La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2022 | FRANCE | N°21NT00073

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 25 février 2022, 21NT00073


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... D... A..., M. C... D... D... A..., Mme C... F... D... A... et le jeune C... G... D... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en B... a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités diplomatiques françaises en poste en Inde rejetant les demandes de visa de long séjour présentées au titre de la réunification familiale par M. C... D... D... A..., M

me C... F... D... A... et le jeune C... G... D... A....

Par un jugement n...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... E... D... A..., M. C... D... D... A..., Mme C... F... D... A... et le jeune C... G... D... A... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en B... a implicitement rejeté le recours formé contre la décision des autorités diplomatiques françaises en poste en Inde rejetant les demandes de visa de long séjour présentées au titre de la réunification familiale par M. C... D... D... A..., Mme C... F... D... A... et le jeune C... G... D... A....

Par un jugement n° 2003957 du 9 novembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 11 janvier 2021, Mme C... E... D... A..., agissant en son nom propre et pour le compte du jeune C... G... D... A..., M. C... D... D... A... et Mme C... F... D... A..., représentés par Me Besse, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 novembre 2020 ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) d'enjoindre à l'administration de délivrer les visas sollicités, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer les demandes de visa, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- compte tenu de leur situation familiale, seule une réunification partielle, laquelle ne méconnaît pas l'intérêt supérieur des enfants, est possible de sorte que le motif de refus fondé sur l'absence de déchéance de l'autorité parentale du père est illégal ;

- la seule circonstance que l'aîné était âgé de plus de 19 ans à la date de sa demande de visa ne saurait suffire à légalement justifier le refus de visa qui lui a été opposé dès lors que l'administration ne pouvait ignorer la situation d'isolement qui résulterait de ce refus ;

- les refus de visa sont contraires aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... E... D... A..., ressortissante chinoise originaire du Tibet, a fui son pays en novembre 2015 et été admise au statut de réfugié par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 5 juin 2016. Des visas de long séjour ont été demandés, au titre de la réunification familiale, le 15 mai 2019, par ses trois enfants, C... D... D... A... né le 6 mai 1998, Tenzin F... D... A..., née le 25 août 2003 et Tenzin G... D... A..., né le 10 janvier 2008. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en B... a implicitement rejeté le recours formé le 6 décembre 2019 contre les refus opposés à ces demandes de visa par les autorités diplomatiques françaises en poste en Inde le 11 octobre 2019. Les requérants relèvent appel du jugement du jugement du 9 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en B....

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Il ressort des écritures du ministre de l'intérieur que, d'une part, pour rejeter les demandes de visa de long séjour présentés pour les jeunes Tenzin F... D... A... et Tenzin G... D... A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en B... s'est fondée sur le fait que Mme D... A... ne pouvait valablement se prévaloir du principe d'unité de la famille pour faire venir ses enfants en B... dès lors qu'aucune décision de justice, produisant des effets juridiques en B..., lui confiant ces enfants, au titre de l'exercice de l'autorité parentale, n'avait été produite lors de la demande de visa et, d'autre part, pour rejeter la demande de visa de long séjour présentée par M. C... D... D... A..., la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en B... s'est fondée sur le motif tiré que celui-ci, né le 6 mai 1998, était âgé de plus de dix-neuf ans à la date de la demande de visa.

3. Aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Mme C... E... D... A... indique que, à la suite de son départ, ses enfants, alors âgés de 18, 13 et 8 ans, ont gagné le Népal puis l'Inde, en 2017, avec le projet de la rejoindre en B... et que leur père a momentanément séjourné auprès d'eux en Inde avant de retourner en Chine où il a épousé une nouvelle femme. Depuis lors, les enfants, qui doivent être regardés comme ayant été délaissés par leur père, sont pris en charge par un moine bouddhiste membre de la communauté tibétaine de Dharamsala en Inde. Ce récit est corroboré par, notamment, une attestation de ce dernier ainsi que des justificatifs de transferts d'argent libellés à son nom et réalisés en 2019 antérieurement à la décision contestée. La réalité, l'intensité et la continuité des liens unissant Mme C... E... D... A... à ses trois enfants, dont deux étaient mineurs à la date de la décision en litige, sont également attestées par de nombreuses photographies ainsi que des captures d'écran de téléphones mobiles. Si M. C... D... D... A... était âgé de 21 ans à la date de la décision en litige, il ressort des pièces du dossier que ses seules attaches familiales en Inde, pays dans lequel il résidait depuis environ deux ans seulement, se résument à ses jeunes frère et sœur avec lesquels il vit. Dans ces conditions, les refus de visa opposés à Tenzin D... D... A..., Tenzin F... D... A... et Tenzin G... D... A... portent à leur droit au respect de leur vie privée et familiale ainsi qu'à celui de leur mère une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été édictés et méconnaissent, par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en B....

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

6. Sous réserve d'un changement de circonstances de droit ou de fait, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement, eu égard aux motifs sur lesquels il se fonde, que le ministre de l'intérieur délivre un visa de long séjour à M. C... D... D... A..., Mme C... F... D... A... et le jeune C... G... D... A.... Il y a lieu d'enjoindre au ministre d'y procéder dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

7. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement aux requérants de la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 novembre 2020 et la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en B... du sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre de l'intérieur de délivrer à M. C... D... D... A..., Mme C... F... D... A... et le jeune C... G... D... A... un visa de long séjour, dans le délai de quarante-cinq jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à Mme C... E... D... A..., M. C... D... D... A... et Mme C... F... D... A... la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... D... A..., à M. C... D... D... A..., à Mme C... F... D... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente de la formation de jugement,

- M. Bréchot, premier conseiller,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2022.

La rapporteure,

K. BOUGRINE

La présidente de la formation de jugement,

H. DOUET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00073


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00073
Date de la décision : 25/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : BESSE

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-25;21nt00073 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award