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05/04/2022 | FRANCE | N°21NT00248

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 05 avril 2022, 21NT00248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B..., Mme H... D..., M. E... F..., Mme H... K..., M. I... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a délivré à la société Féeole une autorisation unique en vue d'implanter et d'exploiter un parc éolien comprenant quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Martigné-Ferchaud et Coësmes.

Par un jugement n° 1805182 du 3 décembre 2020, le tribun

al administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... B..., Mme H... D..., M. E... F..., Mme H... K..., M. I... C... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a délivré à la société Féeole une autorisation unique en vue d'implanter et d'exploiter un parc éolien comprenant quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Martigné-Ferchaud et Coësmes.

Par un jugement n° 1805182 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier et 29 juillet 2021, M. G... B... et Mme J... D..., représentés par Me Bouquet-Elkaim, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2018 du préfet d'Ille-et-Vilaine ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'un défaut de réponse au moyen tiré du manque d'impartialité du commissaire enquêteur et de ce que son avis comporte des erreurs et contradictions ;

- l'arrêté préfectoral contesté a été pris à l'issue d'une procédure d'enquête publique irrégulière ; les conditions de publicité de l'ouverture de l'enquête publique ne respectent pas les dispositions de l'article L. 123-10 du code de l'environnement ; le commissaire enquêteur n'a pas répondu aux observations des riverains les plus impactés par le projet ; l'avis du commissaire enquêteur comporte des erreurs et contradictions et n'est pas suffisamment motivé ; le commissaire enquêteur a manqué d'impartialité ; le dossier soumis à enquête publique ne comprend pas l'ensemble des pièces exigées par les dispositions des articles R. 431-7 à R. 431-10 du code de l'urbanisme ; le dossier soumis à enquête publique ne comprend pas la carte matérialisant le tracé de détail des canalisations électriques projetées, prévue par l'article R. 323-27 du code de l'énergie, et ne précise pas les caractéristiques de l'installation, notamment sa capacité de production, les techniques utilisées, ses rendements énergétiques et les durées prévues de fonctionnement ;

- l'étude d'impact est entachée d'insuffisances s'agissant des effets du projet sur la santé et de son impact visuel ;

- l'arrêté préfectoral contesté porte atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques et a été pris en méconnaissance des articles L. 511-1 du code de l'environnement et R. 111-2 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté préfectoral contesté porte atteinte aux paysages et à la commodité du voisinage et a été pris en méconnaissance des articles L. 511-1 du code de l'environnement et R. 111-27 du code de l'urbanisme.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 avril et 8 septembre 2021 (ce dernier non communiqué), la société Féeole, représentée par Me Gossement, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge des requérants le versement de la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable pour défaut de motivation ;

- les requérants ne justifient pas d'un intérêt à agir contre l'arrêté préfectoral contesté ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas entaché d'insuffisance de motivation ;

- aucun des moyens invoqués par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'énergie ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 ;

- le décret n° 2011-2019 du 29 décembre 2011 ;

- l'arrêté du 24 avril 2012 fixant les caractéristiques et dimensions de l'affichage de l'avis d'enquête publique mentionné à l'article R. 123-11 du code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Ody,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Babin, substituant Me Gossement, pour la société Féeole.

Une note en délibéré, enregistrée le 21 mars 2022, a été présentée pour M. G... B... et Mme J... D....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande de M. B... et Mme D... tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2018 par lequel le préfet d'Ille-et-Vilaine a délivré à la société Féeole une autorisation unique pour l'implantation et l'exploitation d'un parc éolien comprenant quatre aérogénérateurs et un poste de livraison sur le territoire des communes de Martigné-Ferchaud et Coësmes. M. B... et Mme D... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. A l'appui de leur demande de première instance, M. B... et Mme D... soutenaient que l'avis du commissaire enquêteur n'était pas suffisamment motivé et développaient au soutien de ce moyen plusieurs arguments, et notamment le manque d'impartialité du commissaire enquêteur ainsi que le caractère erroné et contradictoire de son rapport d'enquête publique. Il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a expressément répondu aux moyens que comportaient les mémoires produits par M. B... et autres. En particulier le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre au moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis du commissaire enquêteur, moyen qu'il a visé et écarté par des motifs suffisamment précis aux points 16 et 17 du jugement attaqué. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les dispositions applicables :

3. Aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement dans leur rédaction antérieure à la présente ordonnance, ou au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance no 2014-619 du 12 juin 2014, avant le 1er mars 2017, ainsi que les permis de construire en cours de validité à cette même date autorisant les projets d'installation d'éoliennes terrestres sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code, avec les autorisations, enregistrements, déclarations, absences d'opposition, approbations et agréments énumérés par le I de l'article L. 181-2 du même code que les projets ainsi autorisés ont le cas échéant nécessités ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont (...) contestées (...) ; / 2° Les demandes d'autorisation au titre du chapitre IV du titre Ier du livre II ou du chapitre II du titre Ier du livre V du code de l'environnement, ou de l'ordonnance no 2014-355 du 20 mars 2014 ou de l'ordonnance no 2014-619 du 12 juin 2014 régulièrement déposées avant le 1er mars 2017 sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de la présente ordonnance ; après leur délivrance, le régime prévu par le 1° leur est applicable ; / (...) ".

4. En vertu de l'article L. 181-17 du code de l'environnement, issu de l'article 1er de l'ordonnance du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale et applicable depuis le 1er mars 2017, l'autorisation environnementale est soumise, comme l'autorisation l'unique l'était avant elle ainsi que les autres autorisations mentionnées au 1° de l'article 15 de cette même ordonnance, à un contentieux de pleine juridiction. Il appartient, dès lors, au juge du plein contentieux d'apprécier le respect des règles de procédure régissant la demande d'autorisation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date de délivrance de l'autorisation et celui des règles de fond régissant l'installation au regard des circonstances de fait et de droit en vigueur à la date à laquelle il se prononce, sous réserve du respect des règles d'urbanisme, qui s'apprécie au regard des circonstances de fait et de droit applicables à la date de l'autorisation.

5. Cependant, il résulte des dispositions citées au point 3 que les demandes d'autorisation au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014, régulièrement déposées avant le 1er mars 2017, sont instruites et délivrées selon les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 26 janvier 2017, c'est-à-dire au 1er mars 2017.

6. En l'espèce, l'arrêté contesté du 17 juillet 2018 a été pris sur la demande présentée par la société Féeole le 20 septembre 2016 et complétée le 26 juin 2017. Le préfet d'Ille-et-Vilaine a prescrit l'ouverture d'une enquête publique, laquelle s'est tenue du 14 novembre au 18 décembre 2017. Dès lors, en application des dispositions précitées du 2° de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017, les règles de procédure régissant la demande d'autorisation sont les dispositions législatives et réglementaires dans leur rédaction antérieure au 1er mars 2017, date d'entrée en vigueur de cette ordonnance.

En ce qui concerne la légalité de l'arrêté du préfet d'Ille-et-Vilaine du 17 juillet 2018 :

S'agissant de la régularité de la procédure d'enquête publique :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 123-10 du code de l'environnement, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant celle-ci, l'autorité compétente pour ouvrir et organiser l'enquête informe le public. L'information du public est assurée par voie dématérialisée et par voie d'affichage sur le ou les lieux concernés par l'enquête, ainsi que, selon l'importance et la nature du projet, plan ou programme, par voie de publication locale. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-11 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) II. (...) l'avis [d'enquête publique] est publié quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et pendant toute la durée de celle-ci. (...) / III.- En outre, dans les mêmes conditions de délai et de durée, et sauf impossibilité matérielle justifiée, le responsable du projet procède à l'affichage du même avis sur les lieux prévus pour la réalisation du projet. Ces affiches doivent être visibles et lisibles de la ou, s'il y a lieu, des voies publiques, et être conformes à des caractéristiques et dimensions fixées par arrêté du ministre chargé de l'environnement ". L'article 1er de l'arrêté du 24 avril 2012 fixant les caractéristiques et dimensions de l'affichage de l'avis d'enquête publique mentionné à l'article R. 123-11 du code de l'environnement, alors applicable, dispose : " Les affiches mentionnées au III de l'article R. 123-11 mesurent au moins 42 × 59,4 cm (format A2). Elles comportent le titre " avis d'enquête publique " en caractères gras majuscules d'au moins 2 cm de hauteur et les informations visées à l'article R. 123-9 du code de l'environnement en caractères noirs sur fond jaune ".

8. S'il appartient à l'autorité administrative de procéder à l'ouverture de l'enquête publique et à la publicité de celle-ci dans les conditions fixées par les dispositions du code de l'environnement, la méconnaissance de ces dispositions n'est toutefois de nature à vicier la procédure et donc à entraîner l'illégalité de la décision prise à l'issue de l'enquête publique que si elle n'a pas permis une bonne information de l'ensemble des personnes intéressées par l'opération ou si elle a été de nature à exercer une influence sur les résultats de l'enquête et, par suite, sur la décision de l'autorité administrative.

9. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport du commissaire enquêteur, que l'avis d'enquête publique a été affiché par le pétitionnaire sur le site prévu pour la réalisation du projet, en quatre endroits, soit le long des routes départementales 107 et 53 ainsi qu'à proximité des hameaux de " la Cheveuse " et du " Breil Néret ", ce que le commissaire enquêteur a pu lui-même vérifier. Les dispositions précitées du code de l'environnement et de l'arrêté susvisé du 24 avril 2012 n'imposent pas que l'affichage soit réalisé sur le domaine public. Aussi la circonstance que les affiches aient été implantées sur des propriétés privées ne rend-elle pas irrégulier cet affichage. En outre, il ne résulte de l'instruction, notamment des photographies produites par les requérants, ni que les affiches ne respecteraient pas les caractéristiques et dimensions fixées par l'arrêté du 24 avril 2012, ni qu'elles n'auraient pas été visibles et lisibles depuis la voie publique. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité des conditions de publicité de l'ouverture de l'enquête publique doit être écarté.

10. En second lieu, aux termes de l'article L. 123-15 du code de l'environnement : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête rend son rapport et ses conclusions motivées dans un délai de trente jours à compter de la fin de l'enquête. Si ce délai ne peut être respecté, un délai supplémentaire peut être accordé à la demande du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête par l'autorité compétente pour organiser l'enquête, après avis du responsable du projet. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-19 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le commissaire enquêteur ou la commission d'enquête établit un rapport qui relate le déroulement de l'enquête et examine les observations recueillies. (...) ".

11. Le commissaire enquêteur n'est pas tenu de répondre à chacune des observations présentées, mais il doit indiquer, au moins sommairement, en donnant son avis personnel, les raisons qui déterminent le sens de son avis. En outre, la circonstance que, dans ses conclusions, le commissaire enquêteur se soit approprié certaines observations produites par le porteur de projet ou reprises dans le résumé non technique n'est pas de nature à entacher son avis d'un défaut de motivation ou d'un manquement à son obligation d'impartialité, dès lors qu'il ressort du dossier qu'il a formulé un avis personnel et circonstancié.

12. Il résulte de l'instruction que le commissaire enquêteur a pris connaissance de l'ensemble des observations formulées au cours de l'enquête publique et en a fait une synthèse dans son rapport. De plus, dans ses conclusions, le commissaire enquêteur présente pour chaque thème abordé le contenu du projet, l'avis de l'autorité environnementale, les observations de la population, le procès-verbal, le mémoire en réponse de la société pétitionnaire le cas échéant et enfin sa propre appréciation. S'agissant plus particulièrement de l'impact visuel, le commissaire enquêteur a pris en compte les observations des riverains, s'est déplacé sur les lieux, notamment au hameau de la Théaudière, et a émis un avis personnel et circonstancié dans ses conclusions. Il résulte également de l'instruction qu'aucun photomontage depuis le hameau de la Théaudière n'a été demandé pendant la phase d'étude du dossier par le préfet et l'autorité environnementale. Dans ces conditions, le commissaire enquêteur n'a pas commis d'erreur en mentionnant qu'" aucun photomontage depuis la Théaudière n'a été demandé lors de l'instruction du dossier " et ce, alors même que M. et Mme F... ont formulé une telle demande dans leurs observations sur le registre d'enquête publique. Il résulte également de son rapport qu'en l'absence de photomontage depuis le hameau de la Théaudière, le commissaire enquêteur a effectué des visites sur les lieux et retenu l'existence d'un impact visuel pour la dizaine d'habitations du lieu-dit. De ce fait, le caractère partial de la démarche du commissaire enquêteur allégué par les requérants n'est pas établi. Il résulte encore des conclusions du commissaire enquêteur que son avis favorable a été rendu " compte tenu des engagements pris par la société Féeole ", notamment celui de " réaliser des plantations pour réduire l'impact visuel en fonction des besoins identifiées par les riverains ". Par suite et en tout état de cause, il ne peut être reproché au commissaire enquêteur de ne pas avoir émis de réserves sur ce point dans son avis. Enfin, le commissaire enquêteur a rappelé l'historique du " projet citoyen et participatif " du parc éolien de l'association Energie des Fées, lequel a donné lieu à la création de la société Féeole, plus adaptée pour la mise en œuvre du projet, et à un partenariat avec le développeur P et T Technologie. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le commissaire enquêteur a détaillé le montage sociétaire et contractuel opéré et n'a occulté ni la constitution de la société Féeole, ni l'ouverture du capital et la souscription d'un emprunt à hauteur de 80 % pour couvrir les besoins financiers. Par suite le moyen tiré de ce que le commissaire enquêteur n'aurait pas répondu aux observations des riverains les plus concernés par le projet et n'aurait pas suffisamment motivé son avis doit être écarté.

S'agissant du caractère complet du dossier soumis à enquête publique :

13. Les obligations relatives à la composition du dossier de demande d'autorisation d'une installation classée relèvent des règles de procédure. Les inexactitudes, omissions ou insuffisances affectant ce dossier ne sont susceptibles de vicier la procédure et ainsi d'entacher d'irrégularité l'autorisation que si elles ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, eu égard à son office, le juge du plein contentieux des installations classées peut prendre en compte la circonstance, appréciée à la date à laquelle il statue, que de telles irrégularités ont été régularisées, sous réserve qu'elles n'aient pas eu pour effet de nuire à l'information complète de la population.

14. En premier lieu, aux termes de l'article 2 de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " dans le présent titre. / Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme, (...) autorisation d'exploiter au titre de l'article L. 311-1 du code de l'énergie, approbation au titre de l'article L. 323-11 du même code (...). / L'autorisation unique tient lieu des permis, autorisation, approbation ou dérogation mentionnés à l'alinéa précédent pour l'application des autres législations lorsqu'ils sont requis à ce titre (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " En application de l'article 2 de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée, l'autorisation unique tient lieu, le cas échéant, des autorisations mentionnées à la section 1 du chapitre V du titre II du livre IV du code de l'urbanisme (partie réglementaire) dans les conditions mentionnées à cette section ". L'article 4 du même décret énumère la liste des pièces du dossier de demande d'autorisation unique, parmi lesquelles " le projet architectural mentionné au b de l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme ".

15. Il résulte de l'instruction que le projet architectural prévu à l'article R. 431-7 du code de l'urbanisme et inséré dans le volet " document code de l'urbanisme " du dossier traite seulement du poste de livraison. Toutefois le dossier de demande d'autorisation unique présentée par la société Féeole comprend également quarante-quatre photomontages montrant l'insertion des quatre éoliennes dans leur environnement proche et lointain. En outre et en tout état de cause, la description de la demande comprend des plans des fondations des aérogénérateurs et précise que leur emprise sera de 530 m² par éolienne. La circonstance que ces photomontages et ces éléments relatifs aux fondations ne soient pas inclus dans le volet " document code de l'urbanisme " n'est pas de nature à rendre incomplet le dossier soumis à enquête publique. Enfin, contrairement aux allégations des requérants, le dossier comprend un plan de coupe générale (AU 10.4) montrant l'implantation des éoliennes par rapport au profil du terrain pris dans son ensemble. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier soumis à enquête publique au regard des dispositions du code de l'urbanisme manque en fait et doit être écarté.

16. En deuxième lieu, outre les dispositions déjà citées au point 14 de l'article 2 de l'ordonnance du 20 mars 2014 et de l'article 2 du décret du 2 mai 2014, l'article 6 de ce même décret prévoit : " I. ' Lorsque le projet nécessite une autorisation d'exploiter une installation de production d'électricité au titre du code de l'énergie, l'étude d'impact précise ses caractéristiques, notamment sa capacité de production, les techniques utilisées, ses rendements énergétiques et les durées prévues de fonctionnement. / II.- Lorsque le projet nécessite une approbation au titre de l'article L. 323-11 du code de l'énergie, l'étude de dangers comporte les éléments justifiant de la conformité des liaisons électriques intérieures avec la réglementation technique en vigueur ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 311-6 du code de l'énergie : " Les installations dont la puissance installée par site de production est inférieure ou égale à un seuil, dépendant du type d'énergie utilisée et fixé par décret en Conseil d'Etat, sont réputées autorisées (...) ". Aux termes de l'article R. 311-2 du même code : " En application du premier alinéa de l'article L. 311-6, sont réputées autorisées les installations de production d'électricité utilisant l'un des types d'énergie énumérés ci-dessous à la condition que leur puissance installée soit inférieure ou égale aux seuils fixés au présent article pour ce type d'énergie, soit : (...) / 2° Installations utilisant l'énergie mécanique du vent : 50 mégawatts (...) ".

17. Il résulte de l'instruction que le parc éolien autorisé permet une puissance maximale de 2,4 MW par éolienne et une puissance totale maximale de 9,6 MW. Le seuil de 50 MW prévu par les dispositions précitées de l'article R. 311-2 du code de l'énergie n'étant pas atteint, l'autorisation d'exploiter est réputée délivrée et le dossier n'avait pas à préciser dans son étude d'impact les caractéristiques du projet, notamment sa capacité de production, les techniques utilisées, ses rendements énergétiques et les durées prévues de fonctionnement. En outre, les dispositions précitées du II de l'article 6 du décret du 2 mai 2014 visent seulement les liaisons électriques intérieures permettant de conduire l'électricité produite par chaque éolienne vers le poste de livraison, mais non le raccordement au poste source. Il s'ensuit que les requérants ne peuvent utilement soutenir que le tracé de raccordement au poste source n'est pas précisé dans le dossier d'étude d'impact. Par suite, le moyen tiré du caractère incomplet du dossier au regard du code de l'énergie doit être écarté.

18. En troisième lieu, aux termes de l'article R. 122-5 du code de l'environnement, dans sa rédaction issue du décret du 29 décembre 2011 portant réforme des études d'impact des projets de travaux, d'ouvrages ou d'aménagements : " I.- Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, ouvrages et aménagements projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II.- L'étude d'impact présente : (...) 3° Une analyse des effets négatifs et positifs, directs et indirects, temporaires (y compris pendant la phase des travaux) et permanents, à court, moyen et long terme, du projet sur l'environnement, en particulier sur les éléments énumérés au 2° et sur la consommation énergétique, la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses), l'hygiène, la santé, la sécurité, la salubrité publique, ainsi que l'addition et l'interaction de ces effets entre eux (...) ".

19. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact consacre plusieurs dizaines de pages aux effets et mesures du projet sur le milieu humain ainsi qu'à ses effets sur la commodité du voisinage, l'hygiène, la santé, la sécurité et la salubrité. L'étude d'impact mentionne notamment en page 306 que " les installations n'induisent aucune vibration perceptible par le voisinage ". Si les requérants soutiennent que " ces propos ne sont toutefois étayés par aucune démonstration circonstanciée, mettant en rapport les données techniques des machines avec la géologie et l'hydrogéologie au droit du projet et des habitations les plus proches ", ils n'apportent toutefois aucun élément de nature à remettre en cause cette analyse et à établir que l'étude d'impact serait insuffisante sur ce point. Il résulte également de l'instruction que les infrasons et les champs électromagnétiques susceptibles d'être générés par les éoliennes sont étudiés respectivement en pages 296 et 308 et en pages 309 et 310 de l'étude d'impact. S'agissant de l'impact visuel du projet, il n'est pas contesté que les graphiques extraits du " guide pour un développement de l'éolien raisonné et cohérent " réalisé par le parc naturel régional Loire Anjou Touraine et insérés dans l'étude d'impact portaient sur des éoliennes de 120 mètres de hauteur en bout de pale et non de 180 mètres. Il résulte toutefois de l'instruction que les quarante-quatre photomontages de l'étude d'impact, dont certains montrent des hameaux très proches du parc éolien en litige, ont été réalisés en prenant en compte des éoliennes d'une hauteur en bout de pale de 180 mètres, comme celles ici en cause, selon une méthodologie classique et non contestée par les requérants. Dès lors que les photomontages sont les documents les plus pertinents pour analyser l'impact visuel et l'insertion des éoliennes dans l'environnement proche et lointain, la circonstance que certains graphiques comporteraient ainsi une erreur n'a pas eu d'incidence sur l'information du public et n'a pas exercé d'influence sur la décision de l'autorité administrative. En outre, la circonstance que le hameau de la Théaudière ne fasse pas l'objet d'un photomontage n'a pas été de nature à entacher d'insuffisance l'étude d'impact. Il résulte encore de l'instruction que l'étude d'impact comprend en pages 314 et 315 deux cartes d'intervisibilité avec des résultats maximalistes qui ne prennent pas en compte tous les masques du territoire. En outre, les effets cumulés des parcs éoliens existants et projetés sont analysés en page 341 de l'étude d'impact et les nombreux photomontages pertinents pour appréhender l'intégration paysagère de tous les parcs éoliens à différentes distances sont énumérés. Enfin, si les requérants se prévalent du " guide pour un développement de l'éolien raisonné et cohérent " déjà cité pour soutenir que le chevauchement du parc existant de Coësmes et du parc projeté serait " un cas d'exclusion en raison d'une incohérence avec le parc existant ", ce document dépourvu de valeur réglementaire et par suite inopposable n'a pas cette portée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact doit être écarté.

S'agissant des atteintes portées à la sécurité et à la salubrité publiques :

20. D'une part, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas ". L'article L. 511-1 du même code énonce que : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ". Selon l'article L. 512-1 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. (...) ".

21. D'autre part, aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ". Il appartient à l'autorité d'urbanisme compétente en matière d'urbanisme, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, pour apprécier si les risques d'atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique justifient un refus de permis de construire sur le fondement de ces dispositions, de tenir compte tant de la probabilité de réalisation de ces risques que de la gravité de leurs conséquences, s'ils se réalisent.

22. Il est constant que les éoliennes autorisées respectent la distance d'éloignement minimale de 500 mètres imposée par les dispositions de l'article L. 515-44 du code de l'environnement entre les habitations et les aérogénérateurs dont la hauteur des mâts dépasse 50 mètres. A cet égard, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir d'une proposition de loi de 2017, non adoptée, visant à étendre à 1 000 mètres cette distance d'éloignement en raison de l'augmentation de la hauteur des éoliennes. Il résulte de l'instruction que l'étude d'impact n'a relevé aucun risque lié aux infrasons, champs électromagnétiques ou aux vibrations. Il résulte également de l'étude de dangers que les scénarios de risque concernant la glace, les chutes d'éléments et l'effondrement d'éoliennes ont été précisément analysés et des mesures de sécurité, auxquelles renvoie expressément l'article I-5 de l'arrêté du 17 juillet 2018 portant autorisation unique, sont prévues. En se bornant à soutenir que, compte tenu de la proximité des éoliennes avec le hameau de la Théaudière les risques sont " évidents ", les requérants n'apportent aucun élément susceptible de remettre en cause l'étude de dangers, laquelle conclut que le risque de projection de glace est acceptable, que la zone d'effet du risque d'effondrement des éoliennes est sans conséquence sur les habitations les plus proches et que les risques de chute d'éléments d'une éolienne et des pales sont nuls. Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la ligne H 13 du tableau de synthèse des impacts sur le milieu humain ne préconise pas un recul au-delà de la distance réglementaire de 500 mètres précédemment évoquée. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte à la sécurité et à la salubrité publiques doit être écarté.

S'agissant des atteintes portées aux paysages et à la commodité du voisinage :

23. Outre les dispositions précitées au point 20 des articles L. 181-3, L. 511-1 et L. 512-1 du code de l'environnement, l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme prévoit : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ". Il résulte de ces dispositions que, si les constructions projetées portent atteinte aux paysages naturels avoisinants, l'autorité administrative compétente peut refuser de délivrer le permis de construire sollicité ou l'assortir de prescriptions spéciales. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il lui appartient d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site. Il est exclu de procéder, dans le second temps du raisonnement, pour apprécier la légalité des permis de construire délivrés, à une balance d'intérêts divers en présence, autres que ceux visés à l'article R. 111-27.

24. Il résulte de l'instruction que le projet éolien contesté est implanté dans un paysage bocager à dominante agricole, dont l'habitat diffus est constitué de hameaux et de bâtiments liés à l'agriculture. Il est constant que ce paysage ne présente pas de caractère particulier ou remarquable. Au surplus, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, dans sa formation spécialisée " sites et paysages ", a émis un avis favorable au projet le 19 juin 2018. Dans ces conditions, et en l'absence de toute démonstration circonstanciée de la part des requérants, le moyen tiré de ce que le parc éolien autorisé porterait atteinte aux paysages et à la commodité du voisinage doit être écarté.

25. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées à la requête d'appel et à la demande de première instance, que M. B... et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à M. B... et Mme D... L... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge des requérants le versement à la société Féeole de la somme de 1 000 euros au titre des mêmes frais.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... et Mme D... est rejetée.

Article 2 : M. B... et Mme D... verseront à la société Féeole une somme globale de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... B..., à Mme J... D..., à la ministre de la transition écologique et à la société Féeole.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente assesseure,

- Mme Ody, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2022.

La rapporteure,

C. ODY

Le président,

J. FRANCFORT Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00248


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00248
Date de la décision : 05/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Cécile ODY
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL GOSSEMENT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-04-05;21nt00248 ?
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