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08/04/2022 | FRANCE | N°21NT02290

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 08 avril 2022, 21NT02290


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... et Mme D... E... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 20 mai 2020 du préfet du Morbihan portant refus de titres de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant leur pays de destination.

Par un jugement n° 2005751, 2005753 du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté A... demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2021, M. e

t Mme F..., représentés par Me Roilette, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... F... et Mme D... E... épouse F... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 20 mai 2020 du préfet du Morbihan portant refus de titres de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant leur pays de destination.

Par un jugement n° 2005751, 2005753 du 19 mars 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté A... demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 9 août 2021, M. et Mme F..., représentés par Me Roilette, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 19 mars 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 20 mai 2020 du préfet du Morbihan portant refus de titres de séjour, leur faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant leur pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Morbihan, à titre principal, de leur délivrer des cartes de séjour temporaires à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation et de leur délivrer des autorisations provisoires de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de cet arrêt, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les décisions de refus de séjour, d'éloignement et de fixation du pays de destination sont insuffisamment motivées en fait et en droit et révèlent un défaut d'examen particulier de leur situation par le préfet ;

- les décisions leur refusant le séjour méconnaissent les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sont entachées d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français sont illégales en raison de l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour ;

- elles méconnaissent les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- les décisions fixant le pays de destination méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 février 2022, le préfet du Morbihan conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. et Mme F... n'est fondé.

M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 novembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guéguen, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme F..., ressortissants géorgiens, sont entrés irrégulièrement en France en novembre 2018 selon A... déclarations, accompagnés de A... deux enfants mineurs. A... demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 février 2019 et la Cour nationale du droit d'asile le 30 août 2019. Ils ont sollicité le 23 mai 2019 la délivrance d'un titre de séjour, sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par deux arrêtés du 20 mai 2020, le préfet du Morbihan a refusé de leur délivrer les titres demandés, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé leur pays de destination. M. et Mme F... relèvent appel du jugement du 19 mars 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 20 mai 2020 du préfet du Morbihan.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Les arrêtés contestés visent les dispositions des articles L. 311-11 11°, L. 511-1, et L. 513-1 à L. 513-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont le préfet a fait application et mentionne la situation administrative et personnelle des époux F... ainsi que l'avis du 27 août 2019 du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) concernant l'état de santé de leur enfant B.... Le préfet a également indiqué que M. et Mme F... n'apportaient aucun élément quant à un éventuel danger pour A... vies en cas de retour dans leur pays d'origine et que A... liens personnels et familiaux en France n'étaient ni anciens, ni intenses, ni stables. Ils comportent ainsi les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la motivation des décisions en litige doit être écarté.

3. Les motifs apparaissant ainsi dans les arrêtés en litige établissent que le préfet, qui notamment a pris en compte la situation des intéressés au regard de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, a procédé à un examen particulier des demandes de M. et Mme F..., alors même qu'il n'a pas repris dans sa motivation l'ensemble des arguments des intéressés.

En ce qui concerne la décision portant refus de titres de séjour :

4. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date des arrêtés contestés : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". En application de l'article R. 313-22 du même code, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. (...). ".

5. Il ressort des pièces du dossier que le fils cadet de M. et Mme F..., qui souffre depuis la naissance d'une paralysie cérébrale bilatérale avec forme spastique et depuis l'âge de huit mois d'une épilepsie, bénéficiait déjà de soins dans son pays d'origine et que des médicaments de même effet que ceux qui lui sont prescrits en France sont disponibles en Géorgie, même s'ils ne sont pas de même marque que ceux dont il dispose à ce jour sur le territoire français. Par ailleurs, M. et Mme F... n'apportent aucun élément probant quant à l'impossibilité de bénéficier d'un fauteuil roulant ou d'une prise en charge pluridisciplinaire, nécessaire au suivi de l'état de santé de cet enfant en Géorgie. Enfin, M. et Mme F... n'apportent pas d'élément probant susceptible de contredire l'avis médical du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et n'établissent pas ne pas pouvoir bénéficier effectivement d'un traitement approprié pour leur enfant dans leur pays d'origine, les pièces du dossier révélant que les médicaments et traitements nécessaires au jeune garçon sont disponibles en Géorgie, soit sous leur forme accessible en France, soit sous la forme de médicaments de substitution. Dans ces conditions, le préfet du Morbihan n'a pas commis d'erreur de fait et n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant les refus de titre de séjour litigieux.

6. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

7. Le droit de mener une vie privée et familiale normale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait cependant s'interpréter comme comportant l'obligation générale de respecter le choix, par des couples mariés, de leur domicile commun et d'accepter l'installation de conjoints non nationaux en France. M. et Mme F..., qui ne sont entrés en France avec A... enfants qu'en novembre 2018, ne font valoir aucune attache en dehors de leur cercle familial et n'établissent pas ne plus en avoir dans leur pays d'origine où ils ont résidé jusqu'à l'âge, respectivement, de trente-quatre ans et de vingt-neuf ans. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet du Morbihan, en prenant les arrêts contestés, aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. Aux termes de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier, ainsi qu'il a été exposé au point 5, que la situation médicale de l'enfant de M. et Mme F... ne pourrait être prise en charge dans leur pays d'origine, en dépit de la lourdeur du handicap de l'enfant et de sa dépendance de ses proches dans de nombreux gestes de la vie quotidienne. En outre, les décisions contestées n'ont ni pour objet ni pour effet de séparer la famille ou d'empêcher de soigner l'enfant. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le préfet du Morbihan n'a pas méconnu le 10° de l'article L. 511-4 en faisant obligation à M. et Mme F... de quitter le territoire français.

11. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 7 que M. et Mme F... ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour à l'appui de A... conclusions tendant à l'annulation de la décision leur faisant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ".

13. M. et Mme F... allèguent encourir des risques de persécution en cas de retour en Géorgie, sans apporter d'éléments probants de nature à établir le caractère effectif de ces risques. Les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent ainsi être écartés. Par ailleurs, ils n'établissent pas, eu égard à ce qui vient d'être dit, que la situation médicale de leur enfant, qui peut bénéficier de soins adaptés dans son pays d'origine, ferait obstacle à leur retour dans ce pays en ce qu'il engendrerait une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme F... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté A... demandes.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

15. Le présent arrêt, qui rejette la requête de M.et Mme F...(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions des intéressés tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet du Morbihan de leur délivrer des cartes de séjour temporaires ou, à titre subsidiaire, de réexaminer A... demandes, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de M. et Mme F... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F..., à Mme D... E... épouse F..., à Me Roilette et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 22 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUÉGUEN

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02290


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02290
Date de la décision : 08/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : CABINET DGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-08;21nt02290 ?
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