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25/02/2022 | FRANCE | N°18NT02978

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 25 février 2022, 18NT02978


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions par lesquelles le maire de Bénouville et le préfet du Calvados ont, respectivement, implicitement rejeté sa demande tendant à l'établissement de procès-verbaux d'infraction aux législations de l'urbanisme et de l'environnement pour les faits qu'elle a portés à leur connaissance et relatifs à divers travaux réalisés sur des parcelles voisines de sa propriété.

Par un jugement n° 1700439 du 31 mai 2018, le tribun

al administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme G... B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions par lesquelles le maire de Bénouville et le préfet du Calvados ont, respectivement, implicitement rejeté sa demande tendant à l'établissement de procès-verbaux d'infraction aux législations de l'urbanisme et de l'environnement pour les faits qu'elle a portés à leur connaissance et relatifs à divers travaux réalisés sur des parcelles voisines de sa propriété.

Par un jugement n° 1700439 du 31 mai 2018, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 1er août 2018, le 14 juillet 2019, le 12 août 2019, le 10 janvier 2020, le 5 mars 2020 ainsi qu'un mémoire récapitulatif, demandé par la cour sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative et enregistré le 7 mai 2020, Mme B..., représentée par Me Tasciyan puis par Me Gally, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 31 mai 2018 ;

2°) d'ordonner, avant-dire droit, d'une part, la production du rapport de la direction départementale des territoires et de la mer de 2014 et, d'autre part, une expertise aux fins d'établir l'existence d'une infraction ;

3°) d'annuler les décisions contestées ;

4°) d'enjoindre au préfet du Calvados et au maire de Bénouville de dresser un procès-verbal pour les différentes infractions constatées relatives au droit de l'urbanisme et au droit de l'environnement et de transmettre la copie de ce procès-verbal au procureur de la République ;

5°) de mettre à la charge du préfet du Calvados, de la commune de Bénouville et de M. et Mme F... une somme de 3 000 euros chacun sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient, dans l'état récapitulé de ses écritures, que :

- en s'abstenant de diligenter une expertise afin de déterminer si les travaux avaient été réalisés sur une superficie d'au moins cent mètres carrés et sur une hauteur de deux mètres alors qu'il ne lui était pas possible d'apporter cette preuve, le tribunal a méconnu sa mission juridictionnelle ;

- en s'abstenant d'apporter une motivation propre en réponse au moyen tiré de la méconnaissance des articles N1 et N2 du règlement du plan local d'urbanisme, le tribunal n'a pas satisfait aux exigences de l'article L. 9 du code de justice administrative ;

- en se fondant sur le rapport du GRAPE, le tribunal a fait preuve de partialité ;

- avant les travaux réalisés par les époux F... et Mme C..., il existait un cours d'eau au sens de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement de sorte que les travaux entrepris ne pouvaient être réalisés sans autorisation en application de l'article L. 214-1 du code de l'environnement ;

- les avis et rapports des services de l'Etat sont irréguliers et ne peuvent être pris en compte ;

- subsidiairement, l'espace en question doit être regardé comme un fossé évacuateur dont la destruction partielle ou totale est passible, en application de l'article R. 216-13 du code de l'environnement, d'une amende ;

- les travaux réalisés par les époux F... et Mme C... en méconnaissance de l'article R. 421-3 du code de l'urbanisme et de l'article N1 du règlement du plan local d'urbanisme sont constitutifs d'une infraction aux règles d'urbanisme que l'administration avait l'obligation de constater.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2019, le ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés le 18 septembre 2018 et le 27 février 2020 ainsi qu'un mémoire récapitulatif, demandé par la cour sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative et enregistré le 27 mars 2020, la commune de Bénouville, représentée par Me Labrusse, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante du versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- le moyen tiré de l'irrégularité des avis émis par les services de la direction départementale des territoires et de la mer, faute d'établir que les agents s'étant rendus sur les lieux en 2016 étaient assermentés et commissionnés, est inopérant ;

- la requérante n'établit pas que les faits en cause, à les supposer constitutifs d'une infraction, n'étaient pas prescrits ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés le 6 décembre 2018, le 14 octobre 2019 et le 27 février 2020 ainsi qu'un mémoire récapitulatif, demandé par la cour sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative et enregistré le 19 mars 2020, M. et Mme F..., représentés par Me Hourmant, concluent au rejet de la requête et à la mise à la charge de la requérante du versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils font valoir que :

- le moyen tiré de l'irrégularité des avis émis par les services de la direction départementale des territoires et de la mer, faute d'établir que les agents s'étant rendus sur les lieux en 2016 étaient assermentés et commissionnés, est inopérant ;

- la requérante n'établit pas que les faits n'étaient pas prescrits ;

- les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bougrine,

- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,

- les observations de Me Krovnikoff, substituant Me Gally et représentant Mme B..., les observations de Me Hourmant représentant M. et Mme F... et les observations de Me Le Brouder, substituant Me Labrusse et représentant la commune de Bénouville.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., résidant à Blainville-sur-Orne (Calvados), a saisi, d'une part, le maire de Bénouville et, d'autre part, le préfet du Calvados de demandes tendant notamment à l'établissement de procès-verbaux d'infraction aux législations de l'urbanisme et de l'environnement à raison de travaux de comblement réalisés sur une partie de la dépression du sol située en contrebas de sa propriété et bordant plusieurs autres propriétés jusqu'à Bénouville. Des décisions implicites de rejet sont nées du silence conservé sur ces demandes reçues le 15 novembre 2016. Mme B... relève appel du jugement du 31 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions implicites de rejet.

Sur les fins de non-recevoir opposées à la demande :

2. En premier lieu, les travaux que Mme B... estime constitutifs d'infractions à la législation de l'urbanisme et de l'environnement concernent un écoulement d'eau qui s'étend en bordure de sa propriété. Elle indique qu'il est fait obstacle au libre écoulement des eaux et fait état de nuisances notamment olfactives. Elle justifie, dans ces conditions, d'un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les décisions rejetant ses demandes aux fins d'établissement de procès-verbaux d'infraction aux législations de l'urbanisme et de l'environnement.

3. En deuxième lieu, aux termes du troisième alinéa de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. ". Aux termes de l'article L. 172-16 du code de l'environnement : " Les infractions aux dispositions du présent code et des textes pris pour son application sont constatées par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve contraire. ". Il résulte de l'article L. 172-1 du même code que les inspecteurs de l'environnement sont habilités à rechercher et à constater les infractions aux dispositions du ce code et des textes pris pour son application.

4. La circonstance que Mme B... ait déposé une plainte auprès de la gendarmerie de Ouistreham ne saurait la priver du droit de contester devant le juge administratif les refus des autorités administratives compétentes de dresser des procès-verbaux d'infraction aux législations de l'urbanisme et de l'environnement.

5. En troisième lieu, il ressort du dossier de procédure que la transmission, au moyen de l'application Télérecours, des pièces que Mme B... a jointes à sa demande de première instance était conforme aux prescriptions de l'article R. 414-3 du code de justice administrative.

6. En quatrième lieu, la demande du 14 novembre 2016 que Mme B... a adressée au maire de Bénouville tendait à ce que celui-ci mette en œuvre les pouvoirs qui sont les siens en vue de " remettre ces terrains à l'état naturel ", en présence de " infractions au PLU et au PPRI ", résultant notamment des " exhaussements et comblements réalisés par ces trois propriétaires ". Dans ces conditions, la commune de Bénouville n'est pas fondée à soutenir que son maire n'aurait pas été saisi d'une demande relative aux travaux discutés en cause d'appel.

7. En dernier lieu, la circonstance que les infractions dont Mme B... a demandé la constatation par procès-verbal seraient prescrites n'a pas pour effet de rendre irrecevable son recours tendant à l'annulation des refus opposés à sa demande.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne l'infraction prévue par l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme :

8. Aux termes de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d'amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé. / Les peines prévues à l'alinéa précédent peuvent être prononcées contre les utilisateurs du sol, les bénéficiaires des travaux, les architectes, les entrepreneurs ou autres personnes responsables de l'exécution desdits travaux. / (...) ". Il résulte des dispositions de l'article L. 480-1 de ce code, citées au point 3, que le maire, agissant au nom de l'Etat en sa qualité d'auxiliaire de l'autorité judiciaire, qui a connaissance d'une des infractions prévues à l'article L. 480-4 et à l'article L. 610-1 est tenu d'en dresser procès-verbal, dont copie est adressée au ministère public.

9. Aux termes de l'article 8 du code de procédure pénale dans sa version applicable du 6 août 2014 au 1er mars 2017: " En matière de délit, la prescription de l'action publique est de trois années révolues (...) ". La prescription de l'action publique ôte aux faits poursuivis tout caractère délictueux. Dans cette hypothèse, l'autorité administrative n'est pas tenue, en raison de l'expiration du délai de prescription, de dresser un procès-verbal d'infraction et de le transmettre au ministère public. En matière de délit de travaux de construction réalisés sans autorisation ou en méconnaissance des dispositions d'un plan local d'urbanisme, la prescription de l'action publique court à compter de la date à laquelle les travaux sont achevés.

10. Il résulte des dispositions du f de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme que, à moins qu'ils ne soient nécessaires à l'exécution d'un permis de construire, les exhaussements du sol dont la hauteur excède deux mètres et qui portent sur une superficie supérieure ou égale à cent mètres carrés doivent être précédés d'une déclaration préalable.

11. Il ressort des pièces du dossier que des parcelles bâties, situées du côté impair de la rue du Parc à Blainville-sur-Orne et Bénouville, sont bordées au sud par le lit d'un écoulement d'eau. Une portion de celui-ci a été comblée dans les années 1980 - 1990 concomitamment à des dépôts de gravats et de remblais sur les terrains situés, en contrebas, au sud de l'écoulement. Le 1er décembre 1993, une partie de ces terrains (parcelles cadastrées A 918 et A 984) a été acquise par M. et Mme F..., lesquels sont également devenus propriétaires, en 2013, d'une partie du terrain alors cadastré n° 898.

12. D'une part, M. et Mme F... ont indiqué, dans leurs écritures de première instance, avoir comblé un fossé et aménagé un " espace [...] de 120 mètres de long sur 10 ou 15 mètres de largeur sur 1 mètre de profondeur " destiné à recueillir les eaux de pluie et de ruissellement. Ces travaux de remblaiement d'une partie du lit de l'écoulement d'eau mentionné au point précédent doivent être regardés comme des exhaussements du sol au sens des dispositions du f de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme.

13. D'autre part, si, par une note du 18 février 2014, les services de la direction départementale des territoires et de la mer ont indiqué que les deux conditions posées par les dispositions du f de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme n'étaient pas remplies, cette pièce ne rend pas compte des travaux réalisés postérieurement, notamment pas de ceux illustrés par les clichés photographiques versés au débats par la requérante et correspondant, sans que cela ne soit sérieusement contredit, à l'état du terrain au droit de la propriété des époux D... en 2015 et de celle de Mmes E... et A... en 2016. Il résulte de ce qui a été dit au point 12 que les travaux litigieux ont porté sur une superficie d'au moins 100 mètres carrés. Alors que Mme B... apporte de nombreux éléments de nature à rendre compte de l'ampleur des travaux, les époux F... ne produisent aucun élément de nature à éclairer la cour quant à la consistance de ces travaux. En outre, si la commune de Bénouville fait valoir, en s'appuyant sur deux photographies datées de 2013 et 2017 sur lesquelles apparait un même escalier, que " Le comblement correspond à 2 ou 3 marches au maximum soit une hauteur d'environ 50 cm, étant précisé que la profondeur du fossé n'excède pas elle-même une trentaine de centimètres ", sa démonstration ne saurait prospérer faute d'établir que le niveau de l'eau apparaissant sur la photographie de 2013 se situait effectivement à 30 centimètres du fond du lit. De même, la commune n'étaye pas son affirmation selon laquelle une réunion tenue en mairie, en 2016, a permis de relever que les travaux les plus récents étaient " minimes ". Les pièces du dossier sont suffisamment précises et concordantes pour considérer que les exhaussements litigieux présentaient une hauteur excédant deux mètres, portaient sur une superficie supérieure à cent mètres carrés et étaient, par suite, au nombre des travaux soumis à déclaration préalable en application de l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme. Il est constant qu'une telle déclaration n'a pas été déposée.

14. Enfin, Mme B... soutient que les travaux de comblement ont été poursuivis jusqu'en 2016. Le rapport établi par l'ANPER le 20 avril 2017 expose que lors d'une visite réalisée en septembre 2016, l'existence de remblais de moins de six mois déposés sur des remblais plus anciens a été constatée. Des attestations de voisins font état de travaux exécutés en 2016. Si tant les époux F... que la commune de Bénouville font valoir que la requérante ne rapporte pas la preuve que la prescription n'est pas acquise, ils n'apportent, quant à eux, aucun élément sérieux de nature à établir qu'à la date à laquelle sont nées les décisions implicites de rejet en litige, ces travaux étaient achevés depuis plus de trois ans. Ils ne sont ainsi pas fondés à soutenir que l'action publique serait prescrite en application de l'article 8 du code de procédure pénale.

15. Il suit de là que les décisions implicites du maire de Bénouville, agissant en qualité d'autorité de l'Etat, et du préfet du Calvados ont entachées d'illégalité en tant qu'elles refusent de constater l'infraction aux règles d'urbanisme. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature à entraîner l'annulation de ces décisions en tant qu'elles interviennent en matière d'urbanisme.

En ce qui concerne l'infraction prévue par l'article L. 173-1 du code de l'environnement :

16. Aux termes des dispositions du I de l'article L. 214-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions des articles L. 214-2 à L. 214-6 les installations, les ouvrages, travaux et activités réalisés à des fins non domestiques par toute personne physique ou morale, publique ou privée, et entraînant des prélèvements sur les eaux superficielles ou souterraines, restitués ou non, une modification du niveau ou du mode d'écoulement des eaux, la destruction de frayères, de zones de croissance ou d'alimentation de la faune piscicole ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants. ". Aux termes de l'article L. 214-3 du même code : " I.-Sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles. / (...) ". Il résulte des dispositions de l'article R. 214-1 de ce code que sont soumis à autorisation ou déclaration les remblais réalisés dans le lit mineur d'un cours d'eau constituant un obstacle à l'écoulement des crues. Aux termes de l'article L. 173-1 : " I.-Est puni d'un an d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende le fait, sans l'autorisation, (...) mentionnés aux articles L. 214-3, (...) exigé pour un acte, une activité, une opération, une installation ou un ouvrage, de : / 1° Commettre cet acte ou exercer cette activité ; / 2° Conduire ou effectuer cette opération ; / (...) ".

17. Aux termes de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement : " Constitue un cours d'eau un écoulement d'eaux courantes dans un lit naturel à l'origine, alimenté par une source et présentant un débit suffisant la majeure partie de l'année. / L'écoulement peut ne pas être permanent compte tenu des conditions hydrologiques et géologiques locales. ".

18. Mme B... soutient, à titre principal, que les travaux litigieux ont porté sur un " ruisseau " qui constitue un cours d'eau au sens des dispositions précitées. Toutefois, il ressort du courrier qui lui a été adressé le 19 septembre 2016 par les services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement que l'écoulement n'est pas alimenté par une source, que son tracé est rectiligne et que, eu égard à la topographie, son lit n'est pas naturel. Par ailleurs, la note du GRAPE fait état d'un " fossé de fond de ligne creusé par l'homme ". Le courrier que le directeur départemental de l'agriculture et de la forêt a adressé au maire de Bénouville en 1992 évoque également un " fossé de ligne ". Ni le courrier du 8 février 2018 par lequel la présidente du CREPAN a indiqué que le " ruisseau coulant dans le parc du château de Bénouville qui semble bien en continuité du point de vue situation avec la masse d'eau observée ", ni la circonstance que plusieurs documents notariés, plans de bornage et témoignages évoquent un " ruisseau ", ni encore les constats d'huissiers produits par la requérante, ne permettent de démontrer que l'écoulement d'eau sur lequel ont porté les travaux serait un cours d'eau au sens des dispositions de l'article L. 215-7-1 du code de l'environnement. Par suite, le moyen tiré de ce que ces travaux ont été irrégulièrement entrepris sans l'autorisation visée à l'article L. 214-3 du code de l'environnement doit être écarté comme inopérant.

En ce qui concerne l'infraction prévue par l'article R. 216-13 du code de l'environnement :

19. Aux termes de l'article R. 216-13 du code de l'environnement : " Est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 5e classe le fait : / 1° De détruire totalement ou partiellement des conduites d'eau ou fossés évacuateurs ; / 2° D'apporter volontairement tout obstacle au libre écoulement des eaux. ".

20. Les époux F... et la commune de Bénouville ne contestent pas sérieusement que le lit de l'écoulement d'eau en litige constitue un fossé évacuateur, qualification d'ailleurs retenue par les services de la direction départementale des territoires et de la mer en 2016. Les travaux de comblement réalisés par M. F... ont eu pour effet de le détruire partiellement, quand bien même le libre écoulement des eaux n'aurait pas été compromis. Partant, c'est à tort que le préfet du Calvados a refusé de constater cette infraction visée à l'article R. 216-13 du code de l'environnement.

21. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête relatifs à la régularité du jugement attaqué ni d'ordonner les mesures d'instruction sollicitées, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite du préfet du Calvados et, en tant qu'elle porte sur les infractions prévues par le code de l'urbanisme, la décision implicite du maire de Bénouville.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

22. Il résulte de l'article 8 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue de la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, que l'action publique des délits se prescrit par six années révolues à compter du jour où l'infraction a été commise. Aux termes de l'article 112-2 du code pénal : " Sont applicables immédiatement à la répression des infractions commises avant leur entrée en vigueur : / (...) / 4° Lorsque les prescriptions ne sont pas acquises, les lois relatives à la prescription de l'action publique (...) ".

23. Le fait d'exécuter des travaux sans la déclaration préalable exigée par le code de l'urbanisme constitue un délit qui se perpétue jusqu'à l'achèvement de ces travaux. En l'espèce, ainsi qu'il a été dit précédemment, les travaux litigieux doivent être regardés comme s'étant poursuivis jusqu'en 2016 et n'étaient ainsi pas prescrits à la date de l'entrée en vigueur de la loi du 27 février 2017. Le délai de prescription de six ans leur est ainsi applicable. A la date du présent arrêt, ce délai n'est pas expiré. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au maire de Bénouville ou, en cas de carence de ce dernier, au préfet du Calvados de faire dresser un procès-verbal de l'infraction commise par M. F... et d'en adresser une copie au ministère public, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

24. En revanche, l'action publique des contraventions se prescrit, en vertu de l'article 9 du code de procédure pénale, par une année révolue à compter du jour où l'infraction a été commise. A la date de la présente décision, ce délai de prescription est expiré. Dès lors, il n'y a pas lieu d'enjoindre aux services de l'Etat de dresser un procès-verbal constatant l'infraction prévue à l'article R. 216-13 du code de l'environnement.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de Mme B..., laquelle n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à la commune de Bénouville et à M. et Mme F... de sommes au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la requérante présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La décision implicite du préfet du Calvados ainsi que, en tant qu'elle porte sur la législation de l'urbanisme, la décision implicite du maire de Bénouville sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint au maire de Bénouville et, en cas de carence de ce dernier, au préfet du Calvados de faire dresser un procès-verbal de l'infraction, prévue à l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, commise par M. F... et d'en adresser une copie au ministère public, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 31 mai 2018 est annulé en ce qu'il a de contraire aux articles 1 et 2 du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête ainsi que les conclusions présentées par la commune de Bénouville et par M. et Mme F... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., à la ministre de la transition écologique, à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, à la commune de Bénouville et à M. et Mme F....

Une copie sera adressée au préfet du Calvados et à la commune de Blainville-sur-Orne.

Délibéré après l'audience du 8 février 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Douet, présidente de la formation de jugement,

- M. Bréchot, premier conseiller,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 25 février 2022.

La rapporteure,

K. BOUGRINE

La présidente,

H. DOUET

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales en ce qui les concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT02978


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT02978
Date de la décision : 25/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : HOURMANT

Origine de la décision
Date de l'import : 08/03/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-25;18nt02978 ?
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