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11/03/2022 | FRANCE | N°21NT01566

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 11 mars 2022, 21NT01566


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Giboulo a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre de recette exécutoire du 6 février 2019 émis à son encontre par l'association syndicale autorisée du Logis Desmoulins en vue du recouvrement de la redevance syndicale mise à sa charge pour le premier trimestre 2019.

Par un jugement n° 1903309 du 21 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 ju

in 2021, la SCI Giboulo, représentée par Me Caradeux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Giboulo a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler le titre de recette exécutoire du 6 février 2019 émis à son encontre par l'association syndicale autorisée du Logis Desmoulins en vue du recouvrement de la redevance syndicale mise à sa charge pour le premier trimestre 2019.

Par un jugement n° 1903309 du 21 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021, la SCI Giboulo, représentée par Me Caradeux, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler le titre exécutoire du 6 février 2019 émis à son encontre par l'association syndicale autorisée du Logis Desmoulins en vue du recouvrement de la redevance syndicale mise à sa charge pour le premier trimestre 2019 ;

3°) de mettre à la charge de l'association syndicale autorisée du Logis Desmoulins la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que le titre exécutoire contesté est irrégulier en conséquence de l'illégalité de la délibération du 24 janvier 2019 du syndicat de l'association syndicale autorisée du Logis Desmoulins en ce qu'elle introduit un régime financier pour les appartements majorant le montant de sa redevance ; en méconnaissance de l'article 31 de l'ordonnance du 1er juillet 2004 ces nouvelles bases ne tiennent pas compte de l'intérêt de sa propriété à l'exécution des missions de l'association, qui est resté inchangé après la location de sept logements dans la même maison ; le critère de répartition fondé sur l'utilisation du bien est infondé alors que la capacité d'accueil de la maison est demeurée inchangée ; le critère de pondération de 70 % prévu pour les appartements est arbitraire faute de prise en compte des caractéristiques de chaque appartement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, l'association syndicale autorisée du Logis Desmoulins, représentée par Me Lefevre, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la SCI Giboulo une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la SCI Giboulo ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 ;

- le décret n° 2006-504 du 3 mai 2006 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Dubos, représentant la SCI Giboulo, et de Me Diversay, représentant l'association syndicale autorisée du Logis Desmoulins.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) Giboulo a demandé l'annulation du titre de recette exécutoire du 6 février 2019 par lequel l'association syndicale autorisée (ASA) du Logis Desmoulins l'a constituée débitrice de la somme de 432,06 euros, correspondant au montant de la redevance syndicale due par la requérante pour le premier trimestre 2019 au titre des appartements dont elle est propriétaire au sein d'une unique construction constituant le lot n° 19 d'un lotissement de maisons individuelles à Nantes. Par un jugement du 21 avril 2021, dont la SCI Giboulo relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ce titre exécutoire.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 31 de l'ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 : " I. - Les ressources d'une association syndicale autorisée comprennent : / 1° Les redevances dues par ses membres ; (...) / II. - Les redevances syndicales sont établies annuellement et réparties entre les membres en fonction des bases de répartition des dépenses déterminées par le syndicat. Ces bases tiennent compte de l'intérêt de chaque propriété à l'exécution des missions de l'association. (...) ". Aux termes de l'article 51 du décret du 3 mai 2006 pris pour l'application de cette ordonnance : " Lors de sa première réunion et de toute modification ultérieure, le syndicat élabore un projet de bases de répartition des dépenses entre les membres de l'association, accompagné d'un tableau faisant état pour chaque membre de la proportion suivant laquelle il contribue et d'un mémoire explicatif indiquant les éléments de ses calculs et assorti le cas échéant d'un plan de classement des propriétés en fonction de leur intérêt à l'exécution des missions de l'association et d'un tableau faisant connaître la valeur attribuée à chaque classe. (...) ". Il résulte de ces dispositions, que les redevances syndicales, qui ont pour objet d'assurer la répartition entre les propriétaires, membres de l'association, des dépenses que celle-ci assume conformément à ses missions, essentiellement constituées par des frais de réalisation de travaux ou d'ouvrages et d'entretien de ceux-ci, doivent être établies annuellement et réparties en prenant en considération l'intérêt de chaque propriété à l'exécution de ces missions. L'article 54 du même décret, qui prévoit que les titres de recettes valant avis des sommes à payer au titre de ces redevances, émis par l'ordonnateur de l'association syndicale autorisée et adressés aux redevables de l'association, sont exécutoires de plein droit, dispose par ailleurs que : " (...) L'introduction devant une juridiction de l'instance ayant pour objet de contester le bien-fondé de la redevance liquidée par l'association suspend la force exécutoire du titre. L'exercice de ce recours par le débiteur se prescrit dans le délai de deux mois suivant la réception du titre exécutoire ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuites (...) ".

3. Les dispositions, citées au point précédent, du décret du 3 mai 2006 instituent un recours de plein contentieux spécial ayant pour objet de permettre aux membres d'une association syndicale autorisée qui entendent contester le bien-fondé des redevances mises à leur charge de faire opposition, devant le juge administratif, aux titres de recettes exécutoires émis à leur encontre pour le recouvrement de ces créances publiques. Cette contestation peut être fondée sur un moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la délibération du syndicat arrêtant la répartition des dépenses syndicales. Un tel moyen n'est cependant recevable, eu égard à l'importance qui s'attache à la préservation de la sécurité juridique des bases de répartition des dépenses entre les propriétés incluses dans le périmètre d'une telle association, que s'il a été soulevé dans le délai, mentionné à l'article 54 du décret du 3 mai 2006, de deux mois suivant la réception du premier titre exécutoire faisant application au requérant de cette délibération ou, à défaut, du premier acte procédant de ce titre ou de la notification d'un acte de poursuites. En l'espèce, la SCI Giboulo n'est donc pas recevable à invoquer l'exception d'illégalité des décisions du syndicat de l'ASA des 3 octobre et 10 décembre 2018, eu égard à l'expiration, à la date d'enregistrement de la requête d'appel le 7 juin 2021, du délai de deux mois suivant la réception du titre de recette exécutoire émis le 6 février 2019, qui doit être regardé comme reçu au plus tard à la date où il a été contesté par la demande de première instance à laquelle il était annexé, présentée devant le tribunal administratif le 28 mars 2019. En tout état de cause, l'exception d'illégalité des délibérations du syndicat des 3 octobre et 10 décembre 2018 ne peut être utilement invoquée dès lors que la créance mise en recouvrement n'est pas fondée sur ces décisions mais a été fixée en application de la délibération du syndicat de l'ASA du 24 janvier 2019 qui fixe la valeur annuelle pour 2019 de la " part " des dépenses de fonctionnement entrant dans le calcul des redevances syndicales.

4. Toutefois, la SCI Giboulo soutient également par la voie de l'exception que la délibération du 24 janvier 2019 du syndicat de l'ASA du Logis Desmoulins, qui pour la répartition des charges de fonctionnement annuelles de l'association syndicale a institué un critère de répartition d'une part par maison et d'une part pondérée par un coefficient de 0,70 pour chacun des sept appartements aménagés dans la propriété de la requérante, est irrégulière en ce qu'elle est intervenue en violation des dispositions précitées dès lors qu'elle conduit à une redéfinition des bases de répartition des dépenses qui méconnait l'intérêt de chaque propriété à l'exécution des missions de l'ASA. D'une part, il ressort des pièces du dossier que la SCI Giboulo a acquis en 2006, au sein d'un lotissement de 70 maisons individuelles, une habitation de 326 m² comprenant huit chambres, dont certaines étaient alors louées, qu'elle a rapidement transformée par des travaux d'aménagement intérieur en sept logements distincts d'une superficie de 28 à 53 m². D'autre part, jusqu'à l'entrée en vigueur de la délibération du 24 janvier 2019 du syndicat de l'ASA, la SCI a acquitté des redevances auprès de cette association sur la base d'une somme forfaitaire, identique pour chaque maison constituant un lot du lotissement. A compter de cette délibération, le syndicat de cette association a décidé de distinguer, hors remboursement d'un prêt par l'ASA, 69 parts correspondant à un forfait applicable à chacune des maisons du lotissement et 7 parts, dites " appartement ", applicables à la seule propriété de la SCI requérante, d'un montant moindre que celui de chaque maison compte tenu du coefficient de pondération susmentionné, mais dont le cumul est largement supérieur à celui affecté à chacune des 69 maisons et au forfait auquel était assujetti jusque-là la SCI Giboulo. Il résulte de l'instruction que la délibération fixant la nouvelle répartition des dépenses fonde cette modification sur la nécessaire prise en compte du nombre de personnes induit par la réalisation de plusieurs logements dans la maison de la société requérante et l'accroissement de l'utilisation des espaces communs du lotissement en résultant au regard des dépenses assumées par l'ASA.

5. Il résulte cependant du règlement de cette association et de ses budgets qu'elle a pour principales dépenses, à l'exception du remboursement d'un emprunt, celles liées à l'entretien des espaces verts, de la voirie, des réseaux et de l'éclairage du lotissement. Or, il ne résulte pas de l'instruction que la présence, depuis plus de dix ans, de nombreux locataires dans la maison de la SCI de la requérante aurait eu une incidence sur les missions assumées depuis lors par l'ASA. Si celle-ci fait état d'une fréquentation accrue des espaces verts par les habitants de la maison de la SCI Giboulo et d'un usage majoré de la voirie du lotissement, elle ne l'établit pas alors que la maison acquise en 2006 comportait dès l'origine huit chambres, dont la société requérante expose sans être contredite qu'elles étaient déjà majoritairement louées. Par ailleurs, alors qu'il ressort des pièces du dossier que ce lotissement comprend de vastes maisons, dont le nombre de résidents par habitation est inconnu, celles-ci demeurent assujetties à un montant de redevance forfaitaire inférieur à celui fixé cumulativement pour la propriété de la SCI Giboulo en considération du nombre de logements loués. Enfin, ce nombre apparaît sans incidence sur les dépenses assumées par l'ASA au titre de l'éclairage du lotissement. Il en résulte que la société Giboulo est fondée à soutenir que la répartition des charges telle que définie en dernier lieu par la délibération du syndicat de l'ASA du Logis Desmoulins du 24 janvier 2019 est irrégulière en ce qu'elle a méconnu l'intérêt de chaque propriété à l'exécution des missions de l'ASA et, qu'en conséquence, le titre exécutoire du 6 février 2019, fondé sur une base légale irrégulière, doit être annulé.

6. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Giboulo est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation du titre exécutoire du 6 février 2019.

Sur les frais d'instance :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par l'ASA du Logis Desmoulins. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SCI Giboulo.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1903309 du 21 avril 2021 du tribunal administratif de Nantes est annulé.

Article 2 : Le titre de recettes exécutoire d'un montant de 432,06 euros émis par l'ASA du Logis Desmoulins le 6 février 2019 à l'encontre de la SCI Giboulo est annulé.

Article 3 : L'ASA du Logis Desmoulins versera à la SCI Giboulo la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par l'ASA du Logis Desmoulins au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Giboulo et à l'association syndicale autorisée du Logis Desmoulins.

Délibéré après l'audience du 22 février 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 mars 2022.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet de la Loire-Atlantique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01566


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01566
Date de la décision : 11/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SARL ANTIGONE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-03-11;21nt01566 ?
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