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15/02/2022 | FRANCE | N°21NT00203

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 15 février 2022, 21NT00203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme E... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, formé le 10 octobre 2019 contre la décision du 27 août 2019 de l'autorité consulaire française à Tunis refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2002776 du 24 septembre

2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme E... D... épouse C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours, formé le 10 octobre 2019 contre la décision du 27 août 2019 de l'autorité consulaire française à Tunis refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2002776 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 janvier et 11 mars 2021, M. A... C... et Mme E... D... épouse C..., représentés par Me Renard, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler la décision implicite de la commission de recours ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer le visa sollicité dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement, de réexaminer la demande dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le versement à leur conseil de la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. C... et Mme D... épouse C... soutiennent que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il n'a pas répondu à leur moyens ;

- la décision contestée est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'existence d'une fraude et de l'absence d'intention matrimoniale ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- M. C... ne représente pas une menace à l'ordre public.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ;

- à supposer que le motif de l'absence d'intention matrimoniale soit écarté, il sollicite que soit substitué à ce motif celui tiré de ce que la présence de M. C... en France représente une menace à l'ordre public.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 novembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Buffet,

- et les observations de Me Lejosne, substituant Me Renard, pour M. C... et Mme D... épouse C....

Considérant ce qui suit :

1. Par un jugement du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande de M. C... et de Mme D... épouse C... tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté leur recours formé le 10 octobre 2019 contre la décision du 27 août 2019 de l'autorité consulaire française à Tunis refusant de délivrer à M. C... un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française. M. C... et de Mme D... épouse C... relèvent appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal administratif de Nantes a répondu de façon très circonstanciée aux moyens qu'ils ont soulevés, notamment, à celui tiré de ce que la commission de recours aurait commis une erreur d'appréciation en estimant que leur mariage a été contracté à des fins étrangères à l'union matrimoniale et dans le seul but de permettre à M. C... de s'établir en France. Par suite, le jugement attaqué n'est pas entaché d'irrégularité sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. Le visa de long séjour est délivré de plein droit au conjoint de Français qui remplit les conditions prévues au présent article (...) ".

4. Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français dont le mariage n'a pas été contesté par l'autorité judiciaire le visa nécessaire pour que les époux puissent mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie. Par ailleurs, des circonstances particulières tenant à des motifs tirés de la nécessité de préserver l'ordre public peuvent être de nature à justifier légalement un refus de visa.

5. M. C... et Mme D... épouse C... déclarent s'être rencontrés à la fin de l'année 2013 à Vitry-sur-Seine. Toutefois il ressort des pièces du dossier que M. C..., de nationalité tunisienne, entré sur le territoire français en 2011 où il a séjourné de façon irrégulière sous une fausse identité, a déclaré, à la suite de son interpellation le 3 juin 2015, pour travail sans autorisation préalable, vivre en concubinage avec une autre ressortissante française, Mme B.... Il a d'ailleurs fait l'objet d'une interpellation, le 1er novembre 2015, pour des faits de violence sur sa compagne handicapée à 80 %. En outre aucun élément versé au dossier ne permet d'établir l'existence d'une vie commune entre M. C... et Mme D... épouse C... avant leur mariage le 24 octobre 2017. S'ils justifient, depuis leur mariage, communiquer par voie électronique, les documents produits ne permettent pas davantage d'identifier de manière précise un projet de vie commune du couple. Enfin la seule circonstance que l'autorité judiciaire ne se soit pas opposée à la transcription de l'acte de mariage n'est pas à elle seule de nature à attester de la réalité de l'intention matrimoniale. Par suite, et alors même qu'aucun élément ne permettrait de remettre en cause la sincérité de l'intention matrimoniale de Mme D... épouse C..., qui s'est rendue à plusieurs reprises en Tunisie, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'une fraude de nature à justifier légalement, conformément aux dispositions de l'article L. 211- 2- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le refus de visa sollicité.

6. Compte tenu de ce qui précède, et alors, en outre, que Mme D... épouse C... peut rejoindre son époux en Tunisie, ce qu'elle a d'ailleurs fait ainsi qu'il a été dit précédemment, la décision contestée ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la substitution de motifs sollicitée par le ministre, que M. C... et Mme D... épouse C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de la commission de recours, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par les requérants ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. C... et à Mme D... épouse C... F... la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... et de Mme D... épouse C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme E... D... épouse C... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2022.

La rapporteure,

C. BUFFETLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00203


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00203
Date de la décision : 15/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: Mme Catherine BUFFET
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SELARL R et P AVOCATS OLIVIER RENARD

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-15;21nt00203 ?
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