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04/02/2022 | FRANCE | N°21NT02019

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 février 2022, 21NT02019


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 17 mai 2021 du préfet d'Ille-et-Vilaine les obligeant chacun à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement nos 2102833, 21028344 du 16 juillet 2021, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois et de leur délivr

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... B... et M. C... A... ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler les arrêtés du 17 mai 2021 du préfet d'Ille-et-Vilaine les obligeant chacun à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Par un jugement nos 2102833, 21028344 du 16 juillet 2021, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés, a enjoint au préfet d'Ille-et-Vilaine de réexaminer leur situation dans un délai d'un mois et de leur délivrer dans l'attente des autorisations provisoires de séjour et a mis à la charge de l'État le versement de les sommes de 1 000 euros et 700 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 au bénéfice de son conseil.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 22 juillet et 2 décembre 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Rennes du 16 juillet 2021 ;

2°) de rejeter les demandes de Mme B... et de M. A....

Il soutient que :

- le droit d'être entendu dont se prévalent les intimés n'a pas été méconnu ;

- le premier juge a estimé à tort que les décisions portant obligation de quitter le territoire français étaient entachées d'erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intimés dès lors que ces derniers n'avaient, à la date d'édiction des décisions litigieuses, ni engagé de démarches en vue de solliciter la délivrance de titres de séjour pour raisons médicales, ni communiqué d'éléments relatifs à leur état de santé et à la procédure de procréation médicalement assistée qu'ils avaient engagée et que cette erreur manifeste n'est pas caractérisée au vu des éléments produits pour la première fois devant le juge ;

- en l'absence de présentation de demandes de titres de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les intimés ne peuvent utilement se prévaloir de ces dispositions.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 décembre 2021, Mme B... et M. A..., représentés par Me Le Verger, concluent au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'État, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la somme de 1 500 euros à verser à leur conseil dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils font valoir que :

- le préfet n'est pas fondé à contester le motif d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français retenu par le premier juge ;

- ces décisions ont été prises en méconnaissance de leur droit d'être entendus, principe général du droit de l'Union européenne ;

- les décisions fixant le pays de renvoi sont entachées d'une insuffisance de motivation ;

- ces décisions sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français ;

- ces décisions ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Mme B... et M. A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par des décisions du 11 janvier 2022.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Brisson a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... et M. A..., ressortissants irakiens nés les 1er février 1980 et 1er janvier 1982, sont entrés en France le 6 mars 2018 en provenance d'Allemagne, au terme d'une procédure de réadmission et après y être précédemment entrés le 20 août 2017 sous couvert de visas Schengen de court séjour. Le bénéfice de l'asile leur a été refusé par décisions du 8 novembre 2018 du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmées par décisions du 15 mars 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. Par deux arrêtés du 17 mai 2021, le préfet d'Ille-et-Vilaine a obligé les intéressés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le préfet d'Ille-et-Vilaine relève appel du jugement du 16 juillet 2021 par lequel le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ces arrêtés.

2. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... et M. A..., qui se sont mariés en 2008, sont suivis depuis le mois de juillet 2018 pour un problème de fertilité et qu'ils étaient pleinement engagés, à la date des arrêtés contestés, dans une démarche de procréation assistée auprès du centre d'aide médicale à la procréation du centre hospitalier universitaire de Rennes. Ils justifient ainsi de la réalisation de plusieurs essais de fécondation et d'une grossesse entamée en septembre 2020 qui n'a pu être menée à son terme, source de troubles psychologiques pour l'épouse. L'exécution des arrêtés du 17 mai 2021 du préfet d'Ille-et-Vilaine obligeant chacun des intéressés à quitter le territoire français aurait pour effet d'interrompre ce traitement, lequel constitue pour Mme B..., qui est âgée de quarante-et-un ans, la seule chance de procréer, alors que les intéressés soutiennent, sans être sérieusement contredits, que le processus ne pourrait être poursuivi dans leur pays d'origine. Ainsi, en prenant ces décisions, le préfet d'Ille-et-Vilaine a commis, dans les circonstances très particulières de l'espèce, une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des intéressés.

3. Il résulte de ce qui précède que le préfet d'Ille-et-Vilaine n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Rennes a annulé ses arrêtés du 17 mai 2021. Par suite, sa requête à fin d'annulation de ce jugement doit être rejetée.

4. Mme B... et M. A... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État, le versement de la somme de 1 200 euros à Me Le Verger dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E

Article 1er : La requête du préfet d'Ille-et-Vilaine est rejetée.

Article 2 : L'État versera à Me Le Verger la somme de 1 200 euros dans les conditions fixées aux articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... B... et à M. C... A....

Copie en sera adressée, pour information, au préfet d'Ille-et-Vilaine.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président,

- Mme Brisson, présidente-assesseure,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition du greffe le 4 février 2022.

La rapporteure,

C. BRISSON

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT020192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02019
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : LE VERGER

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-04;21nt02019 ?
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