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25/02/2022 | FRANCE | N°21NT00553

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 25 février 2022, 21NT00553


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... E..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 février 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires françaises à Johannesburg (Afrique du Sud) du 15 octobre 2019 rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour le jeune A... B... en qualité de m

embre de famille de réfugié.

Par un jugement no 2004519 du 1er février 2021, le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... B... E..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur A... B..., a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 12 février 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours dirigé contre la décision des autorités consulaires françaises à Johannesburg (Afrique du Sud) du 15 octobre 2019 rejetant la demande de visa de long séjour présentée pour le jeune A... B... en qualité de membre de famille de réfugié.

Par un jugement no 2004519 du 1er février 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoire, enregistrés les 25 février, 4 novembre, 16 décembre et 17 décembre 2021, Mme C... B... E..., agissant en qualité de représentante légale de son fils mineur A... B..., représentée par Me Schürmann, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au profit de Me Schürmann en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- la décision contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation, au regard du caractère authentique de l'acte de naissance de l'enfant et du caractère suffisant des éléments de possession d'état produits ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale des droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une décision du 1er février 2022, le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nantes a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B... E....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bréchot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... B... E..., ressortissante de République démocratique du Congo née le 22 mars 1996, s'est vue reconnaître la qualité de réfugiée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 septembre 2017. Le 21 juin 2019, elle a sollicité pour le compte de son fils mineur, A... B..., né le 5 février 2014, un visa de long séjour en qualité de membre de famille de réfugié auprès de l'autorité consulaire française en Afrique du Sud, pays où réside l'enfant. Par une décision du 15 octobre 2019, cette autorité a rejeté cette demande. Par une décision du 12 février 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours contre cette décision consulaire. Mme B... E... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de cette décision de la commission de recours.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " I. - Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / 1° Par son conjoint (...) / 2° Par son concubin, âgé d'au moins dix-huit ans, avec lequel il avait, avant la date d'introduction de sa demande d'asile, une vie commune suffisamment stable et continue ; / 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans. / (...) / II. - Les articles L. 411-2 à L. 411-4 et le premier alinéa de l'article L. 411-7 sont applicables. / Les membres de la famille d'un réfugié ou d'un bénéficiaire de la protection subsidiaire sollicitent, pour entrer en France, un visa d'entrée pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois auprès des autorités diplomatiques et consulaires, qui statuent sur cette demande dans les meilleurs délais. / Pour l'application du troisième alinéa du présent II, ils produisent les actes de l'état civil justifiant de leur identité et des liens familiaux avec le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire. En l'absence d'acte de l'état civil ou en cas de doute sur leur authenticité, les éléments de possession d'état définis à l'article 311-1 du code civil et les documents établis ou authentifiés par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, sur le fondement de l'article L. 721-3 du présent code, peuvent permettre de justifier de la situation de famille et de l'identité des demandeurs. Les éléments de possession d'état font foi jusqu'à preuve du contraire. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ". Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.

4. Enfin, aux termes de l'article 311-1 du code civil : " La possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui révèlent le lien de filiation et de parenté entre une personne et la famille à laquelle elle est dite appartenir. / Les principaux de ces faits sont : / 1° Que cette personne a été traitée par celui ou ceux dont on la dit issue comme leur enfant et qu'elle-même les a traités comme son ou ses parents ; / 2° Que ceux-ci ont, en cette qualité, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation ; / 3° Que cette personne est reconnue comme leur enfant, dans la société et par la famille ; / 4° Qu'elle est considérée comme telle par l'autorité publique ; / 5° Qu'elle porte le nom de celui ou ceux dont on la dit issue. " Selon l'article 311-2 du même code : " La possession d'état doit être continue, paisible, publique et non équivoque. "

5. Il ressort de la décision contestée de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France que celle-ci s'est fondée sur le motif tiré de ce que l'acte de naissance de l'enfant est inauthentique, et qu'en l'absence de production de pièces suffisamment probantes susceptibles de justifier d'une possession d'état, son identité et, partant, le lien familial allégué avec la réfugiée, ne sont pas établis.

6. À l'appui de la demande de visa de l'enfant a été produite une copie intégrale du certificat de naissance n° 1281103 de A... B..., né le 5 février 2014 à Prétoria, de Mme C... B... E... et de père inconnu, délivrée le 1er mars 2014 par le ministère de l'intérieur d'Afrique du Sud. Il ressort des pièces du dossier que ce certificat, qui ne fait au demeurant référence à aucun registre, comporte un cachet par tampon dateur directement imprimé sur le certificat au lieu d'être humide et contient, en outre, une faute d'orthographe grossière en ce qu'il est inscrit " Regonal Office Pretoria " en lieu et place de " Regional Office Pretoria ". Eu égard à ces anomalies, l'acte d'état civil produit est dépourvu de toute valeur probante.

7. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, dès sa demande d'asile, Mme B... E... a déclaré le jeune A..., qui porte son nom, comme étant son fils, expliquant en détail les circonstances de sa naissance ainsi que les raisons qui l'ont conduite à le confier à un pasteur de son église avec son cousin, le jeune D... B... né le 12 février 2014, dans l'attente de leur venue en France. La requérante verse de nombreuses photographies d'elle avec son enfant nouveau-né avant son départ pour la France ainsi que lors d'un voyage en Afrique du Sud en 2019. Elle justifie avoir adressé régulièrement de l'argent aux personnes qui ont successivement recueilli l'enfant, en vue de pourvoir à son éducation. Enfin, de nombreuses attestations de membres de sa famille et de proches qui l'ont connue alors qu'elle résidait en Afrique du Sud font état de sa grossesse, de son accouchement et des premiers mois du jeune A... avec Mme B... E... en Afrique du Sud. Dans les circonstances de l'espèce, ces éléments de possession d'état sont suffisants pour démontrer le lien de filiation revendiqué par le demandeur de visa à l'égard de Mme B... E....

8. Par suite, c'est par une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la commission de recours a refusé de délivrer le visa litigieux au motif que l'identité de l'enfant et le lien de filiation unissant les intéressés n'étaient pas établis.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... E... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. Le présent arrêt implique, eu égard aux motifs qui le fondent, que le ministre de l'intérieur fasse droit à la demande de visa présentée pour le jeune A... B.... Par suite, il y a lieu d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa de long séjour sollicité pour le jeune A... B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

11. Mme B... E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à Me Schürmann de la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 1er février 2021 et la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du 12 février 2020 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de faire droit à la demande du jeune A... B... tendant à se voir délivrer un visa de long séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Schürmann une somme de 1 200 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... E... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... E... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Bréchot, premier conseiller,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2022.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLa présidente,

H. Douet

La greffière,

K. Bouron

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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No 21NT00553


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00553
Date de la décision : 25/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : SCHURMANN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-25;21nt00553 ?
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