Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 22 mars 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités suisses, d'autre part, l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2103341 du 2 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 décembre 2021 et 25 janvier 2022, M. A... B..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 2 avril 2021 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision de transfert vers la Suisse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 mars 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert aux autorités suisses ;
3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté de transfert est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen de sa situation personnelle, au regard des risques de renvoi en Erythrée par les autorités suisses, en méconnaissance des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2022, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés et indique que l'intéressé a été déclaré en fuite.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- l'accord signé le 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre ou en Suisse ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas ;
- et les observations de Me Neraudau, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., se présentant comme un ressortissant érythréen né le 26 janvier 1997, déclare être entré irrégulièrement en France le 17 décembre 2020. Le 16 février 2021 il a sollicité son admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a alors indiqué qu'il avait déjà sollicité l'asile en Suisse en 2014. Les autorités suisses ont été saisies le 24 février 2021 d'une demande de reprise en charge, à laquelle elles ont explicitement répondu positivement le 24 février 2021 sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013. Par deux arrêtés du 22 mars 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. B... aux autorités suisses et son assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 2 avril 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces deux décisions. M. B... relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté décidant son transfert. Le préfet de Maine-et-Loire indique par ailleurs que M. B... a été déclaré en fuite et que le délai permettant son transfert a été prolongé jusqu'au 6 octobre 2022
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que M. B... reprend en appel sans nouvelle précision, par adoption des motifs retenus aux points 7 à 11 du jugement attaqué.
3. En second lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, il résulte de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
4. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Suisse constitue un pays associé au règlement de Dublin ainsi que le mentionne, en son annexe X, le règlement d'exécution (UE) 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers. Il s'ensuit que les règles établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers sont applicables à la Suisse et que la Suisse doit être regardée comme un Etat membre pour l'application des dispositions citées au point 3.
5. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne et en Suisse, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.
6. S'il ressort des pièces du dossier que la demande de protection internationale présentée par M. B... en Suisse a été rejetée, il n'est pas établi que les autorités de ce pays lui ont notifié une obligation de quitter leur territoire. Toutefois, en admettant même l'existence d'une telle obligation à destination de l'Erythrée, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que sont constatées en Suisse des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile. Si M. B... fait valoir que l'article 3 de la loi suisse du 26 juin 1998 sur l'asile dispose que : " Ne sont pas des réfugiés les personnes qui, au motif qu'elles ont refusé de servir ou déserté, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être ", ce même article précise, sur ce point, que " Les dispositions de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés sont réservées ", ce dont il résulte que l'intéressé ne saurait être moins bien traité en Suisse qu'en France en qualité de demandeur d'asile. M. B... poursuit en soutenant qu'il sera exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, faute de toute prise en charge en cas de transfert en Suisse. Cependant une telle situation n'est pas établie alors même que l'intéressé soutient avoir souffert dans le passé de douleurs dentaires non prises en charge. L'intéressé a du reste indiqué avoir été hébergé en Suisse entre 2014 et 2020, où il est arrivé mineur. Par conséquent, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations et dispositions ne peuvent qu'être écartés. Il en va de même du moyen tiré de ce que la décision de transfert serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... se trouverait dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle.
7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mars 2021 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Neraudau et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er février 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Rivas, président de la formation de jugement,
- M. Guéguen, premier conseiller,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2022.
Le président de la formation de jugement, rapporteur,
C. Rivas
L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,
J-Y. Guéguen
La greffière,
V. Desbouillons
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT03398