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11/03/2022 | FRANCE | N°21NT01615

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 11 mars 2022, 21NT01615


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 du préfet des Côtes-d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 2100259 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Bellier

, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 avril 2021 du tribunal administratif de R...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 du préfet des Côtes-d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination.

Par un jugement n° 2100259 du 15 avril 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 juin 2021, Mme A..., représentée par Me Bellier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 15 avril 2021 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 décembre 2020 du préfet des Côtes-d'Armor portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant son pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet des Côtes-d'Armor, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ou mention " salarié ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :

- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales car elle porte atteinte de manière disproportionnée au respect dû à sa vie privée et familiale ;

en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est dépourvue de base légale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 15 juillet 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Guéguen, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... A..., née le 24 juillet 1993 à Kinshasa (République Démocratique du Congo), est entrée irrégulièrement en France le 5 décembre 2012. Sa demande d'asile ayant été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) et par la Cour nationale du droit d'asile, elle a formé une demande de titre de séjour pour raisons médicales auprès de la préfecture des Côtes-d'Armor le 5 juin 2013 et a bénéficié d'une carte de séjour temporaire renouvelée régulièrement jusqu'au 8 mai 2019. Toutefois, à la suite d'un avis défavorable du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, ce titre de séjour n'a pas été renouvelé au-delà de cette date et Mme A... a alors, le 22 juillet 2019, déposé une demande de titre de séjour pour motifs exceptionnels. Par arrêté du 28 décembre 2020, le préfet des Côtes-d'Armor a rejeté cette dernière demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et d'une décision fixant le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 15 avril 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 décembre 2020 du préfet des Côtes-d'Armor.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".

3. En dépit de l'ancienneté de sa présence en France et des missions d'intérim qu'elle justifie avoir accomplies entre 2014 et 2019, Mme A..., qui est célibataire et sans enfant et ne démontre pas l'existence du tissu amical dont elle se prévaut, n'établit pas avoir créé dans ce pays des liens affectifs ou sociaux d'une stabilité et d'une intensité telles que le refus de séjour qui lui a été opposé porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par ailleurs, l'intéressée ne démontre pas être dépourvue de toute attache familiale ou personnelle dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de dix-neuf ans, ni davantage qu'elle ne pourrait poursuivre en République démocratique du Congo une vie familiale sociale et professionnelle normale. Dans ces conditions, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que le préfet des Côtes-d'Armor, en refusant de lui délivrer la carte de séjour temporaire en litige, aurait méconnu les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. En deuxième lieu, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision, dispose en son premier alinéa : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. (...) ". En présence d'une demande de régularisation présentée, sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, de motifs exceptionnels exigés par la loi.

5. Alors même que Mme A... présente un contrat de travail à durée indéterminée signé le 3 juin 2019 avec la société Bouchers Service, soit postérieurement à l'expiration de la validité de son dernier titre de séjour, et qu'elle a demandé, un an après, la délivrance d'une autorisation de travail à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Rennes, ces circonstances ne suffisent pas, eu égard à ce qui a été dit au point 3, à établir qu'en estimant que sa situation ne relevait pas de circonstances humanitaires ou de motifs exceptionnels justifiant une régularisation sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet aurait entaché sa décision de refus de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées ou dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de carte de séjour sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. En troisième et dernier lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de la circulaire du 28 novembre 2012 relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont dépourvues de caractère réglementaire et qui ne constituent que des orientations générales adressées aux préfets au titre de la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation.

En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 6 que la décision de refus de titre de séjour n'étant affectée d'aucune des illégalités invoquées par Mme A..., le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision, invoqué à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté.

8. Pour les mêmes motifs que ceux exposé aux points 3 et 5, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation, dirigés à l'encontre de la décision du préfet des Côtes-d'Armor faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français, ne peuvent qu'être écartés.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction, sous astreinte :

10. Le présent arrêt, qui rejette la requête de Mme A...(/nom)(ano)X(/ano), n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au préfet des Côtes-d'Armor de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à Me Bellier et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet des Côtes-d'Armor.

Délibéré après l'audience du 22 février 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUEGUEN Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01615


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01615
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-11;21nt01615 ?
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