Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2019, par lequel le préfet de la Manche a prononcé la saisie définitive de ses armes et munitions et lui a interdit d'acquérir ou de détenir des armes et munitions de toutes catégories.
Par un jugement n° 1902658 du 15 octobre 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2021, M. A..., représenté par Me Loison, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 15 octobre 2021 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 25 septembre 2019 du préfet de la Manche ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de lui restituer ses armes et de lever l'interdiction de détenir une arme et des munitions ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté du préfet de la Manche a été signé par une autorité incompétente ;
- il est insuffisamment motivé en droit et en fait ;
- il est entaché d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation dès lors que son état de santé psychique s'est nettement amélioré et qu'il est abstinent à l'alcool depuis mai 2017 ; il n'a de plus fait l'objet d'aucune poursuite pénale et son casier judiciaire ne porte aucune mention de condamnation pénale ; il entretient de bonnes relations avec sa compagne actuelle et ses enfants ;
- il est entaché d'erreur de droit dès lors qu'après l'expiration du délai d'un an prévu par l'article L. 312-9 du code de la sécurité intérieure le préfet ne pouvait plus prendre une décision de saisie définitive.
Par une décision du 15 février 2022, la présidente du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle formée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code pénal ;
- le code de la sécurité intérieure ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Guéguen, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 19 juin 2017, le préfet de la Manche a ordonné à M. D... A... la remise provisoire de ses armes et munitions en application de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure. Par courrier recommandé du 29 novembre 2018, M. A... a sollicité du préfet de la Manche la restitution de ses armes et munitions, provisoirement remises par application de l'arrêté préfectoral du 19 juin 2017. Par un nouvel arrêté du 25 septembre 2019, le préfet de la Manche a prononcé la saisie définitive des armes et munitions appartenant à M. A... et lui a fait interdiction d'acquérir ou de détenir des armes de toutes catégories. M. A... relève appel du jugement du 15 octobre 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Manche du 25 septembre 2019.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, par un arrêté n° 19-28 du 3 juin 2019, régulièrement publié au numéro spécial n° 1 du recueil des actes administratifs de la préfecture de la Manche du 3 juin 2019 et qui a fait l'objet d'une publicité suffisante dès lors qu'il est consultable sur internet, le préfet de la Manche a donné délégation à Mme B... C..., sous-préfète de Cherbourg, à l'effet de signer notamment les décisions relatives aux saisies d'armes et de munitions. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'acte contesté doit être écarté.
3. En deuxième lieu, la décision contestée mentionne les considérations de droit sur lesquelles elle se fonde, en particulier les articles L. 312-9 et L. 312-10 du code de la sécurité intérieure, et les considérations de fait relatives aux motifs de la demande de restitution de ses armes et munitions formulée le 29 novembre 2018 par M. A... ainsi qu'aux divers précédents de 2017 révélant la dangerosité du comportement de l'intéressé pour lui-même ou pour autrui. L'arrêté du 25 septembre 2019 est donc suffisamment motivé et ne méconnaît pas les dispositions des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure : " Si le comportement ou l'état de santé d'une personne détentrice d'armes, de munitions et de leurs éléments présente un danger grave pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l'Etat dans le département peut lui ordonner, sans formalité préalable ni procédure contradictoire, de les remettre à l'autorité administrative, quelle que soit leur catégorie ". Aux termes de l'article L. 312-9 du même code : " La conservation de l'arme, des munitions et de leurs éléments remis ou saisis est confiée pendant une durée maximale d'un an aux services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale territorialement compétents. / Durant cette période, le représentant de l'Etat dans le département décide, après que la personne intéressée a été mise à même de présenter ses observations, soit la restitution de l'arme, des munitions et de leurs éléments, soit leur saisie définitive (...) ". Aux termes de l'article R. 312-69 du même code : " Avant de prendre la décision prévue au deuxième alinéa de l'article L. 312-9, le préfet invite la personne qui détenait l'arme et les munitions à présenter ses observations, notamment quant à son souhait de les détenir à nouveau et quant aux éléments propres à établir que son comportement ou son état de santé ne présente plus de danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui, au vu d'un certificat médical délivré par un médecin spécialiste mentionné à l'article R. 312-6 ". Enfin, l'article R. 312-6 du même code dispose que le certificat médical peut être délivré par un médecin psychiatre praticien hospitalier exerçant ou ayant exercé dans un établissement de santé public ou privé accueillant des malades atteints de troubles mentaux et médecins psychiatres exerçant dans les centres médico-psychologiques.
5. Il ressort des pièces du dossier que, dans la nuit du 21 au 22 mai 2017, des agents de la gendarmerie se sont rendus au domicile de M. A... après une tentative de suicide par pendaison de l'intéressé. La compagne de ce dernier a expliqué aux gendarmes que M. A... avait déjà tenté de mettre fin à ses jours quinze jours auparavant par prise médicamenteuse et dans un contexte de difficultés relationnelles entre les deux concubins. Les dix armes de chasse de M. A..., admis en service psychiatrique du 23 au 26 mai 2017, ont été provisoirement saisies par arrêté du préfet de la Manche du 19 juin 2017, en application de l'article L. 312-7 du code de la sécurité intérieure. M. A... produit un certificat médical daté du 31 décembre 2018 signé par un praticien hospitalier d'un centre médico-psychologique, mentionnant certes que son état de santé psychique permet la restitution de ses armes et qu'il est abstinent d'alcool depuis mai 2017, mais ne fournissant aucun élément précis propre à établir que l'état de santé de l'intéressé ne présente plus de danger grave pour lui-même ou pour son entourage. Par ailleurs, les services de l'unité de gendarmerie de Barneville Carteret ont émis le 26 octobre 2018 un avis défavorable à la restitution de ses armes à l'intéressé, en rappelant dans le rapport de l'enquête administrative diligentée pour l'instruction de la demande de restitution les tentatives de suicide en mai 2017, suivant deux modes opératoires différents, les faits de violences commis le 3 octobre 2017 sur la personne de sa concubine de l'époque et les difficultés relationnelles avec des voisins concernant ses chiens bruyants et divagants. Par suite, à la date de l'arrêté contesté et en considération des faits ainsi établis, le préfet de la Manche, en estimant que M. A... continuait tant pour lui-même que pour autrui à présenter un risque de nature à justifier la saisie définitive de ses armes, n'a entaché sa décision ni d'une erreur de fait ni d'une erreur d'appréciation.
6. En quatrième et dernier lieu, il résulte des dispositions précitées des articles L. 312-7, L. 312-9 et L. 312-10 du code de la sécurité intérieure que, lorsque le préfet s'est fondé sur le danger présenté par une personne pour lui ordonner de remettre une arme à l'autorité administrative, cette mesure emporte pour l'intéressé une interdiction d'acquérir ou de détenir des armes et munitions qui produit effet tant que le préfet n'a pas décidé la restitution de l'arme. Le préfet dispose d'un délai d'un an pour décider, après avoir invité la personne à présenter ses observations, la restitution ou la saisie définitive de l'arme. L'expiration de ce délai ne le prive pas de la possibilité de prendre l'une ou l'autre de ces décisions mais ouvre seulement à l'intéressé la possibilité de rechercher la responsabilité de l'Etat au titre des préjudices que le retard apporté à la décision a pu lui causer. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'arrêté du 25 septembre 2019 serait entaché d'erreur de droit, à défaut de décision prise par le préfet de la Manche dans le délai d'un an à compter de la saisie effective des armes de M. A..., ne peut qu'être écarté.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Manche du 25 septembre 2019.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans le présent litige, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par M. A... ne peuvent dès lors être accueillies.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera transmise pour information au préfet de la Manche.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de la formation de jugement,
- M. Rivas, président-assesseur,
- M. Guéguen, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.
Le rapporteur,
J.-Y. GUÉGUEN
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03528