Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision du 15 juillet 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a émis un avis défavorable à sa demande d'autorisation d'exploitation d'un poste d'enregistrement de jeux et paris de la Française des jeux, ainsi que la décision du 28 juillet 2020 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n° 2003407 du 22 juillet 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 septembre 2021, 15 novembre 2021 et 31 janvier 2022, Mme A... B..., représentée par Me Greff, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 22 juillet 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision du 15 juillet 2020 par laquelle le ministre de l'intérieur a émis un avis défavorable à sa demande d'autorisation d'exploitation d'un poste d'enregistrement de jeux et paris de la Française des jeux, ainsi que la décision du 28 juillet 2020 rejetant son recours gracieux
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 6 743 euros en réparation du préjudice que lui ont causées les décisions des 15 et 28 juillet 2020 du ministre de l'intérieur ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui confirmer son autorisation d'exploiter un poste d'enregistrement de jeux et paris ;
5°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé en ce qu'il répond aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation des décisions contestées et de l'erreur manifeste d'appréciation ;
- les décisions contestées sont entachées de vices de procédure ; le ministre de l'intérieur établira qu'il lui a laissé un temps suffisant pour présenter ses observations avec le concours d'un conseil dans le respect de l'article R. 322-22-6 du code de la sécurité intérieure et de l'article 18 du décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 ;
- les décisions contestées, en méconnaissance des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, sont insuffisamment motivées ;
- en méconnaissance de l'article 18 du décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 l'avis défavorable du ministre de l'intérieur ne lui a pas été personnellement notifié et la décision du 15 juillet 2020 lui est inopposable ;
- la décision contestée est entachée d'erreurs de fait et d'erreur manifeste d'appréciation alors que l'avis donné au terme de l'enquête administrative est favorable, que les faits reprochés sont anciens, qu'elle n'a pas été mise en cause au regard des divers faits reprochés à l'exception d'une condamnation pénale du 2 juin 2017 à l'origine d'une condamnation à 90 jours-amende, que le tribunal correctionnel de Brest a fait droit à sa demande d'exclusion de la mention de cette condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, que le vice-procureur du tribunal judiciaire de Brest a fait droit à sa demande d'effacement des informations la concernant figurant au fichier de traitement des antécédents judiciaires, que le comportement délinquant reproché n'est pas établi, que la décision nuit à ses intérêts financiers et à l'intérêt communal, qu'elle a obtenu l'autorisation d'exercer une activité d'exploitation de débit de tabac et de débit de boisson, et le ministre l'a autorisée le 24 novembre 2021 à exploiter un poste d'enregistrement de jeux de loterie ;
- du fait des décisions irrégulières contestées, elle a subi un préjudice de perte d'exploitation du 20 juillet au 24 décembre 2020 pour un total de 6 743 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens de légalité externe soulevés sont irrecevables en l'absence de moyens se rattachant à cette cause juridique présentés en première instance ;
- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité intérieure ;
- le décret n° 2019-1061 du 17 octobre 2019 ;
- l'arrêté du 5 décembre 2017 fixant la liste des pièces à fournir pour les demandes d'autorisation d'exploiter des postes d'enregistrement de jeux de loterie, de jeux de pronostics sportifs et de paris hippiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Ayant acquis en juillet 2018 le fonds de commerce du bar-tabac-presse-loto situé dans une commune du Finistère, Mme B... a sollicité, auprès des services des douanes, l'autorisation d'y vendre du tabac, et auprès de la société La Française des Jeux, l'autorisation d'exploiter un poste d'enregistrement de jeux et paris. Le 15 juillet 2020, l'adjoint au chef du service central des courses et jeux de la direction centrale de la police judiciaire du ministère de l'intérieur a informé la société La Française des Jeux que les informations issues de l'enquête administrative concernant Mme B... ne lui permettaient pas d'émettre un avis favorable à cette demande. Le 28 juillet 2020, à la suite du recours gracieux formé par Mme B..., le chef de ce même service a confirmé cet avis défavorable. Par un jugement du 22 juillet 2021, dont Mme B... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions des 15 et 28 juillet 2020. Mme B... sollicite également désormais de la cour la condamnation de l'État à lui verser la somme de 6 743 euros en réparation du préjudice que ces décisions du ministre de l'intérieur lui ont causé.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si Mme B... soutient que le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de l'insuffisance de motivation des décisions des 15 et 28 juillet 2020 du ministre de l'intérieur, la requérante n'avait cependant pas soulevé ce moyen devant les premiers juges. Par ailleurs, ces derniers, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la requérante, ont répondu avec la précision nécessaire, aux points 7 et 8 du jugement attaqué, au moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont seraient entachées les deux décisions contestées. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué en raison d'une motivation insuffisante ne peut qu'être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, Mme B... n'a invoqué devant le tribunal administratif de Rennes que des moyens tirés de l'illégalité interne des décisions contestées. Si elle soutient devant la cour que ces décisions seraient entachées d'un défaut de motivation, d'une violation du principe du contradictoire et de vices de procédure, ces moyens fondés sur une cause juridique distincte et qui ne sont pas d'ordre public, constituent, ainsi que l'oppose le ministre de l'intérieur en défense, une demande nouvelle irrecevable en appel.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 5 décembre 2017 susvisé, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " Les autorisations d'exploiter des postes d'enregistrement de jeux de loterie, de jeux de pronostics sportifs ou de paris hippiques prévues respectivement au décret du 17 octobre 2019 susvisé et à l'article 27-1 du décret du 5 mai 1997 susvisé sont accordées après avis conforme du ministre de l'intérieur délivré dans les conditions définies par le présent arrêté. ". Aux termes de l'article 18 du décret du 17 octobre 2019 relatif à l'encadrement de l'offre de jeux de La Française des jeux et du Pari mutuel urbain, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " I. - Lorsque la Française des jeux autorise des personnes privées à exploiter un poste d'enregistrement de jeux de loterie ou de paris sportifs, son autorisation est accordée après avis conforme du ministre de l'intérieur émis en considération des enjeux d'ordre public, de sécurité publique et de protection de la santé et des mineurs, mentionnés à l'article 320-2 du code de la sécurité intérieure./ L'avis du ministre de l'intérieur est réputé favorable dans le délai de deux mois à compter de l'accusé de réception par le ministre du dossier complet nécessaire à l'instruction de la demande. / L'avis défavorable du ministre de l'intérieur est notifié à la société et à la personne qui a demandé l'autorisation. Cette personne peut en demander les motifs. / Le ministre de l'intérieur informe la société, le cas échéant, du recours administratif ou contentieux formé par le demandeur ainsi que des suites qui lui sont données. (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - Les décisions administratives (...) d'autorisation, d'agrément ou d'habilitation, prévues par des dispositions législatives ou réglementaires, concernant (...) les emplois privés ou activités privées réglementées relevant des domaines des jeux, paris et courses (...) peuvent être précédées d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement des personnes physiques ou morales intéressées n'est pas incompatible avec l'exercice des fonctions ou des missions envisagées. ".
5. Il est constant que préalablement aux décisions contestées des 15 et 28 juillet 2020 Mme B..., née en 1983, a été soumise à une enquête administrative comprenant un entretien le 7 juillet 2020 avec un officier de police judiciaire. Il résulte notamment du procès-verbal de cet entretien que l'intéressée est connue des services de police pour avoir consommé des stupéfiants en 2004 et 2005, faits pour lesquels elle a reconnu avoir été condamnée, puis en 2006 et 2007. Elle a également reconnu avoir été condamnée pour des faits de filouterie et grivèlerie de restaurant en 2008, à la suite desquels elle a été interpellée par la gendarmerie. Par ailleurs, pour des faits d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique et rébellion le 24 décembre 2016, elle a été condamnée à 90 jours-amende par le tribunal correctionnel de Brest le 2 juin 2017. S'il résulte également de ce procès-verbal d'audition qu'elle a bénéficié, par jugement du 26 juin 2020 du tribunal judiciaire de Brest, d'une exclusion de la mention de cette condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, cette circonstance est sans incidence sur la possibilité conservée par le ministre de l'intérieur de prendre en compte les faits à l'origine de cette condamnation, ainsi que cette dernière. Si la requérante se prévaut également de l'effacement d'informations la concernant du fichier de traitement des antécédents judiciaires, cette circonstance est inopérante dès lors qu'elle est postérieure aux décisions contestées. Eu égard à la récurrence des faits précités, à leur gravité, dont celui commis le 24 décembre 2016 qui est récent à la date des décisions contestées, et alors même que Mme B... déclare ne plus consommer de stupéfiants, elle n'est pas fondée à soutenir que ces décisions seraient entachées d'une erreur d'appréciation.
6. En troisième lieu, le fait que Mme B... a été autorisée à exploiter un débit de boissons, qu'elle a conclu en juillet 2020 un contrat de trois ans avec l'État lui accordant la gérance d'un débit de tabac, tout comme le fait que la maire atteste de l'intérêt communal à la voir exploiter un poste d'enregistrement de jeux de loterie ou de paris sportifs sont des circonstances sans incidence sur la légalité des décisions contestées, de même que la circonstance que ces dernières l'auraient placée dans une situation financière difficile.
7. En dernier lieu et en tout état de cause, il y a lieu d'écarter, par voie de conséquence de ce qui précède, les conclusions indemnitaires présentées par Mme B... contre l'État au titre du préjudice financier qui aurait résulté pour elle, du 20 juillet au 24 décembre 2020, de l'intervention des décisions contestées.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Il y a lieu en conséquence de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 22 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au préfet du Finistère en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT02621