de ces situations en France et à l'étranger " que les seules rubriques " enfants vivants " et " situation professionnelle et domicile ", il ressort des pièces du dossier que Mme B... réside en France depuis 1984 et que les deux mariages antérieurs en cause, d'une durée de quelques mois, ont été célébrés en 1980 et 1982 au Maroc et dissous dans ce pays, avant l'entrée en France de la requérante, intervenue plus de trente années avant sa demande de naturalisation. Dans ces circonstances particulières, l'omission reprochée à Mme B... ne saurait à elle-seule être regardée comme révélant une intention de dissimulation ou de fraude. Par suite, les décisions contestées du ministre rejetant, pour le motif énoncé au point 3, la demande de naturalisation présentée par l'intéressée, sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation et ne peuvent qu'être annulées.

5. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner ni la régularité du jugement attaqué ni les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur examine de nouveau le demande de naturalisation présentée par Mme B.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 10 mars 2021 du tribunal administratif de Nantes et les décisions des 30 mars 2018 et 11 juillet 2018 du ministre de l'intérieur rejetant la demande de naturalisation présentée par Mme B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre chargé des naturalisations de réexaminer, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, la demande de naturalisation présentée par Mme B....

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme B... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022.

La rapporteure,

C. BUFFETLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01419


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01419
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CARREGA

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-05-24;21nt01419 ?
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