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24/05/2022 | FRANCE | N°21NT01295

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 mai 2022, 21NT01295


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 7 novembre 2017 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Perros-Guirec, en tant d'une part qu'elle classe le secteur de Mezo Bras pour partie en zone 1AUe et pour partie en zone 2AUb, d'autre part, en tant qu'elle prévoit une orientation d'aménagement et de programmation n°20 relative au stationnement tempora

ire et au stockage de remorques de bateaux à Ploumanac'h et enfin en tant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 7 novembre 2017 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Perros-Guirec, en tant d'une part qu'elle classe le secteur de Mezo Bras pour partie en zone 1AUe et pour partie en zone 2AUb, d'autre part, en tant qu'elle prévoit une orientation d'aménagement et de programmation n°20 relative au stationnement temporaire et au stockage de remorques de bateaux à Ploumanac'h et enfin en tant qu'elle prévoit un emplacement réservé n°15 correspondant à l'aménagement de ce parc de stationnement.

Par un jugement n°1800083 du 10 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a annulé la délibération du 7 novembre 2017 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté en tant qu'elle classe en zone 2 AUb un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras et rejeté le surplus des conclusions de la demande de Mme C....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 mai et 29 novembre 2021, Mme C..., représentée par Me Le Derf-Daniel, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 mars 2021 en tant qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 7 novembre 2017 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lannion-Trégor Communauté a approuvé le plan local d'urbanisme de la commune de Perros-Guirec, en tant qu'elle classe en zone 1 AUe un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras et en tant qu'elle prévoit une orientation d'aménagement et de programmation n°20 relative au projet de parking et l'emplacement réservé correspondant ;

2°) d'annuler la délibération du 7 novembre 2017 en tant qu'elle classe en zone 1AUe un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras et qu'elle prévoie une orientation d'aménagement et de programmation n°20 relative au projet de parking et l'emplacement réservé correspondant ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'évaluation environnementale est insuffisante en ce qui concerne l'impact de l'urbanisation du secteur de Mezo Bras sur la zone humide et sur les espèces protégées présentes dans ce secteur ; la dimension de la zone humide est sous-évaluée ; les mesures de compensation envisagées sont insuffisantes ;

- le rapport de présentation est insuffisant en ce qui concerne les capacités de stationnement de la commune ;

- l'orientation d'aménagement et de programmation " Mezo Bras " et le zonage 1 AUe sont incohérents avec le projet d'aménagement et de développement durables ;

- le classement contesté est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Trégor et méconnaît les articles L. 121-8, L. 121-13 et L. 121-23 du code de l'urbanisme ;

- le classement contesté, l'emplacement réservé situé au sein du secteur " Mezo Bras ", ainsi que l'OAP de ce même secteur, sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2021, la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté, représentée par Mes Gourvennec et Voisin, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation, par la voie de l'appel incident, du jugement du 10 mars 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a annulé la délibération du 7 novembre 2017 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté en tant qu'elle classe en zone 2 AUb un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras ;

3°) à ce que soit mis à la charge de Mme C... le versement de la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la délibération du 7 novembre 2017 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté, en tant qu'elle classe en zone 2 AUb un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras, n'est pas incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Trégor et ne méconnaît pas l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme ;

- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Balloul substituant Me Lederf-Daniel, représentant Mme C..., et de Me Le Baron, représentant la communauté d'agglomération de Lannion-Trégor Communauté.

Une note en délibéré, enregistrée le 13 mai 2022, a été présentée pour la communauté d'agglomération de Lannion-Trégor Communauté.

Une note en délibéré, enregistrée le 18 mai 2022, a été présentée pour Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... C... relève appel du jugement du 10 mars 2021 du tribunal administratif de Rennes en tant qu'il a rejeté les conclusions de la demande tendant à l'annulation de la délibération du 7 novembre 2017 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté a approuvé le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Perros-Guirec, en tant qu'elle classe en zone 1 AUe un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras et en tant qu'elle fixe l'orientation d'aménagement et de programmation n°20 relative au projet de parking et l'emplacement réservé correspondant. Par la voie de l'appel incident, la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il annule la délibération du 7 novembre 2017 en ce qu'elle classe en zone 2 AUb un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras.

Sur l'appel principal :

2. Aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services. En zone de montagne, ce diagnostic est établi également au regard des besoins en matière de réhabilitation de l'immobilier de loisir et d'unités touristiques nouvelles. Il analyse la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'approbation du plan ou depuis la dernière révision du document d'urbanisme et la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et au regard des dynamiques économiques et démographiques. Il établit un inventaire des capacités de stationnement de véhicules motorisés, de véhicules hybrides et électriques et de vélos des parcs ouverts au public et des possibilités de mutualisation de ces capacités. ". Aux termes de l'article R. 151-3 du même code : " Au titre de l'évaluation environnementale lorsqu'elle est requise, le rapport de présentation : 1° Décrit l'articulation du plan avec les autres documents d'urbanisme et les plans ou programmes mentionnés à l'article L. 122-4 du code de l'environnement avec lesquels il doit être compatible ou qu'il doit prendre en compte ; 2° Analyse les perspectives d'évolution de l'état initial de l'environnement en exposant, notamment, les caractéristiques des zones susceptibles d'être touchées de manière notable par la mise en œuvre du plan ; 3° Expose les conséquences éventuelles de l'adoption du plan sur la protection des zones revêtant une importance particulière pour l'environnement, en particulier l'évaluation des incidences Natura 2000 mentionnée à l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; 4° Explique les choix retenus mentionnés au premier alinéa de l'article L. 151-4 au regard notamment des objectifs de protection de l'environnement établis au niveau international, communautaire ou national, ainsi que les raisons qui justifient le choix opéré au regard des solutions de substitution raisonnables tenant compte des objectifs et du champ d'application géographique du plan ; 5° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser, s'il y a lieu, les conséquences dommageables de la mise en œuvre du plan sur l'environnement ; 6° Définit les critères, indicateurs et modalités retenus pour l'analyse des résultats de l'application du plan mentionnée à l'article L. 153-27 et, le cas échéant, pour le bilan de l'application des dispositions relatives à l'habitat prévu à l'article L. 153-29. Ils doivent permettre notamment de suivre les effets du plan sur l'environnement afin d'identifier, le cas échéant, à un stade précoce, les impacts négatifs imprévus et envisager, si nécessaire, les mesures appropriées ; 7° Comprend un résumé non technique des éléments précédents et une description de la manière dont l'évaluation a été effectuée. Le rapport de présentation au titre de l'évaluation environnementale est proportionné à l'importance du plan local d'urbanisme, aux effets de sa mise en œuvre ainsi qu'aux enjeux environnementaux de la zone considérée. ". Aux termes de l'article L. 104-2 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable : " Font également l'objet de l'évaluation environnementale prévue à l'article L. 104-1 les documents suivants qui déterminent l'usage de petites zones au niveau local : 1° Les plans locaux d'urbanisme : a) Qui sont susceptibles d'avoir des effets notables sur l'environnement, au sens de l'annexe II à la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001, compte tenu notamment de la superficie du territoire auquel ils s'appliquent, de la nature et de l'importance des travaux et aménagements qu'ils autorisent et de la sensibilité du milieu dans lequel ceux-ci doivent être réalisés ; b) Qui comprennent les dispositions des plans de déplacements urbains mentionnés au chapitre IV du titre Ier du livre II de la première partie du code des transports ; /(...). ". Aux termes de l'article L. 104-4 du même code : " Le rapport de présentation des documents d'urbanisme mentionnés aux articles L. 104-1 et L. 104-2 : 1° Décrit et évalue les incidences notables que peut avoir le document sur l'environnement ; 2° Présente les mesures envisagées pour éviter, réduire et, dans la mesure du possible, compenser ces incidences négatives ; 3° Expose les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue de la protection de l'environnement, parmi les partis d'aménagement envisagés, le projet a été retenu. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que le rapport de présentation du PLU contesté comporte une évaluation environnementale réalisée par la société Biosferrenn, bureau d'études en environnement, qui mentionne que le secteur de Mezo Bras comprend, pour une petite partie située à l'ouest, une zone humide. L'étude identifie cette zone, d'une superficie d'environ 1 114 m2, au sein d'une " carte de l'occupation des sols " et d'" une carte des sensibilités " et indique qu'elle présente une sensibilité forte en présence de milieux à enjeux ou à potentiel biologique, notamment du fait de l'existence d'une ptéridaie (peuplement de fougères aigles). Par ailleurs, le document mentionne que le secteur de Mezo Bras est situé en lisière d'une zone urbaine, qu'il jouxte la route d'accès vers le site des rochers de Ploumanac'h et qu'il est majoritairement domine´ par les fourrés et les friches. La même étude précise, au sein du chapitre consacré à l'analyse des incidences, qu'afin d'éviter les impacts sur la zone humide, d'autres secteurs ont été envisagés pour la création de stationnements et l'accueil de remorques à bateaux. Ceux-ci ont toutefois été écartés pour des raisons de distance avec le rivage, de difficultés de circulation dans le milieu urbain et de ce que " le secteur constitue le seul point d'accès depuis la route de Saint Guirec ". Afin de réduire la surface de la zone humide impactée à hauteur d'environ 230 m2, le document prescrit la construction d'une seule voie d'accès plutôt qu'un aménagement complet, ainsi qu'une intégration paysagère forte. Au sein du chapitre consacré aux mesures de réduction et de compensation des conséquences environnementales dommageables et aux indicateurs de suivi, l'étude environnementale prévoit, pour compenser l'emprise consécutive sur la ptéridaie du secteur de Mezo Bras, la mise en place d'une mesure visant à restaurer plus de 2 hectares de zone humide dégradée dans le secteur de Kergadic, mesure reprise au sein de l'orientation d'aménagement et de programmation (OAP) spécifique dénommée " secteur Nord de Kergadic " fixant le cadre de cette restauration. L'étude environnementale comporte par ailleurs un chapitre relatif à l'évaluation des incidences sur les sites Natura 2000 susceptibles d'être concernés. Cette partie de l'étude mentionne l'existence du site Natura 2000 " Côte de Granit-Rose - Sept-Iles " sur le territoire de la commune, et précise que les autres sites classés sont situés à plus de 5 kilomètres et ne sont pas susceptibles d'être influencés par le projet de PLU. Elle donne une description géographique du site " Côte de Granit Rose - Sept Iles ", " qui s'étend sur la quasi-totalité´ de la frange littorale (superficie de 72232 ha dont 99% se trouve sur le domaine maritime), et identifie cette zone par un document graphique. Plusieurs tableaux recensent les espèces protégées d'intérêt communautaire présents au sein du site, ainsi que les impacts du projet de PLU sur les espèces protégées, le milieu naturel et la biodiversité. Cette partie de l'étude environnementale, qui comporte des analyses suffisamment détaillées et des propositions de mesures, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elles seraient insuffisantes, conclut qu' " au regard des incidences présupposées et des mesures prises, l'examen du projet de PLU de Perros-Guirec permet de considérer que l'incidence après intégration de mesures n'est que peu significative sur les sites Natura 2000 évalués. Par voie d'extension, cela inclut les habitats naturels, les espèces et les habitats d'espèces d'intérêt communautaire concernés ".

4. Toutefois il ressort des pièces du dossier, et notamment de l'étude hydrogéologique réalisée par le bureau d'études Egeo ainsi que du diagnostic écologique effectué par le bureau d'études en écologie Coic, dont les constats et conclusions ne sont pas contestés par la commune sur ce point, que la zone humide située sur le secteur de Mezo Bras, telle que délimitée par l'inventaire communal, accueille plusieurs espèces protégées ou présentant des enjeux de conservation au niveau régional ou national, tels que le conoce´phale des roseaux, la salamandre tachetée, le crapaud e´pineux, l'orvet fragile, le le´zard vivipare, la vipe`re pe´liade, le rat des moissons, le bouscarle de Cetti, le bouvreuil pivoine, le cisticole des joncs, la locustelle tachetée, la linotte me´lodieuse, l'hirondelle rustique et la pipistrelle commune. Il n'est pas contesté par la commune que plusieurs de ces espèces se reproduisent sur le site ou se déplacent de manière limitée. Il ne ressort pas des pièces du dossier que l'évaluation environnementale comporterait une description de l'impact du projet de PLU sur ces différentes espèces, ou prescrirait à leur sujet des mesures de compensation ou de suivi environnemental. Dans ces conditions, le rapport de présentation doit, au titre de l'évaluation environnementale, être regardé comme insuffisant au regard des effets de sa mise en œuvre sur les enjeux environnementaux de la zone considérée en ce qui concerne les espèces protégées ou présentant des enjeux de conservations. Cette insuffisance a par ailleurs, et en tout état de cause, été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la délibération du 7 novembre 2017 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération de Lannion-Trégor Communauté en tant qu'elle classe en zone 1AUe un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras, qu'elle prévoit l'orientation d'aménagement et de programmation n°20 relative au projet de parking et qu'elle crée l'emplacement réservé n°15 correspondant.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 7 novembre 2017 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté en tant qu'elle classe en zone 1AUe un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras et qu'elle crée l'orientation d'aménagement et de programmation n°20 relative au projet de parking ainsi que l'emplacement réservé n°15 correspondant à cet emplacement de stationnement.

6. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation, alors au demeurant qu'eu égard aux insuffisances de l'évaluation environnementale mentionnées au point 4, la cour n'est pas en mesure de se prononcer utilement sur les moyens tirés de ce que l'orientation d'aménagement et de programmation " Mezo Bras " et le zonage 1 AUe sont incohérents avec le projet d'aménagement et de développement durables, de ce que le classement contesté est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Trégor en ce qui concerne les zones humides, et de ce que le classement contesté, l'emplacement réservé situé au sein du secteur " Mezo Bras ", ainsi que l'OAP de ce même secteur, sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation.

Sur l'appel incident :

7. D'une part, aux termes de l'article L. 131-1 du code de l'urbanisme : " Les schémas de cohérence territoriale sont compatibles avec : / 1° Les dispositions particulières au littoral et aux zones de montagne prévues aux chapitres I et II du titre II ou les modalités d'application de ces dispositions particulières lorsqu'elles ont été précisées pour le territoire concerné par une directive territoriale d'aménagement prévue par l'article L. 172-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 131-4 du même code : " Les plans locaux d'urbanisme et les documents en tenant lieu ainsi que les cartes communales sont compatibles avec : / 1° Les schémas de cohérence territoriale prévus à l'article L. 141-1 ; (...) ". Aux termes de l'article L. 131-7 de ce même code : " En l'absence de schéma de cohérence territoriale, les plans locaux d'urbanisme, les documents en tenant lieu et les cartes communales sont compatibles, s'il y a lieu, avec les documents énumérés aux 1° à 10° de l'article L. 131-1 et prennent en compte les documents énumérés à l'article L. 131-2. (...) ". Il résulte de ces dispositions que, s'agissant d'un plan local d'urbanisme, il appartient à ses auteurs de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de sa compatibilité avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans le cas où le territoire concerné est couvert par un schéma de cohérence territoriale, cette compatibilité s'apprécie en tenant compte des dispositions de ce schéma relatives à l'application des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, sans pouvoir en exclure certaines au motif qu'elles seraient insuffisamment précises, sous la seule réserve de leur propre compatibilité avec ces dernières.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L 'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une opération conduisant à étendre l'urbanisation d'un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d'une part, de caractère limité, et, d'autre part, justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme selon les critères qu'elles énumèrent.

9. Les dispositions du schéma de cohérence territoriale du Trégor prévoient que les agglomérations et des villages qu'il a identifiés et qui se trouvent à l'intérieur des espaces proches du rivage peuvent être développés selon la règle de l'extension limitée prévue par les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Il précise que l'urbanisation envisagée doit être justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, et distingue deux types de secteurs. Le premier type de secteur recouvre les centralités à renforcer, dans lesquelles l'urbanisation pourra être développée de façon plus dense pour accueillir des habitants au plus près des services. A cette fin, les secteurs concernés peuvent être aménagés avec une densité plus élevée et accueillir un nombre de constructions nouvelles plus important que dans le reste de l'espace proche du rivage, qui a vocation à demeurer plus naturel. Le second type de secteur correspond aux secteurs à préserver, en raison de leur forte sensibilité environnementale, de leur qualité architecturale ou de leur intérêt paysager. Ces secteurs doivent être protégés ou urbanisés dans des volumes de constructions et des densités mesurés, en lien avec l'ambiance des lieux. Le schéma n° 8 du schéma de cohérence territoriale du Trégor identifie, au titre du potentiel de développement urbain, le secteur de Mezo Bras parmi les " secteurs à préserver dans l'espace proche du rivage ", qui peuvent faire l'objet d'une " extension urbaine en continuité " de l'agglomération de Ploumanac'h. Il ne ressort pas des pièces du dossier que ces prescriptions seraient incompatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment des plans et photographies produits, qu'eu égard à sa proximité avec le rivage et aux caractéristiques de l'espace l'en séparant, la zone classée par le plan local d'urbanisme litigieux 2 AUb située en partie sud du secteur de Mezo Bras doit être regardée comme un espace proche du rivage, au sens des dispositions précitées de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme. Cette zone couvre une superficie de 2,11 hectares et jouxte à l'ouest une zone urbaine de densité moyenne classée en zone Uc et à l'est de vastes espaces naturels non bâtis classés en zone naturelle. Le règlement applicable à la zone 2 AUb autorise l'implantation sur une emprise de 70 % à 80 % de l'unité foncière en fonction de la taille de celle-ci et une hauteur au faitage maximale de 13 mètres. Par suite, en tenant compte des dispositions du schéma de cohérence territoriale du Trégor, l'ouverture à l'urbanisation des parcelles de la partie sud de ce secteur ne peut être regardée comme limitée au sens des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Dans ces conditions, en tant qu'il classe en zone 2 AUb un ensemble de parcelles situées au sud de Mezo Bras, le plan local d'urbanisme de Perros-Guirec est incompatible avec les dispositions précitées de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme.

11. Il résulte de ce qui précède que la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a annulé la délibération du 7 novembre 2017 du conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté en tant qu'elle classe en zone 2 AUb un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras.

Sur les frais liés au litige :

12. D'une part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté une somme de 1 500 euros à verser à Mme C... au titre des frais liés à l'instance.

13. D'autre part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que demande la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté au titre des frais exposés par elle et non compris dans dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 10 mars 2021 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme C... dirigées contre la délibération du 7 novembre 2017 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté a approuvé le plan local d'urbanisme de Perros-Guirec, en ce que ce plan classe en zone 1AUe un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras et qu'elle comporte l'orientation d'aménagement et de programmation n°20 relative au stationnement temporaire et au stockage de remorques de bateaux à Ploumanac'h, ainsi que l'emplacement réservé n°15 correspondant à l'aménagement de ce parc de stationnement.

Article 2 : La délibération du 7 novembre 2017 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté a approuvé le plan local d'urbanisme de Perros-Guirec est annulée en tant que ce plan classe en zone 1AUe un ensemble de parcelles situées dans le secteur de Mezo Bras et qu'elle comporte l'orientation d'aménagement et de programmation n°20 relative au stationnement temporaire et au stockage de remorques de bateaux à Ploumanac'h, ainsi que l'emplacement réservé n°15 correspondant à l'aménagement de ce parc de stationnement.

Article 3 : Les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté, ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté versera une somme de 1 500 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... et à la communauté d'agglomération Lannion Trégor Communauté.

Copie en sera adressée, pour information, à la commune de Perros-Guirec.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022.

Le rapporteur,

A. B...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet des Côtes-d'Armor, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01295


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01295
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL LE ROY GOURVENNEC PRIEUR

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-05-24;21nt01295 ?
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