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15/02/2022 | FRANCE | N°21NT00343

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 15 février 2022, 21NT00343


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours, dirigé contre la décision du 20 juin 2019 de l'ambassade de France en République démocratique du Congo lui refusant la délivrance d'un visa dit " de retour " sur le territoire français, et de condamner l'État à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime a

voir subi du fait de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement n°2002...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours, dirigé contre la décision du 20 juin 2019 de l'ambassade de France en République démocratique du Congo lui refusant la délivrance d'un visa dit " de retour " sur le territoire français, et de condamner l'État à lui verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette décision.

Par un jugement n°2002567 du 7 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 février 2021, M. A... B..., représenté par Me Embe Nkulufa, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 décembre 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté son recours contre la décision du 20 juin 2019 de l'ambassade de France en République démocratique du Congo lui refusant la délivrance d'un visa dit " de retour " sur le territoire français, ainsi que cette décision consulaire ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'État à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il a bénéficié d'une carte de résident en France ; il a été arbitrairement détenu en République démocratique du Congo ; son titre de séjour français a expiré au cours de son incarcération ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qu'il ne présente aucune menace pour l'ordre public ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le préjudice qu'il a subi du fait de la décision contestée doit être évalué à la somme de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par M. B... n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Frank a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., est un ressortissant congolais, né le 5 mai 1971. Il a sollicité auprès des autorités consulaires françaises à Kinshasa (République démocratique du Congo) un visa de long séjour dit " de retour " en France. Par une décision du 20 juin 2019, ces autorités ont refusé de délivrer le visa sollicité. La commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours formé contre cette décision consulaire. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision de la commission de recours et de condamner l'Etat à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi. Par un jugement du 7 décembre 2020, le tribunal administratif a rejeté sa demande. M. B... relève appel de ce jugement.

Sur la légalité de la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France :

2. En premier lieu, en vertu des dispositions de l'article D. 211-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, prise sur recours préalable obligatoire, s'est substituée à la décision consulaire du 20 juin 2019. Il suit de là que les conclusions à fin d'annulation de M. A... B... doivent être regardées comme étant dirigées contre les seules décisions de la commission de recours.

3. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment du mémoire en défense du ministre en première instance, que pour refuser de délivrer le visa sollicité dit " de retour ", la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur le motif tiré de ce que M. B... ne disposait pas d'un droit au séjour à la date de sa demande.

4. Aux termes de l'article L. 211-1 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : / 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...). Aux termes de l'article L. 211-2-2 du même code, alors en vigueur : " Un visa de retour est délivré par les autorités consulaires françaises à la personne de nationalité étrangère bénéficiant d'un titre de séjour en France en vertu des articles L. 313-11 ou L. 431-2 dont le conjoint a, lors d'un séjour à l'étranger, dérobé les documents d'identité et le titre de séjour ". Il résulte de ces dispositions qu'un étranger titulaire d'un titre l'autorisant à séjourner en France peut quitter le territoire national et y revenir, tant que ce titre n'est pas expiré, en se voyant délivrer un " visa de retour ", lequel présente le caractère d'une information destinée à faciliter les formalités à la frontière.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a été titulaire, en France, d'une carte de résident valable jusqu'au 12 février 2019. Le 27 décembre 2017, M. B... a quitté le territoire français pour se rendre en République démocratique du Congo. Par suite, à la date du 27 août 2019 du dépôt de sa demande de visa dit " de retour ", M. B... ne disposait plus d'un titre de séjour. Dans ces conditions, et en dépit de ce qu'il aurait été incarcéré au motif de sa participation à un mouvement insurrectionnel le 12 janvier 2018 et aurait été libéré le 29 mai 2019, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ne pouvait légalement lui refuser un visa dit " de retour " en France au regard des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

7. En l'espèce, si M. B... soutient qu'il a occupé un emploi d'aide-soignant en France, où résident plusieurs membres de sa famille, dont ses enfants, il n'apporte aucun élément circonstancié permettant de justifier d'une part de la durée de son séjour en France, compte tenu notamment de ses nombreux voyages dans son pays d'origine, et d'autre part de l'intensité de ses liens familiaux. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a été l'auteur de violences conjugales et a été condamné le 16 janvier 2013 par la cour d'appel de Paris, pour ce motif, à une peine de trois ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis. Dans ces conditions, et eu égard à la menace pour l'ordre public que constituerait la présence en France de l'intéressé ainsi qu'à la nature et à l'objet de la décision contestée, doivent être écartés tant le moyen tiré de l'erreur d'appréciation quant à la gravité de la menace pour l'ordre public que celui tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. En quatrième et dernier lieu, si le requérant soutient qu'il est le père de quatre enfants mineurs résidant sur le territoire français, il n'apporte aucun élément circonstancié permettant de justifier de l'intensité des liens qu'il entretient avec eux, et n'établit pas ni même n'allègue participer à leur entretien ou à leur éducation. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.

Sur les conclusions indemnitaires :

9. Ainsi qu'il a été dit aux points 2 à 7, M. B... n'établit pas l'existence d'une illégalité de nature à fonder l'annulation de la décision contestée. Par suite, et en tout état de cause, en l'absence de faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, les conclusions tendant à la condamnation de celui-ci à indemniser le préjudice subi du fait de cette décision ne peuvent qu'être rejetées.

10. Il résulte de tout ce qui précède que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées par voie de conséquence les conclusions à fin d'injonction présentées par le requérant, ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 15 février 2022.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

No 21NT00343


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00343
Date de la décision : 15/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : EMBE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-15;21nt00343 ?
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