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29/04/2022 | FRANCE | N°22NT00584

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 avril 2022, 22NT00584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2114500 du 31 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a

rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 févr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2114500 du 31 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 25 février 2022, M. C... B..., représenté par Me Desfrançois, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 31 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de la décision de transfert ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 16 décembre 2021 décidant son transfert aux autorités italiennes ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert aux autorités italiennes est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un vice de procédure, dès lors que son droit à l'information tel que prévu par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été méconnu, faute pour lui d'avoir bénéficié de toutes les informations requises, dès le début de la procédure, dans une langue qu'il comprend ;

- il n'est pas établi que l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ait été conduit dans les règles exigées de confidentialité et par une personne compétente et qualifiée en droit d'asile, ni qu'il ait été interrogé de manière approfondie sur ses craintes en cas de retour en Italie ;

- il est entaché d'un défaut d'examen personnel et circonstancié de sa situation, le risque de reconduite vers le Soudan depuis l'Italie au vu de leur accord bilatéral n'ayant pas été étudié, et alors qu'il justifie d'une particulière vulnérabilité, notamment au regard de son état de santé ; il en va de même en l'absence d'examen de la situation de prise en charge des demandes d'asile en Italie ;

- il méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en raison notamment du risque de renvoi par ricochet dans son pays d'origine, alors qu'il existe des raisons de croire que l'Italie connaît des défaillances systémiques dans la prise en charge des demandeurs d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il méconnaît les dispositions de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, en raison des défaillances systémiques en Italie, notamment dans l'accès aux soins, d'ailleurs aggravées par la crise sanitaire, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement dès lors que le préfet aurait dû mettre en œuvre la clause de souveraineté en raison de sa vulnérabilité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. C... B... n'est fondé.

M. C... B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- et les observations de Me Desfrançois, représentant M. C... B....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... B..., ressortissant soudanais né en 1996, déclare être entré irrégulièrement en France le 29 août 2021. Le 11 octobre 2021. La demande d'asile de l'intéressé ayant été enregistrée au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique, la consultation du fichier " Eurodac " a fait apparaître que ses empreintes digitales avaient été enregistrées en Italie le 24 juillet 2021, à la suite du franchissement irrégulier de la frontière italienne. Saisies par les autorités françaises le 12 octobre 2021, les autorités italiennes ont accepté, par un accord implicite intervenu le 12 décembre 2021, la prise en charge de l'intéressé. Par deux arrêtés du 16 décembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. C... B... aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... B... relève appel du jugement du 31 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge, aux points 2 à 11 du jugement attaqué, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée, de l'absence d'examen de sa situation avant l'édiction de cette décision, de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) du 26 juin 2013 que M. C... B... réitère en appel avec des arguments à peine modifiés, sans apporter de précisions nouvelles.

3. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".

4. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale relève en vertu du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 de la responsabilité d'un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

5. L'Italie est un Etat membre de l'Union européenne partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si les rapports à caractère général versés aux débats par M. C... B... font état des difficultés rencontrées par l'Etat italien, soumis à un afflux massif de migrants, qui conduisent certaines organisations non gouvernementales à recommander la suspension des transferts vers l'Italie des seuls demandeurs d'asile présentant une situation de vulnérabilité particulière, ces rapports ne corroborent pas l'existence de défaillances systémiques affectant la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie qui entraîneraient un risque de traitements inhumains et dégradants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que la demande d'asile de M. C... B... ne serait pas traitée en Italie dans le respect des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Ainsi, M. C... B... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert serait entachée en ce qui le concerne d'un défaut d'examen du risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que d'une méconnaissance de l'ensemble de ces stipulations et dispositions.

6. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

7. M. C... B... soutient que le préfet aurait dû mettre en œuvre en sa faveur la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors qu'il justifie d'une particulière vulnérabilité, notamment au regard de son parcours de migration particulièrement éprouvant et de son état de santé. A cet égard, si le requérant justifie avoir subi en région calaisienne en décembre 2021 un accident de la route impliquant un camion, suivi d'une prise en charge hospitalière d'une journée et d'un scanner abdomino-pelvien, les pièces médicales qu'il produit ne révèlent pas l'existence d'une situation de particulière vulnérabilité impliquant que sa demande d'asile soit instruite en France. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire, en refusant de faire usage de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement précité, aurait entaché sa décision de transfert aux autorités italiennes d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. C... B...(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou de réexaminer sa situation doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. C... B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... B..., à Me Desfrançois et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUÉGUEN Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 22NT00584


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00584
Date de la décision : 29/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : DESFRANCOIS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-29;22nt00584 ?
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