Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 7 mars 2019 par lequel la sous-préfète de Guingamp a prononcé la fermeture administrative de son établissement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 14 mars 2019.
Par un jugement n° 1903482 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 avril 2021 et 5 juillet 2021, Mme B... A..., représentée par Me Demay, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 février 2021 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 mars 2019 par lequel la sous-préfète de Guingamp a prononcé la fermeture administrative de son établissement, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux formé le 14 mars 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'elle ne s'est pas bornée à reproduire sa demande de première instance ;
- l'arrêté est intervenu en violation de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il n'a pas été tenu compte de sa volonté de présenter des observations et de sa demande de visionnage des images de vidéo protection ;
- la décision contestée est erronée en fait dès lors qu'il n'est pas établi que la personne impliquée dans un accident de la route présentait des signes d'ivresse lorsqu'elle a consommé de l'alcool dans son bar ; elle a été jugée non coupable d'avoir commis l'infraction de vente de boissons à une personne manifestement ivre par un jugement devenu définitif du 8 avril 2021 du tribunal de proximité de Guingamp.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, le préfet des Côtes-d'Armor conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que la requérante se borne à reproduire sa demande de première instance ;
- les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Rivas,
- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... exploite un commerce de bar-tabac, restaurant et activités de jeu sur le territoire de la commune de Pabu (Côtes-d'Armor) depuis 2010. Le 13 janvier 2019, un accident de la route impliquant deux véhicules qui se sont percutés frontalement a eu lieu à proximité, sur le territoire de la commune de Pommerit-le-Vicomte, blessant les trois occupants du premier véhicule et tuant la conductrice du second. Par un courrier du 8 février 2019, notifié le lendemain, Mme A... a été informée par la sous-préfète de Guingamp qu'une mesure de fermeture administrative de son établissement d'une durée d'un mois était envisagée au motif qu'elle avait servi de l'alcool aux trois personnes présentes dans le véhicule à l'origine de l'accident du 13 janvier 2019, dont le conducteur qui était ivre. Par un arrêté du 7 mars 2019 la sous-préfète de Guingamp a prononcé la fermeture administrative de l'établissement, sur le fondement du 2 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, pour une durée d'un mois. Par un courrier du 21 mars 2019, la sous-préfète de Guingamp a rejeté le recours gracieux formé contre cet arrêté par Mme A.... Par un jugement du 11 février 2021, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 7 mars 2019 et de la décision du 21 mars suivant rejetant son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. / L'administration n'est pas tenue de satisfaire les demandes d'audition abusives, notamment par leur nombre ou leur caractère répétitif ou systématique. ".
3. Par un courrier du 8 février 2019, reçu par la requérante le lendemain, la sous-préfète de Guingamp a invité Mme A... à présenter ses observations dans un délai de quinze jours sur la mesure envisagée de fermeture administrative de son établissement pour une durée d'un mois. Il est constant que Mme A... n'a pas présenté d'observations en réponse à ce courrier dans le délai imparti, qui était suffisant, dès lors que le courrier dont elle se prévaut n'a été reçu à la sous-préfecture que le 11 mars 2019, soit après l'adoption de l'arrêté du 7 mars 2019 décidant la fermeture de l'établissement. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté contesté serait entachée d'un vice de procédure.
4. Aux termes de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable au présent litige : " (...) 2. En cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, la fermeture peut être ordonnée par le représentant de l'Etat dans le département pour une durée n'excédant pas deux mois. (...) 4. Les crimes et délits ou les atteintes à l'ordre public pouvant justifier les fermetures prévues au 2 et au 3 doivent être en relation avec la fréquentation de l'établissement ou ses conditions d'exploitation. ".
5. Lorsqu'elle est ordonnée, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, en cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publique, la fermeture administrative doit être regardée non pas comme une sanction, mais comme une mesure de police qui a pour objet de prévenir la continuation ou le retour de désordres liés au fonctionnement de l'établissement, indépendamment de toute responsabilité de l'exploitant.
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le dimanche 13 janvier 2019 à 18 H 55 est survenu sur le territoire de la commune de Pommerit-le-Vicomte (Côtes-d'Armor), un accident de la route impliquant deux véhicules qui se sont heurtés frontalement sur une route départementale. La conductrice de l'un des véhicules est décédée. Une analyse de sang effectuée sur le conducteur de l'autre véhicule, qui s'est déporté, a révélé qu'il présentait un taux d'alcool présent dans le sang de 2,85 grammes par litre de sang, soit près de six fois le taux maximal de 0,5 autorisé pour conduire. Les deux passagers de ce même véhicule présentaient pour leur part des taux de 1,33 et 2,99 g/l. Il est par ailleurs établi que le véhicule transportant ces trois individus est sorti du parking de l'établissement " La Poterie " exploité par Mme A... à 18H54, ainsi qu'il résulte d'un examen de la vidéo surveillance du parking de ce commerce. Il résulte ensuite des déclarations mêmes de Mme A... qu'elle a servi à ces trois personnes de l'alcool, dont deux bières au conducteur, lors de leur passage dans son établissement où ils sont arrivés à 18H14. Dans ces conditions, eu égard à l'importance du taux d'alcoolémie du conducteur à l'origine de l'accident survenu immédiatement après sa sortie du bar " La Poterie ", Mme A... ne peut sérieusement soutenir que les intéressés ne présentaient aucun signe d'alcoolémie avant qu'elle ne leur serve de l'alcool dans son établissement.
7. D'autre part, l'autorité de la chose jugée appartenant aux décisions des juges répressifs devenues définitives, qui s'impose aux juridictions administratives, s'attache à la constatation matérielle des faits mentionnés dans le jugement et qui sont le support nécessaire du dispositif. Mme A... fait valoir que par un jugement du 8 avril 2021 le tribunal de proximité de Guingamp a fait droit à son opposition à ordonnance pénale et l'a déclarée non coupable des faits de vente de boissons par un débitant à une personne manifestement ivre, en lien avec l'accident mentionné au point précédent. Il ne ressort cependant pas des pièces du dossier que ce jugement présenterait un caractère définitif. En conséquence, l'autorité de la chose jugée ne s'impose pas à la juridiction administrative.
8. Il s'ensuit que les décisions préfectorales contestées ne sont pas entachées d'erreur de fait et que le préfet n'a pas fait en l'espèce une inexacte application des dispositions de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique. Enfin, compte tenu de la nature et de la gravité des faits fondant la mesure, la fermeture administrative de l'établissement pour une durée d'un mois n'apparaît pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
9. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Sur les frais d'instance :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par Mme A....
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée pour information au préfet des Côtes-d'Armor.
Délibéré après l'audience du 18 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.
Le rapporteur,
C. RIVAS
Le président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00941