Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours.
Par un jugement n° 2114501 du 30 décembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 25 février 2022, M. A..., représenté par Me Desfrançois, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 30 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision de transfert ;
2°) d'annuler l'arrêté du 16 décembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté décidant son transfert aux autorités italiennes est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'un vice de procédure, dès lors que son droit à l'information tel que prévu par l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 a été méconnu, faute pour lui d'avoir bénéficié de toutes les informations requises, dès le début de la procédure, dans une langue qu'il comprend ; il n'est pas établi que ces informations lui aient été communiquées oralement alors qu'il est analphabète ;
- il n'est pas établi que l'entretien individuel prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ait été conduit dans les règles exigées de confidentialité et par une personne compétente et qualifiée en droit d'asile, ni qu'il ait été interrogé de manière approfondie sur ses craintes en cas de retour en Italie et sur sa situation médicale ;
- il est entaché d'une erreur de fait, au regard des informations contradictoires et incohérentes données concernant les dates de son passage en Roumanie ;
- il est entaché d'erreur de droit dès lors que n'est pas expressément précisé le choix fait des autorités italiennes comme responsables de sa demande d'asile ;
- il est entaché d'un défaut d'examen personnel et circonstancié de sa situation, alors qu'il justifie d'une particulière vulnérabilité, notamment au regard de son état de santé ; il en va de même en l'absence d'examen de la situation de prise en charge des demandes d'asile en Italie ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, alors qu'il existe des raisons de croire que l'Italie connaît des défaillances systémiques dans la prise en charge des demandeurs et demanderesses d'asile, ainsi que les stipulations de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- il méconnaît les dispositions de l'articles 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, en raison des défaillances systémiques en Italie, notamment dans l'accès aux soins, d'ailleurs aggravées par la crise sanitaire, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement dès lors que le préfet aurait dû mettre en œuvre la clause de souveraineté en raison de sa vulnérabilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mars 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. A... n'est fondé.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,
- et les observations de Me Desfrançois, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant afghan né en 1995, déclare être entré irrégulièrement en France le 1er novembre 2021. Sa demande d'asile ayant été enregistrée par les services de la préfecture de la Loire-Atlantique, la consultation du fichier Eurodac consécutive au relevé des empreintes digitales de l'intéressé a fait apparaître qu'elles avaient été enregistrées en Italie le 9 août 2021, à la suite du dépôt d'une demande d'asile. Saisies par les autorités françaises le 10 novembre 2021, les autorités italiennes ont accepté, par un accord implicite intervenu le 29 novembre 2021, la reprise en charge M. A.... Par deux arrêtés du 16 décembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de l'intéressé aux autorités italiennes et l'a assigné à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours. M. A... relève appel du jugement du 30 décembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 décembre 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités italiennes..
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par le premier juge, aux points 2 à 13 du jugement attaqué, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée, de l'absence d'examen de sa situation avant l'édiction de cette décision, de la méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) du 26 juin 2013, que M. A... réitère en appel avec des arguments à peine modifiés, sans apporter de précisions nouvelles.
3. En deuxième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (...) Lorsque aucun État membre responsable ne peut être désigné sur la base des critères énumérés dans le présent règlement, le premier État membre auprès duquel la demande de protection internationale a été introduite est responsable de l'examen. (...) ". Aux termes de l'article 7 du même règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre. / 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. ". Aux termes de l'article 19 de ce même règlement (UE) : " 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'État membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'État membre responsable. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'État membre responsable. (...) ".
4. M. A... relève que la décision en litige comporte des dates incohérentes et contradictoires, s'agissant de son passage sur le territoire roumain durant son parcours migratoire. Si le préfet ne conteste pas cette erreur purement matérielle de transcription de dates, une telle erreur est en tout état de cause sans effet sur la légalité de la décision en litige dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que le parcours de M. A..., qui déclare avoir quitté le 29 janvier 2021 le territoire des Etats membres pour gagner la Serbie, implique nécessairement que la responsabilité des autorités roumaines a cessé le 30 avril 2021. Pour les mêmes motifs, les éléments sur lesquels se fonde le préfet, tels qu'exposés dans la décision contestée, permettent de déduire aisément le critère de détermination ayant permis aux autorités françaises de retenir la responsabilité des autorités italiennes. Dans ces conditions, les moyens tirés de l'erreur de fait et de l'erreur de droit commises dans l'application des dispositions des articles 3, 7 et 19 précités du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.
5. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".
6. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale relève en vertu du règlement n° 604-2013 du 26 juin 2013 de la responsabilité d'un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
7. L'Italie est un Etat membre de l'Union européenne partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Si les rapports à caractère général versés aux débats par M. A... font état des difficultés rencontrées par l'Etat italien, soumis à un afflux massif de migrants, qui conduisent certaines organisations non gouvernementales à recommander la suspension des transferts vers l'Italie des seuls demandeurs d'asile présentant une situation de vulnérabilité particulière, ces rapports ne corroborent pas l'existence de défaillances systémiques affectant la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie qui entraîneraient un risque de traitements inhumains et dégradants au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision prononçant son transfert serait entachée d'un défaut d'examen du risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que d'une méconnaissance de l'ensemble de ces stipulations et dispositions.
8. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.
9. M. A... soutient que le préfet aurait dû mettre en œuvre en sa faveur la clause discrétionnaire prévue par les dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dès lors qu'il justifie d'une particulière vulnérabilité, notamment au regard de son parcours de migration particulièrement éprouvant et de son état de santé puisqu'il souffrirait de douleurs à un bras et de difficultés respiratoires. Toutefois, il ne justifie d'aucun des problèmes de santé dont il se prévaut et de nature à établir une vulnérabilité particulière. Dès lors, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire, en refusant de faire usage de la clause discrétionnaire de l'article 17 du règlement précité, aurait entaché sa décision de transfert aux autorités italiennes d'un défaut d'examen de sa situation particulière, d'une erreur de droit ou d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. A...(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile ou de réexaminer sa situation doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., (/nom)(ano)X(/ano)à Me Desfrançois et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Guéguen, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2022.
Le rapporteur,
J.-Y. GUÉGUEN Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT00583