Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... et M. E... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Rezé à leur verser une somme de 30 672,04 euros au titre du préjudice subi par le retrait de l'arrêté de permis de construire du 22 mars 2010 dont ils bénéficiaient.
Par un jugement no 1703895 du 3 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 janvier 2021 et 4 janvier 2022, Mme C... et M. A..., représentés par Me Lefevre, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Rezé à leur verser une somme de 28 558,74 euros, outre les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts à compter de leur requête d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Rezé une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- le retrait, par un arrêté du 17 juin 2010, de l'arrêté du 22 mars 2010 leur accordant un permis de construire est entaché d'illégalité et donc constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Rezé ;
- l'ensemble des préjudices dont ils réclament réparation présente un lien de causalité direct et certain avec l'illégalité de l'arrêté de retrait.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 15 octobre 2021 et 27 janvier 2022, la commune de Rezé, représentée par la SELARL Parthema Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de Mme C... et M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par Mme C... et M. A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Lefèvre, représentant Mme C... et M. A..., et les observations de Me Noury, substituant Me Viaud, représentant la commune de Rezé.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 mars 2010, le maire de Rezé a autorisé la construction par M. A... et Mme C... d'un bâtiment à destination d'atelier de maçonnerie et de bureaux pour l'exploitation de la société A..., dont ils sont les associés et cogérants, sur un terrain situé 47 rue Clément Bachelier à Rezé, cadastré section AI no 158. Le maire de Rezé, par un arrêté du 17 juin 2010, a retiré ce permis de construire, à la suite d'un recours gracieux formé contre lui par un voisin de la construction projetée, et rejeté la demande de permis de construire par un arrêté du 22 juin 2010. Mme C... et M. A... ont contesté l'arrêté de retrait du 17 juin 2010 devant le tribunal administratif de Nantes, lequel, par un jugement no 1004703 du 16 octobre 2012, a annulé cet arrêté. Entre temps, Mme C... et M. A... ont déposé, le 30 mai 2011, une nouvelle demande de permis de construire pour un projet remanié de construction sur leur terrain d'un atelier de maçonnerie et de bureaux, qui leur a été accordé par un arrêté du maire de Rezé du 25 juillet 2011. Le recours introduit devant le tribunal administratif de Nantes par un voisin immédiat du terrain contre ce second arrêté de permis de construire a été rejeté par un jugement no 1109010 du 3 décembre 2013. La construction du bâtiment autorisé par ce permis de construire du 25 juillet 2011 a débuté le 22 septembre 2015 et s'est achevée le 26 octobre 2016. Par un courrier reçu le 29 décembre 2016, Mme C... et M. A... ont sollicité auprès de la commune de Rezé une indemnisation à hauteur de 30 672,04 euros au titre des préjudices qu'ils estiment avoir subis en raison du retrait illégal de l'arrêté de permis de construire du 22 mars 2010. Leur demande a été implicitement rejetée. Mme C... et M. A... relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Rezé à leur verser cette même somme, ramenée en appel à 28 558,74 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif de Nantes a suffisamment motivé son jugement en considérant, au point 5 de celui-ci, que les préjudices allégués par les requérants étaient dépourvus de tout lien avec le retrait illégal du permis de construire du 22 mars 2010 à compter de la date de délivrance du second permis de construire du 25 juillet 2011. Par suite, le moyen d'irrégularité invoqué doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Par un jugement du 16 octobre 2012, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'arrêté du 17 juin 2010 par lequel le maire de Rezé a retiré le permis de construire délivré à Mme C... et M. A... le 22 mars précédent, aux motifs, d'une part, que la procédure contradictoire alors prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs rapports avec les administrations avait été méconnue, et, d'autre part, que la décision de retrait avait été notifiée postérieurement au délai de trois mois prévu par les dispositions de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme. L'illégalité de ce retrait constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Rezé, pour autant que les préjudices dont les requérants se prévalent soient en lien direct et certain avec cette faute.
4. Il résulte de l'instruction que Mme C... et M. A... ont choisi, plutôt que d'attendre l'issue du recours contentieux qu'ils avaient engagé à l'encontre de l'arrêté de retrait du premier permis de construire accordé le 17 juin 2010, de déposer une nouvelle demande de permis de construire, pour un projet d'ailleurs modifié présentant notamment une hauteur au faîtage réduite de 1,60 mètre par rapport au bâtiment initialement prévu. Les préjudices des requérants directement liés au retrait illégal du premier permis de construire ont cessé à la date de la délivrance d'un nouveau permis de construire sur leur terrain le 25 juillet 2011, alors même que ce nouveau permis a été contesté par un voisin du projet devant le tribunal administratif de Nantes, qui a définitivement rejeté ce recours par un jugement du 3 décembre 2013.
5. En premier lieu, en ce qui concerne les frais d'architecte, les requérants demandent, d'une part, l'indemnisation d'une facture no 1 du 19 avril 2010 d'un montant de 2 840,50 euros TTC, correspondant à la consultation des entreprises qui aurait été effectuée en vain au cours des mois de mars et avril 2010. Cependant, si les requérants soutiennent que le retrait illégal du premier permis de construire a rendu inutile cette prestation dès lors qu'ils ont dû réaliser une nouvelle consultation des entreprises en 2015 préalablement à la construction du projet, il résulte de l'instruction que l'inutilité de cette première consultation découle en réalité du choix des requérants de solliciter la délivrance d'un nouveau permis de construire portant sur un projet remanié ainsi que du délai qu'ils ont mis à exécuter ce nouveau permis, dont les travaux n'ont commencé qu'au cours de l'année 2015. D'autre part, si les requérants sollicitent l'indemnisation d'une facture no 2 en date du 22 juin 2010 d'un montant de 1 196 euros, correspondant à la réalisation du " DPC 2 première version ", c'est-à-dire du dossier de permis de construire portant sur le projet remanié, il résulte de l'instruction, et notamment des dates figurant sur les plans de ce nouveau dossier de permis de construire, que ce dernier a été préparé dès le 1er juin 2010, et probablement avant, c'est-à-dire à une date à laquelle la décision du 17 juin 2010 de retrait du permis de construire n'avait pas encore été notifiée aux requérants, pas plus que le courrier du 9 juin 2010, reçu le 14 juin suivant, par lequel le maire de Rezé les a informés de son intention de retirer le premier permis de construire. Dès lors, les frais d'architecte dont Mme C... et M. A... demandent l'indemnisation ne présentent pas de lien de causalité direct et certain avec l'illégalité du retrait du permis de construire du 17 juin 2010.
6. En deuxième lieu, les requérants ne sont pas davantage fondés à demander l'indemnisation des frais de constat d'huissier qu'ils ont engagé pour justifier de l'affichage de leur second permis de construire du 25 juillet 2011 dès lors qu'une telle prestation n'a pas pour cause directe l'illégalité de l'arrêté du 17 juin 2010, mais le choix des intéressés de solliciter un nouveau permis de construire pour un projet remanié.
7. En troisième lieu, en ce qui concerne les frais d'avocats, si les requérants sollicitent l'indemnisation d'une facture du 1er juin 2010 exposée pour une analyse du dossier de permis de construire et la réponse au recours gracieux formé contre l'arrêté de permis de construire du 17 juin 2010 par un voisin du terrain d'assiette du projet, ce chef de préjudice a pour cause directe cette contestation par un tiers et non l'illégalité de la décision de retrait du premier permis. Quant à la facture du 12 avril 2011 exposée pour des " pourparlers " et une " réunion de concertation " dans le cadre du recours pour excès de pouvoir engagé par Mme C... et M. A... devant le tribunal administratif de Nantes contre l'arrêté de retrait du 17 juin 2010, ce préjudice doit être regardé comme ayant été intégralement réparé par le jugement du 16 octobre 2012 du tribunal administratif de Nantes qui a mis à la charge de la commune de Rezé une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
8. En quatrième lieu, dès lors que la location d'un box destiné à accueillir l'activité de l'entreprise des requérants et à stocker son matériel n'est intervenue qu'à compter du mois d'août 2012, postérieurement à l'obtention du second permis de construire, les frais de location et de cotisations d'assurance afférentes à cette location sont dépourvus de lien direct avec l'illégalité du retrait du premier permis de construire.
9. En cinquième lieu, si les requérants sollicitent l'indemnisation des intérêts intercalaires liés à un prêt débloqué le 6 mai 2010, pour une période courant jusqu'en 2015, il résulte de l'instruction que ces frais n'ont pas été exposés par Mme C... et M. A... mais par la SCI Zeldar. Seule cette dernière pourrait dès lors en obtenir réparation, alors même que les requérants en sont les associés et co-gérants. En tout état de cause, M. A... et Mme C... auraient dû s'acquitter des intérêts intercalaires liés à leur prêt en vue de la construction envisagée et ils n'établissent pas ni même n'allèguent que ceux-ci auraient été plus importants en raison de la nécessité de déposer une seconde demande de permis de construire. Dès lors, ce chef de préjudice est dépourvu de lien direct de causalité avec l'illégalité de la décision de retrait du 17 juin 2010.
10. En dernier lieu, si les requérants soutiennent qu'ils ont subi un préjudice moral en raison du retard subi par leur projet et des procédures engagées pour le mener à bien, il résulte de l'instruction qu'ils ont été informés, dès le 23 avril 2010, de ce qu'un recours gracieux avait été exercé par leur voisin à l'encontre de leur premier permis de construire délivré le 22 mars 2010, que ce même voisin a par la suite contesté devant le tribunal administratif de Nantes le second permis de construire délivré le 25 juillet 2011 et qu'ils ont attendu l'issue de ce contentieux pour exécuter leur projet. Dans ces conditions, et alors que, ainsi qu'il a été dit, les requérants ont fait le choix de présenter une nouvelle demande de permis de construire portant sur un projet remanié plutôt que d'attendre l'issue du recours qu'ils avaient engagé contre la décision de retrait du premier permis de construire, l'illégalité de ce retrait n'est pas la cause directe du préjudice moral qu'ils invoquent.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Rezé, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C... et M. A... demandent au titre des frais exposés par eux à l'occasion du litige soumis au juge.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Rezé au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... et M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Rezé présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à M. E... A... et à la commune de Rezé.
Délibéré après l'audience du 26 avril 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 mai 2022.
Le rapporteur,
F.-X. D...Le président,
A. Pérez
La greffière,
K. Bouron
La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT00045