Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 11 décembre 2020, le 29 avril 2021 et le 24 juin 2021, la société par actions simplifiée (SAS) Eoliennes du Grand Auverné, représentée par Me Elfassi, demande à la cour :
1°) d'annuler l'arrêté du 14 août 2020 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande d'autorisation environnementale portant sur l'installation d'une production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent composée de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison et située sur le territoire de la commune du Grand-Auverné et la décision du 22 octobre 2020 portant rejet de son recours gracieux ;
2°) d'enjoindre à l'administration de reprendre l'instruction de sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il n'est pas justifié de la compétence du signataire de l'arrêté du 14 août 2020 ;
- cet arrêté est insuffisamment motivé ;
- le préfet n'a pas, avant de rejeter son recours gracieux, tenu compte des modifications apportées à son projet pour le rendre compatible avec les dispositions de l'article N6 du règlement du plan local d'urbanisme ;
- il s'est à tort cru lié par les observations formulées par le directeur départemental des territoires et de la mer dans son avis du 20 janvier 2020 ;
- les éléments complémentaires relatifs à l'avifaune qu'elle a fournis à la demande du préfet permettaient, contrairement à ce qu'a estimé ce dernier, la poursuite de l'instruction de sa demande ;
- son projet ne porte atteinte ni au site classé du Val ni aux autres paysages.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pérez,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me Durand, substituant Me Elfassi, représentant la SAS Eoliennes du Grand Auverné.
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 décembre 2018, la société par actions simplifiée (SAS) Eoliennes du Grand Auverné a sollicité une autorisation environnementale afin d'exploiter, sur le territoire de Grand Auverné, un parc éolien composé de quatre aérogénérateurs et d'un poste de livraison. Par un arrêté du 14 août 2020, le préfet de la Loire-Atlantique a, à l'issue de la phase d'examen, rejeté sa demande sur le fondement de l'article L. 181-9 du code de l'environnement. Le recours gracieux formé par la société pétitionnaire a été rejeté par une décision du 22 octobre 2020. La SAS Eoliennes du Grand Auverné demande à la cour d'annuler l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 14 août 2020 et sa décision du 22 octobre suivant.
2. En premier lieu, par un arrêté du 9 juin 2020, régulièrement publié au recueil des actes de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique a donné délégation à M. A... B..., sous-préfet de l'arrondissement de Châteaubraint-Ancenis, à l'effet de signer tous les actes relevant des attributions de l'Etat dans cet arrondissement, à l'exception de certaines catégories d'actes au nombre desquelles ne figurent pas les arrêtés d'autorisation environnementale. Le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise par une autorité incompétente doit, dès lors, être écarté.
3. En deuxième lieu, il résulte des dispositions de l'article R. 181-34 du code de l'environnement que la décision rejetant une demande d'autorisation environnementale doit être motivée.
4. L'arrêté du 14 août 2020 en litige vise l'article L. 421-8 du code de l'urbanisme ainsi que les articles L. 511-1, L. 181-9 et R. 181-34 du code de l'environnement et restitue la teneur de celles des dispositions des articles L. 181-9 et R. 181-34 sur lesquelles il est fondé. Il résulte de sa lecture que, pour rejeter la demande de la SAS Eoliennes du Grand Auverné dès l'issue de la phase d'examen de sa demande, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé, d'une part, sur la méconnaissance des dispositions de l'article N6 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune d'implantation, d'autre part, sur la subsistance, en dépit de précisions et corrections apportées par la société pétitionnaire à la demande du service d'instructeur, de " nombreuses incohérences et imprécisions [affectant] l'état initial de l'avifaune, ce qui ne permet pas d'établir une vision exhaustive des impacts et donc une définition pertinente des mesures (...) ERC " et, enfin, sur l'impact paysager du projet. Alors même que les défauts de l'état initial de l'avifaune demeurant après la production d'éléments complémentaires par la société pétitionnaire ne sont pas spécifiés, l'arrêté attaqué comporte, avec suffisamment de précision pour permettre à son destinataire de le contester, les considérations de droit et de fait sur lesquelles il est fondé et est, par suite, suffisamment motivé.
5. En troisième lieu, il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas de la circonstance que l'arrêté attaqué est, en partie, motivé exactement dans les mêmes termes que ceux de l'avis consultatif émis par le directeur départemental des territoires et de la mer, que le préfet de la Loire-Atlantique se serait abstenu de porter une appréciation propre sur le projet. Le moyen tiré de ce qu'il aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence doit, dès lors, être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de L. 181-9 du code de l'environnement : " L'instruction de la demande d'autorisation environnementale se déroule en trois phases : / 1° Une phase d'examen ; / 2° Une phase d'enquête publique ; / 3° Une phase de décision. / Toutefois, l'autorité administrative compétente peut rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen lorsque celle-ci fait apparaître que l'autorisation ne peut être accordée en l'état du dossier ou du projet. / Il en va notamment ainsi lorsque l'autorisation environnementale ou, le cas échéant, l'autorisation d'urbanisme nécessaire à la réalisation du projet, apparaît manifestement insusceptible d'être délivrée eu égard à l'affectation des sols définie par le plan local d'urbanisme ou le document en tenant lieu ou la carte communale en vigueur au moment de l'instruction, à moins qu'une procédure de révision, de modification ou de mise en compatibilité du document d'urbanisme ayant pour effet de permettre cette délivrance soit engagée. ". Aux termes de l'article R. 181-34 du même code : " Le préfet est tenu de rejeter la demande d'autorisation environnementale dans les cas suivants : / 1° Lorsque, malgré la ou les demandes de régularisation qui ont été adressées au pétitionnaire, le dossier est demeuré incomplet ou irrégulier ; / (...) / 3° Lorsqu'il s'avère que l'autorisation ne peut être accordée dans le respect des dispositions de l'article L. 181-3 ou sans méconnaître les règles, mentionnées à l'article L. 181-4, qui lui sont applicables. / (...) ".
7. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : " L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles (...) L. 511-1, selon les cas. ". L'article L. 511-1 de ce code concerne les dangers ou inconvénients pour notamment la protection de la nature, de l'environnement et des paysages ainsi que la conservation des sites et des monuments.
8. Il résulte de l'instruction que le projet est implanté entre le pays de Chateaubriand et le pays d'Ancenis, à la confluence de deux unités paysagères fortes, les " marches de Bretagne orientales " au nord et les " contreforts ligériens du pays d'Ancenis " au sud. Selon le paysagiste-conseil consulté par le directeur départemental des territoires, l'espace considéré forme une " transition composée d'un fin relief, de la forêt d'Ancenis et de vallons composés de petites collines ". Le directeur départemental a également défini cet espace comme un espace de transition " préservé " et " fort de l'identité locale ". Par ailleurs, se situe à une distance de 3 500 mètres, le site du Val, site de dix-huit hectares classé en 1938 pour son caractère pittoresque. Le projet consiste en l'implantation de quatre aérogénérateurs sur une ligne de crête de 80 à 90 mètres d'altitude. Il résulte de l'instruction que cette ligne de crête constitue un élément structurant du paysage précédemment décrit. Il existe, en outre, un dénivelé de 45 mètres entre le projet et le site du Val, sans barrière visuelle. La très forte prégnance visuelle du projet a été soulignée par le directeur départemental des territoires et de la mer de Loire-Atlantique, la division " sites et paysages " du service " ressources naturelles et paysages " (SRNP) de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement des Pays-de-la-Loire ainsi que la mission régionale d'autorité environnementale. Si cette dernière n'a pas pris parti sur l'intérêt de la transformation du paysage induite par le projet, elle a néanmoins relevé que l'impact du projet sur les unités paysagères " doit être qualifié de fort et non de faible comme le présente [l'étude d'impact] ". S'agissant plus particulièrement du site du Val et de ses abords, il résulte des éléments de l'instruction et notamment des photomontages figurant dans l'étude d'impact ainsi que de ceux produits au soutien du recours gracieux puis devant le juge que le projet sera, il est vrai, perceptible seulement depuis certaines positions, situées principalement en dehors de son périmètre administratif. Toutefois, ces vues sont suffisamment marquantes, ainsi qu'en témoigne le photomontage n° 10, pour participer à " l'altération locale du paysage " dont le site du Val ne constitue qu'une composante. Le projet est ainsi susceptible de rompre la cohésion d'ensemble de cet espace dont la valeur paysagère découle notamment de la liaison harmonieuse qu'il assure entre les deux unités de paysage mentionnées ci-dessus. Si la société requérante fait valoir qu'une autorisation a été délivrée pour l'exploitation d'un autre parc éolien à Grand Auverné, à deux kilomètres du site du Val, cette circonstance est sans incidence sur la réalité et la nature de l'impact paysager du projet litigieux. Dès lors, en estimant que cet impact faisait obstacle à la délivrance de l'autorisation environnementale sollicitée, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article R. 181-13 du code de l'environnement : " La demande d'autorisation environnementale comprend les éléments communs suivants : / (...) 5° Soit, lorsque la demande se rapporte à un projet soumis à évaluation environnementale, l'étude d'impact réalisée en application des articles R. 122-2 et R. 122-3-1, (...) ". Aux termes de l'article R. 122-5 du même code : " I. - Le contenu de l'étude d'impact est proportionné à la sensibilité environnementale de la zone susceptible d'être affectée par le projet, à l'importance et la nature des travaux, installations, ouvrages, ou autres interventions dans le milieu naturel ou le paysage projetés et à leurs incidences prévisibles sur l'environnement ou la santé humaine. / II. - En application du 2° du II de l'article L. 122-3, l'étude d'impact comporte les éléments suivants, en fonction des caractéristiques spécifiques du projet et du type d'incidences sur l'environnement qu'il est susceptible de produire : / (...) / 3° Une description des aspects pertinents de l'état actuel de l'environnement, dénommée "scénario de référence", et de leur évolution en cas de mise en œuvre du projet ainsi qu'un aperçu de l'évolution probable de l'environnement en l'absence de mise en œuvre du projet, dans la mesure où les changements naturels par rapport au scénario de référence peuvent être évalués moyennant un effort raisonnable sur la base des informations environnementales et des connaissances scientifiques disponibles ; / (...) ".
10. Il résulte de l'instruction que, invitée par le service instructeur à corriger, compléter et actualiser l'état initial de l'avifaune, la SAS Eoliennes du Grand Auverné a produit, le 20 décembre 2019, des éléments complémentaires. Ceux-ci ont permis de rectifier une partie des erreurs et contradictions les plus évidentes relevées par le service. Toutefois, le directeur départemental des territoires et de la mer a relevé, dans son avis du 20 janvier 2020, que " l'état initial de l'avifaune se révèle toujours très confus et soulève de nombreuses incohérences ". Il a, en particulier, souligné des lacunes dans l'identification des espèces patrimoniales pour lesquelles la méthodologie qui avait été demandé à la SAS Eoliennes du Grand-Auverné de suivre a été partiellement respectée. Il a également constaté que la société pétitionnaire n'avait pas à l'occasion de cette demande de compléments tenu compte des données disponibles les plus récentes, notamment celles issues du document rédigé en juillet 2019 par la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Pays-de-la-Loire à l'attention des porteurs de projets éoliens et portant précisément sur la prise en compte de l'avifaune. La mission régionale d'autorité environnementale a, dans son avis du 27 février 2020, formulé les mêmes critiques et ajouté que " l'étude bibliographique rappelle les grandes références internationales. Elle omet toutefois l'analyse des mortalités, des parcs éoliens voisins (dans un rayon de 20 à 30 km) qui sont pourtant représentatives des risques localement et dont la publication est désormais obligatoire et librement accessible ". Elle a émis six recommandations portant sur l'état initial en matière de biodiversité dont la moitié concerne l'avifaune. Dans ces conditions, en se fondant sur les insuffisances de cette partie de l'étude d'impact pour rejeter la demande à l'issue de la phase d'examen, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 181-9 et du 1° de l'article R. 181-34 du code de l'environnement.
11. En dernier lieu, il résulte de l'article R. 425-29-du code de l'urbanisme que les projets d'installation d'éoliennes terrestres soumis à autorisation environnementale sont dispensés de l'obligation d'obtenir un permis de construire. Ces projets demeurent toutefois soumis au respect des règles d'urbanisme qui leurs sont applicables. Leur conformité aux documents d'urbanisme applicables est examinée à l'occasion de l'instruction de la demande d'autorisation environnementale.
12. D'une part, il résulte de l'instruction que, dans sa version initiale, l'implantation des aérogénérateurs prévue par le projet dans sa version initiale ne respecte pas la bande de recul par rapport à la voie prescrite par les dispositions de l'article N6 du règlement du plan local d'urbanisme de Grand Auverné. Au soutien de son recours gracieux, la SAS Eoliennes du Grand Auverné a proposé une nouvelle implantation de manière à rendre son projet conforme à ces dispositions et indiqué que celle-ci " ne modifie ni la teneur du projet ni les impacts attendus ". Ainsi, à la date du présent arrêt, le motif tiré de la non-conformité du projet porté par la société requérante aux dispositions de l'article N6 du règlement du plan local d'urbanisme n'est pas fondé. Il résulte toutefois des motifs énoncés aux points 6 à 10 que le rejet de la demande de la SAS Eoliennes du Grand Auverné est légalement fondé sur les motifs tenant à l'impact paysager du projet et aux lacunes de l'état initial de l'avifaune. Le moyen n'est, dès lors, pas de nature à entraîner l'annulation de l'arrêté du 20 août 2020.
13. D'autre part, à la date à laquelle le préfet de la Loire-Atlantique, a rejeté le recours gracieux formé par la SAS Eoliennes du Grand Auverné, le motif tiré de la non-conformité du projet aux dispositions de l'article N6 du règlement du plan local d'urbanisme de Grand-Auverné n'était pas, eu égard à la modification du projet et alors qu'il n'est ni établi ni allégué que cette modification nécessitait un réexamen complet de la demande, de nature à légalement fonder le rejet de celle-ci. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que le préfet de la Loire-Atlantique dont la décision de rejet demeurait légalement fondée sur deux autres motifs se serait abstenu d'examiner le recours gracieux dont il était saisi au regard des éléments de droit et de fait existant à la date de sa décision. Dès lors, le moyen tiré de ce qu'en refusant de tenir compte de la modification apportée par la société pétitionnaire au stade du recours gracieux relativement à l'implantation des aérogénérateurs par rapport à la voie publique, le préfet aurait commis une erreur de droit au regard de l'article L. 411-4 du code des relations entre le public et l'administration, doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS Eoliennes du Grand Auverné n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 14 août 2020 ni de la décision du 20 octobre 2020. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par suite, être rejetées.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de la SAS Eolienne du Grand Auverné est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Eoliennes du Grand Auverné et à la ministre de la transition écologique.
Une copie sera en outre adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 25 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
M. Pérez, président de chambre,
Mme Douet, présidente-assesseure,
M. L'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2022.
L'assesseur le plus ancien,
H. DOUET
Le président- rapporteur,
A. PEREZ
La greffière,
A. LEMEE
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT03972