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04/02/2022 | FRANCE | N°21NT03088

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 04 février 2022, 21NT03088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C..., d'une part, et Mme D..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 2 juin 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités néerlandaises.

Par un jugement n°s 2106799, 2106800 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2021, M. A... C... et Mme B... D..., représentés par Me Moreau T

albot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C..., d'une part, et Mme D..., d'autre part, ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 2 juin 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire a décidé leur transfert aux autorités néerlandaises.

Par un jugement n°s 2106799, 2106800 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 4 novembre 2021, M. A... C... et Mme B... D..., représentés par Me Moreau Talbot, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 12 juillet 2021 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 2 juin 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant leur transfert aux autorités néerlandaises ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de réexaminer leurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de leur délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- l'arrêté de transfert est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- il est intervenu en violation des articles 13 et 19.3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors que leurs empreintes ont été enregistrées en dernier lieu le 25 mai 2018 aux Pays-Bas ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de leur situation personnelle, au regard de l'état de santé de M. C... et des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile, avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 décembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme C... ne sont pas fondés et que le délai de transfert a été reporté au 12 janvier 2023 en raison de leur fuite.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 octobre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Rivas a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C... et Mme B... D..., ressortissants azerbaïdjanais, nés respectivement en 1984 et 1987, déclarent être entrés irrégulièrement en France le 29 mars 2021 avec leur fils né en 2017. Le 27 avril 2021, leurs demandes d'asile ont été enregistrées au guichet unique de la préfecture de la Loire-Atlantique. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'ils avaient préalablement présenté une demande de protection internationale aux Pays-Bas le 16 mars 2017 et le 25 mai 2018. Saisies le 3 mai 2021, les autorités néerlandaises ont accepté leur responsabilité par accords explicites du 12 mai 2021 sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par deux arrêtés du 2 juin 2021, le préfet de Maine-et-Loire a décidé de les transférer aux autorités néerlandaises responsables de l'examen de leurs demandes d'asile respectives. Par un jugement du 12 juillet 2021 dont M. et Mme C... relèvent appel, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes d'annulation de ces décisions. Le préfet de Maine-et-Loire indique que le couple et leur fils né aux Pays-Bas a pris la fuite et que le terme de leur transfert a été repoussé au 12 janvier 2023.

2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des articles 4, 5 et 13.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, que M. et Mme C... reprennent en appel sans nouvelle précision, par adoption des motifs retenus aux points 6 à 11 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (...) 3. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, points c) et d), cessent lorsque l'Etat membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des États membres en exécution d'une décision de retour ou d'une mesure d'éloignement délivrée à la suite du retrait ou du rejet de la demande (...) ".

4. Les autorités néerlandaises ont explicitement accepté de reprendre en charge les requérants et leur fils sur le fondement du d) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, donc après le rejet de leurs demandes de protection internationale. M. et Mme C... contestent la responsabilité des Pays-Bas dans l'examen de leur situation au motif qu'ils auraient fait l'objet d'une mesure d'éloignement dans ce pays à la suite du rejet de leurs demandes d'asile. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier ni n'est même soutenu par les intéressés qu'avant d'entrer sur le territoire français pour y déposer des demandes d'asile, ils auraient effectivement quitté le territoire des Etats membres après l'exécution par les autorités néerlandaises d'une mesure d'éloignement à destination d'un Etat tiers. Dès lors le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 19.3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

5. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, il résulte de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

6. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

7. Tout d'abord, alors même que les autorités néerlandaises ont rejeté les demandes de protection internationale de M. et Mme C... et que ces derniers allèguent qu'ils seraient concernés par des décisions les obligeant à quitter les Pays-Bas, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait des défaillances affectant les conditions d'accueil et de prise en charge des demandeurs d'asile faisant l'objet de mesures de transfert auprès des autorités néerlandaises, alors que les Pays-Bas sont un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par ailleurs, si M. C... établit qu'il souffre d'une dépression avec des signes de psychose, voire de schizophrénie, il est établi par les pièces qu'il produit qu'il a été pris en charge médicalement à ce titre aux Pays-Bas dès 2018, notamment par un médecin psychiatre qui lui a proposé une hospitalisation. Sa prise en charge médicale médicamenteuse pour motifs psychiatriques s'est poursuivie en France à compter de juillet 2021, sans qu'une détérioration de son état de santé n'ait été identifiée. Dans ces conditions, eu égard à la prise en charge psychiatrique dont l'intéressé a bénéficié aux Pays-Bas avant son départ, les éléments présentés n'établissent pas qu'il se trouvait à la date de l'arrêté contesté dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant d'instruire sa demande d'asile en France. Par suite, les moyens tirés de ce que les décisions litigieuses seraient contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, seraient intervenues sans examen de la situation particulières des requérants et seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peuvent qu'être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 2 juin 2021 du préfet de Maine-et-Loire. Leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Mme B... D..., à Me Moreau Talbot et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT03088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT03088
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : MOREAU-TALBOT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-04;21nt03088 ?
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