La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/02/2022 | FRANCE | N°20NT03567

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 25 février 2022, 20NT03567


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a imposé des prescriptions complémentaires relatives au droit d'eau du moulin de Sainte-Anne, situé sur le territoire des communes de Pommeret et de Coëtmieux.

Par un jugement no 1803664 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2020, M. C..., rep

résenté par la SELARL Stratéys, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annul...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a imposé des prescriptions complémentaires relatives au droit d'eau du moulin de Sainte-Anne, situé sur le territoire des communes de Pommeret et de Coëtmieux.

Par un jugement no 1803664 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2020, M. C..., représenté par la SELARL Stratéys, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a imposé des prescriptions complémentaires relatives au droit d'eau du moulin de Sainte-Anne ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'aucun avis d'audience ne lui a été notifié, pas plus qu'à son avocat, ce qui les a empêchés de se présenter à l'audience pour faire valoir leurs observations ;

- l'arrêté contesté est insuffisamment motivé quant à sa base légale ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur de fait et d'une erreur d'appréciation en ce qui concerne l'existence d'une modification de la consistance légale de l'installation, la longueur du déversoir, le risque d'inondation et la nécessité de réglementer le droit d'eau du moulin de Sainte-Anne.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2021, la ministre de la transition écologique conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bréchot,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Bourdais, représentant M. C....

Considérant ce qui suit :

1. M. C... est propriétaire du moulin de Sainte-Anne des Ponts-Garniers, situé sur le territoire des communes de Pommeret et Coëtmieux (Côtes-d'Armor). Ce moulin, représenté sur la carte de Cassini, est alimenté en eau par une dérivation du cours de l'Evron, affluent du Gouessant, et dispose d'un droit de prise d'eau fondé en titre. À la suite d'une plainte d'un propriétaire riverain de la retenue d'eau, ce moulin a fait l'objet d'un arrêté du préfet des Côtes-du-Nord du 14 août 1873 faisant injonction à son propriétaire de conserver " dans l'état actuel la crête du déversoir, sans qu'il puisse y faire aucun travail de nature à exhausser la retenue du dit moulin ", " en attendant que le propriétaire de l'usine en ait demandé la réglementation ". Par arrêté du 15 mai 2018, le préfet des Côtes-d'Armor a notifié à M. C... des prescriptions complémentaires portant sur le droit d'eau du moulin de Sainte-Anne, impliquant notamment que son propriétaire procède à la suppression de la rehausse du déversoir et à la mise en conformité du bras de contournement aménagé en rive droite du déversoir pour assurer la franchissabilité de l'ouvrage par les poissons. M. C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de cet arrêté préfectoral du 15 mai 2018.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. / (...). / L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. (...) " . Aux termes de l'article R. 431-1 du même code : " Lorsqu'une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2, les actes de procédure, à l'exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu'à l'égard de ce mandataire ".

3. Il ne ressort pas des pièces du dossier du tribunal administratif de Rennes que le mandataire de M. C... ait été convoqué à l'audience du 3 septembre 2020 dans les conditions prévues par les dispositions rappelées ci-dessus du code de justice administrative, ni que M. C... ait été présent ou représenté à cette audience. Il est, par suite, fondé à soutenir que le jugement attaqué a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

4. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 15 mai 2018 du préfet des Côtes-d'Armor :

5. Aux termes de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. " Aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " I. - Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / Cette autorisation est l'autorisation environnementale régie par les dispositions du chapitre unique du titre VIII du livre Ier, sans préjudice de l'application des dispositions du présent titre. / II. - Sont soumis à déclaration les installations, ouvrages, travaux et activités qui, n'étant pas susceptibles de présenter de tels dangers, doivent néanmoins respecter les prescriptions édictées en application des articles L. 211-2 et L. 211-3. / (...) ". Aux termes de l'article L. 214-4 du même code : " (...) / II. - L'autorisation peut être abrogée ou modifiée, sans indemnité de la part de l'État exerçant ses pouvoirs de police, dans les cas suivants : / (...) / 2° Pour prévenir ou faire cesser les inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique ; / (...) / III. - Tout refus, abrogation ou modification d'autorisation doit être motivé auprès du demandeur. / (...) ".

6. Selon le II de l'article L. 214-6 du même code : " Les installations, ouvrages et activités déclarés ou autorisés en application d'une législation ou réglementation relative à l'eau antérieure au 4 janvier 1992 sont réputés déclarés ou autorisés en application des dispositions de la présente section. Il en est de même des installations et ouvrages fondés en titre ". Selon le VI de ce même article : " Les installations, ouvrages et activités visés par les II, III et IV sont soumis aux dispositions de la présente section. "

7. Enfin, aux termes de l'article L. 214-10 du même code, dans sa version issue de l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 : " Les décisions prises en application des articles L. 214-1 à L. 214-6 et L. 214-8 peuvent être déférées à la juridiction administrative dans les conditions prévues aux articles L. 181-17 à L. 181-18 ". En vertu de l'article L. 181-17 du même code, ces décisions sont soumises à un contentieux de pleine juridiction.

En ce qui concerne la légalité externe :

8. En premier lieu, M. B... A..., sous-préfet, directeur de cabinet, a reçu, par arrêté préfectoral du 11 décembre 2017, régulièrement publié, délégation de signature aux fins de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de la secrétaire générale de la préfecture, tous actes relevant des attributions du préfet, à l'exception de certains d'entre eux au nombre desquels ne figure pas l'arrêté litigieux. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la secrétaire générale de la préfecture n'ait pas été absente ou empêchée à la date du 15 mai 2018. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cet arrêté doit être écarté.

9. En second lieu, l'arrêté préfectoral litigieux comporte les considérations de fait qui le fondent. S'il est vrai que cet arrêté vise le code de l'environnement, sans préciser les articles de ce code sur lequel il se fonde, notamment ses articles L. 214-1 à L. 214-6, il résulte de l'instruction que ces articles, ainsi que d'autres dispositions applicables du code de l'environnement, étaient visés dans le projet d'arrêté qui avait été transmis au requérant, le 8 décembre 2017, par lettre recommandée avec accusé de réception. Dans ces circonstances et compte-tenu des multiples échanges intervenus depuis 2015 entre les services préfectoraux et M. C..., les éléments qui lui avaient été transmis précédemment lui permettaient de connaître les considérations de droit qui ont fondé l'arrêté contesté. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cet arrêté doit être écarté.

En ce qui concerne la légalité interne :

10. Il résulte de l'instruction que le moulin de Sainte-Anne des Ponts-Garniers, dont il est constant qu'il est fondé en titre, est alimenté par un canal d'amenée (bief) situé au sud, d'une longueur d'environ 960 mètres et bordé par une digue sur son côté est parallèle au cours de l'Evron. Les eaux de ce cours d'eau sont dérivées au moyen d'un déversoir en béton aménagé en amont du bief. M. C... soutient que le propriétaire précédent a creusé dans le déversoir, long de 9,30 mètres, une échancrure d'environ 8,50 mètres de long et 45 centimètres de profondeur, au sein de laquelle ont été scellées des glissières ou encoches sur le sens de la hauteur, destinées à recevoir des planches (" rehausse "), afin de réguler à la baisse ou à la hausse le niveau dans le bief en fonction des phénomènes de crue.

11. Par l'arrêté contesté du 15 mai 2018, le préfet des Côtes-d'Armor a reconnu fondé en titre le moulin de Sainte-Anne, au titre des rubriques 3.1.1.0, 3.1.2.0 et 1.2.1.0 de l'article R. 214-1 du code de l'environnement, dans la limite de la consistance légale définie au regard, d'une part, d'une prise d'eau ayant pour caractéristiques une cote de la crête de 42,58 mètres NGF, une longueur de 8,3 mètres, une largeur de 5,3 mètres et une pente de 10 %, d'autre part, d'un bras de contournement aménagé en rive droite du déversoir pour assurer la franchissabilité de l'ouvrage par les poissons et constitué de trois ouvrages successifs en béton et planches, équipés chacun, en partie supérieure, d'une échancrure rectangulaire permettant à la fois de faciliter le passage des poissons, d'assurer l'écoulement du débit réservé et d'en permettre le contrôle, et, enfin, d'ouvrages de régulation constitués d'une vanne et d'un seuil déversoir situés en rive droite du bief en amont immédiat de la vanne usinière. Cet arrêté interdit en outre toute rehausse du déversoir et fait obligation à M. C... de retirer la rehausse en place avant le 31 août 2018.

12. En premier lieu, l'autorisation délivrée au titre de la police de l'eau, de même que les droits fondés en titre en vertu du VI de l'article L. 214-6 du code de l'environnement, peuvent, sur le fondement des dispositions précités du II de l'article L. 214-4 du même code, être abrogés ou modifiés, sans indemnité de la part de l'État exerçant ses pouvoirs de police, pour prévenir ou faire cesser les inondations ou en cas de menace pour la sécurité publique.

13. Or, en l'espèce, il résulte de l'instruction, notamment d'un rapport rédigé le 1er juin 2017 par le chef du service départemental de l'Agence française pour la biodiversité à la suite de plusieurs constats réalisés entre 2015 et 2017, ainsi que des constats réalisés par les agents de la direction départementale des territoires et de la mer des Côtes-d'Armor entre 2016 et 2018, qui ne sont pas sérieusement contredits par le constat d'huissier effectué le 29 mars 2016 à la demande de M. C..., que la rehausse de 45 cm, constituée de planches installées sur la crête du déversoir du moulin, a pour effet de relever d'autant la cote de la ligne d'eau, avec un impact sur la ligne d'eau en amont (remous) d'environ 1 100 mètres, au lieu de 650 mètres environ en l'absence de la rehausse. Cette dernière réduit considérablement la capacité d'évacuation de l'ouvrage, avec un risque de débordement du cours d'eau pour des débits relativement faibles, qui est évité par l'ouverture de la vanne de décharge qui devrait pourtant être fermée en dehors des périodes de crue. Par ailleurs, le relèvement de la cote de la ligne d'eau provoqué par la rehausse limite les capacités d'évacuation du passage busé sous la route communale, amplifiant le risque d'inondation de celle-ci. Il a également pour effet d'augmenter le niveau de la nappe d'accompagnement du cours d'eau ainsi que d'empêcher le fonctionnement d'un drain agricole, provoquant l'ennoiement des parties basses de parcelles agricoles riveraines en rives droite et gauche de l'Evron, y compris pour des débits faibles ou moyens. Par conséquent, le préfet des Côtes-d'Armor ne s'est pas fondé sur des faits matériellement inexacts et n'a pas fait une inexacte application des dispositions du II de l'article L. 214-4 du code de l'environnement en estimant qu'il était nécessaire, afin de prévenir et faire cesser le risque d'inondation, de réglementer le droit d'eau du moulin de Sainte-Anne ainsi que d'ordonner la suppression de la rehausse du déversoir.

14. En second lieu, il résulte du point précédent que le préfet des Côtes-d'Armor a pu légalement, au titre de ses pouvoirs de police afin de prévenir et de faire cesser les inondations, ordonner à M. C... de supprimer la rehausse du déversoir de son moulin. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet des Côtes-d'Armor se serait fondé sur des faits matériellement inexacts en ce qui concerne la consistance légale de l'installation fondée en titre et aurait inexactement qualifié cette consistance légale est, en tout état de cause, insusceptible de justifier l'annulation de l'arrêté contesté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2018 par lequel le préfet des Côtes-d'Armor a imposé des prescriptions complémentaires relatives au droit d'eau du moulin de Sainte-Anne des Ponts-Garniers.

Sur les frais liés au litige :

16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. C... demande au titre des frais exposés par lui à l'occasion du litige soumis au juge.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 17 septembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Rennes est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. C... présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la ministre de la transition écologique.

Copie en sera adressée, pour information, au préfet des Côtes-d'Armor.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Bréchot, premier conseiller,

- Mme Bougrine, première conseillère

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2022.

Le rapporteur,

F.-X. BréchotLa présidente,

H. Douet

La greffière,

K. Bouron

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique en ce qui la concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 20NT03567


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03567
Date de la décision : 25/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DOUET
Rapporteur ?: M. François-Xavier BRECHOT
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : STRATEYS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-25;20nt03567 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award