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24/05/2022 | FRANCE | N°21NT01032

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 24 mai 2022, 21NT01032


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal d'Ayoub D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 15 octobre 2018 de l'autorité consulaire française à Marrakech (Royaume du Maroc) refusant un visa d'entrée et de long séjour à l'enfant B... D....

Par un jugement n° 2007344 du

22 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal d'Ayoub D..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 15 octobre 2018 de l'autorité consulaire française à Marrakech (Royaume du Maroc) refusant un visa d'entrée et de long séjour à l'enfant B... D....

Par un jugement n° 2007344 du 22 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de faire délivrer un visa de long séjour à l'enfant B... D..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 avril 2021, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 22 février 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Nantes.

Il soutient que l'acte de recueil de l'enfant B... présente le caractère d'une kafala dit " adoulaire " ; M. D... n'établit pas qu'il est dans l'intérêt supérieur de cet enfant de vivre auprès de ses grands-parents en France, dont les ressources sont insuffisantes, et d'être séparé de ses parents.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mai 2021, M. A... D..., représenté par Me Bourgeois, agissant en son nom et pour le compte de son petit-fils B..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au ministre de délivrer le visa sollicité dans un délai de 15 jours sous astreinte de 150 euros par jour de retard et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

M. D... a été maintenu de plein droit au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., de nationalité française, a obtenu avec son épouse, par un acte de kafala dressé le 23 avril 2018, le droit de recueillir légalement B... D..., leur petit-fils né le 25 août 2009. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre le refus opposé par l'autorité consulaire française à Marrakech de délivrer un visa d'entrée et de long séjour à B... D.... Par un jugement du 22 février 2021, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France et enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Le ministre de l'intérieur relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense du ministre présenté en première instance, que pour refuser de délivrer le visa sollicité, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'enfant B... D... a été recueilli par acte de kafala dit adoulaire, que l'intérêt de celui-ci à vivre auprès de ses grands-parents en France n'est pas présumé, et que la situation de cet enfant au Maroc auprès de ses parents ne commande pas qu'il rejoigne ses grands-parents en France, notamment eu égard aux conditions d'accueil proposées en France.

3. A la suite de l'autorisation du 19 mars 2018 du juge sédentaire en charge des affaires de mineurs à E..., les notaires agréées de la section notariale du tribunal de E... ont dressé un acte dit de " kafala " par lequel le jeune B... D... né le 25 août 2009, a été confié à M. et Mme D..., ses grands-parents. Contrairement à ce que soutient M. D..., cette autorisation n'a pas eu pour objet ou pour effet de conférer à l'acte de kafala un caractère judiciaire, alors qu'il est au demeurant constant que l'enfant n'a pas été abandonné au sens des dispositions de la loi marocaine n°15-01 du 13 juin 2002. Les actes dits de " kafala adoulaire ", au Maroc, ne concernent pas les orphelins ou les enfants de parents se trouvant dans l'incapacité d'exercer l'autorité parentale. Leurs effets sur le transfert de l'autorité parentale sont variables. Le juge se borne à homologuer les actes dressés devant notaire. Dès lors, l'intérêt supérieur de l'enfant à vivre auprès de la personne à qui il a été confié par une telle " kafala " ne peut être présumé et doit être établi au cas par cas. Il appartient au juge administratif d'apprécier, au vu de l'ensemble des pièces du dossier, si le refus opposé à une demande de visa de long séjour pour le mineur est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de l'exigence définie par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant.

4. Il ressort des pièces que M. et Mme D... disposent de ressources propres qui s'élèvent à environ 1 200 euros par mois et qu'ils sont propriétaires de leur logement à Argenteuil d'une superficie de 75 m2. Les deux oncles et la tante de l'enfant B..., présents en France et de nationalité française, se sont engagés à contribuer à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, âgé de neuf ans à la date de la décision contestée. Il ressort également des pièces du dossier que le père de l'enfant B... souffre de difficultés cardiaques et d'obésité morbide, que la mère de l'enfant est atteinte d'une tumeur cancéreuse au sein, et que les deux parents sont sans emploi au Maroc. Dans ces conditions, M. D... est fondé à soutenir qu'en refusant de délivrer à l'enfant B... D... un visa de long séjour, la décision de la commission de recours a méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant au sens des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. D..., la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre la décision du 15 octobre 2018 de l'autorité consulaire française à Marrakech refusant un visa d'entrée et de long séjour à B... D....

Sur les frais liés au litige :

6. M. D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros à Me Bourgeois dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du ministre de l'intérieur est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Bourgeois, avocat du requérant, la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bourgeois renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 mai 2022.

Le rapporteur,

A. C...Le président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT01032


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01032
Date de la décision : 24/05/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : BOURGEOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 31/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-05-24;21nt01032 ?
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