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29/04/2022 | FRANCE | N°22NT00205

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 29 avril 2022, 22NT00205


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités belges, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département d'Ille-et-Vilaine pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2104606 du 20 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa dem

ande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2022, M. ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 8 septembre 2021 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé son transfert aux autorités belges, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département d'Ille-et-Vilaine pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2104606 du 20 septembre 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 24 janvier 2022, M. C..., représenté par Me Roilette, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 20 septembre 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 8 septembre 2021 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

3°) d'enjoindre au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'asile à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

en ce qui concerne la décision de transfert aux autorités belges :

- elle est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle méconnaît les dispositions des articles 6, 10 et 16 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

en ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

- elle est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 février 2022, le préfet d'Ille-et-Vilaine conclut au non-lieu à statuer.

Il soutient que la mesure de transfert ayant été exécutée le 18 novembre 2021, la requête est désormais dépourvue d'objet.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Guéguen, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C... ressortissant guinéen né le 30 octobre 1998, est entré en France le 6 avril 2021. Il est ressorti de la consultation du fichier Eurodac qu'il avait déjà sollicité l'asile en Belgique. Les autorités belges ayant été saisies le 25 mai 2021 par les autorités françaises d'une demande de reprise en charge de l'intéressé, elles ont fait connaître leur accord explicite à cette reprise en charge le 3 juin 2021. Par deux arrêtés du 8 septembre 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine a décidé de transférer M. C... aux autorités belges, responsables de sa demande d'asile, et l'a assigné à résidence dans le département du Morbihan pour une durée de quarante-cinq jours. M. C... relève appel du jugement du 20 septembre 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des arrêtés du 8 septembre 2021 du préfet d'Ille-et-Vilaine.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. La circonstance que la décision de transfert aux autorités belges ait été exécutée n'est pas de nature à priver d'objet l'appel interjeté par M. C.... L'exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet d'Ille-et-Vilaine ne peut donc qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de transfert aux autorités belges :

3. En premier lieu, il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges les moyens tirés de l'insuffisante motivation de la décision contestée et de l'absence d'examen particulier de sa situation avant l'édiction de cette décision, que M. C... réitère en appel sans apporter de précisions nouvelles.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 10 du règlement du 26 juin 2013 : " Si le demandeur a, dans un État membre, un membre de sa famille dont la demande de protection internationale présentée dans cet État membre n'a pas encore fait l'objet d'une première décision sur le fond, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit ". L'article 2 du même règlement dispose qu'on entend par " membres de la famille " : " (...) dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : / - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers ". Aux termes de l'article 16 de ce règlement : " (Personnes à charge). 1. Lorsque, du fait d'une grossesse, d'un enfant nouveau-né, d'une maladie grave, d'un handicap grave ou de la vieillesse, le demandeur est dépendant de l'assistance de son enfant, de ses frères ou sœurs, ou de son père ou de sa mère résidant légalement dans un des États membres, ou lorsque son enfant, son frère ou sa sœur, ou son père ou sa mère, qui réside légalement dans un État membre est dépendant de l'assistance du demandeur, les États membres laissent généralement ensemble ou rapprochent le demandeur et cet enfant, ce frère ou cette sœur, ou ce père ou cette mère, à condition que les liens familiaux aient existé dans le pays d'origine, que l'enfant, le frère ou la sœur, ou le père ou la mère ou le demandeur soit capable de prendre soin de la personne à charge et que les personnes concernées en aient exprimé le souhait par écrit. / 2. Lorsque l'enfant, le frère ou la sœur, ou le père ou la mère visé au paragraphe 1 réside légalement dans un État membre autre que celui où se trouve le demandeur, l'État membre responsable est celui dans lequel l'enfant, le frère ou la sœur, ou le père ou la mère réside légalement (...) ". Et aux termes de l'article 6 de ce règlement : " 1. L'intérêt supérieur de l'enfant est une considération primordiale pour les États membres dans toutes les procédures prévues par le présent règlement. (...) ". Enfin, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du même règlement : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

5. D'une part, si M. C... se prévaut de sa relation avec Mme A... dont la demande d'asile, instruite en France, n'avait pas encore fait l'objet d'une décision définitive à la date de l'arrêté contesté, en faisant valoir qu'elle est enceinte de ses œuvres et qu'il a reconnu l'enfant le 10 septembre 2021, soit postérieurement à la date d'édiction de cet arrêté, il n'apporte toutefois aucun élément de nature à établir le caractère stable de la relation entretenue avec l'intéressée, de même que l'existence d'une communauté de vie effective, Mme A... étant domiciliée à Quimperlé dans le Finistère, alors qu'il est lui-même domicilié à Plescop dans le Morbihan, soit à plus de soixante-dix kilomètres de distance. Par ailleurs, le requérant n'établit pas que sa cellule familiale constituée avec Mme A... existait déjà en Guinée antérieurement à leurs entrées respectives sur le territoire français. Il en résulte que Mme A... ne peut être regardée comme ayant la qualité d'un membre de la famille au sens et pour l'application des dispositions précitées des articles 2 et 10 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dont M. C..., à supposer même qu'il puisse utilement les invoquer, ne saurait, dès lors, se prévaloir.

6. D'autre part, dès lors que Mme A... n'est ni la fille, ni la sœur, ni la mère de M. C..., ce dernier n'est pas fondé, en dépit de l'état de grossesse de Mme A..., à se prévaloir des dispositions de l'article 16 du règlement du 26 juin 2013, qui ne lui sont pas davantage applicables.

7. En troisième et dernier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit, l'ancienneté et la stabilité de la relation avec Mme A... ne sont pas établies par le requérant, qui ne fait par ailleurs état d'aucune autre attache familiale en France et qui n'apporte pas d'autre élément de nature à faire obstacle, à la date de la décision contestée, à son transfert aux autorités belges. Dès lors, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'en décidant ce transfert, le préfet d'Ille-et-Vilaine aurait commis une erreur manifeste d'appréciation dans son refus de mise en œuvre de la clause discrétionnaire prévue au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ou qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article 6 du règlement.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :

8. En premier lieu, la décision contestée mentionne l'ensemble des considérations de fait et de droit au regard desquelles elle a été prise. Elle comporte une analyse de l'ensemble des éléments communiqués par M. C... sur sa vie privée et familiale et sur son état de santé et sur sa situation de demandeur d'asile. Elle précise que son transfert aux autorités belges, qui ont donné leur accord en vue de sa reprise en charge, demeure une perspective raisonnable. Il s'ensuit que M. C... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé.

9. En deuxième lieu, il ne ressort ni de la motivation de la décision en litige ni des pièces du dossier que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C... avant de prendre la décision d'assignation à résidence contestée.

10. En troisième lieu, l'article L. 751-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " L'étranger qui fait l'objet d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge peut être assigné à résidence par l'autorité administrative pour le temps strictement nécessaire à la détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile (...) ". Par ailleurs, l'article L. 751-5 du même code dispose que : " L'étranger assigné à résidence en application de l'article L. 751-2 se présente aux convocations de l'autorité administrative, répondre aux demandes d'information et se rendre aux entretiens prévus dans le cadre de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile ou de l'exécution de la décision de transfert. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité, dans les conditions prévues à l'article L. 814-1. (...). ". Aux termes de l'article R. 733-1 du même code : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : / 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; / 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; / 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside ".

11. Une mesure d'assignation à résidence prise en application des dispositions précitées consiste, pour l'autorité administrative qui la prononce, à déterminer un périmètre que l'étranger ne peut quitter et au sein duquel il est autorisé à circuler et, afin de s'assurer du respect de cette obligation, à lui imposer de se présenter, selon une périodicité déterminée, aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Une telle mesure n'a pas, en dehors des cas où elle inclut une astreinte à domicile pour une durée limitée, pour effet d'obliger celui qui en fait l'objet à demeurer à son domicile.

12. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier que M. C... a été assigné à résidence durant quarante-cinq jours à l'adresse qu'il a donnée à l'administration, soit au SPADA 56 de Plescop situé dans le département du Morbihan, cette décision étant assortie d'une mesure d'interdiction de quitter ce département sans autorisation et d'une obligation de se présenter à la brigade de gendarmerie de Saint-Avé deux fois par semaine les mardi et mercredi à 15h30, en dehors des jours fériés et chômés. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision d'assignation à résidence en litige procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de M. C..., lequel se borne à alléguer l'absence de moyens de transport personnel et des problèmes de santé nullement précisés, qui ne sont pas de nature à faire obstacle aux prescriptions édictées par la décision en cause, notamment l'obligation de pointer deux jours par semaine à la brigade de gendarmerie de Saint-Avé, ce lieu de pointage étant accessible par un réseau de transports en commun prévoyant la gratuité sous conditions de ressources. Dans ces conditions, il n'est pas davantage établi que l'obligation faite au requérant constituerait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale et aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

14. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M. C...(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet d'Ille-et-Vilaine de lui délivrer un titre de séjour au titre de l'asile doivent, en tout état de cause, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Me Roilette et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 5 avril 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUÉGUEN Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

e

2

N° 22NT00205


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22NT00205
Date de la décision : 29/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-29;22nt00205 ?
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