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04/02/2022 | FRANCE | N°21NT00333

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 04 février 2022, 21NT00333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 1 059 432,38 euros en réparation des préjudices subis à la suite du développement d'une sclérose en plaques.

Par un jugement n° 1605422 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 392 273,79 euros.

Procédure

devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 février, 9 juillet...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser la somme totale de 1 059 432,38 euros en réparation des préjudices subis à la suite du développement d'une sclérose en plaques.

Par un jugement n° 1605422 du 3 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 392 273,79 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 6 février, 9 juillet, 13 et 28 octobre et 9 novembre 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) représenté par Me Welsch, demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler le jugement n° 1605422 du 3 décembre 2020 du tribunal administratif de Rennes et de rejeter la demande de Mme A... ;

2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;

3°) à titre plus subsidiaire, de limiter à 7 200 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer les souffrances endurées et à 1 581,16 euros le montant de l'indemnité destinée à réparer la perte de gains professionnels et au rejet des demandes présentées au titre de l'assistance par tierce personne, des frais de logement adapté et de l'angoisse subie.

Il soutient que :

- les conditions d'intervention de la solidarité nationale, sur le fondement de l'article

L 3111-9 du code de la santé publique, ne sont pas remplies dès lors qu'aucun lien de causalité direct ne peut être constaté entre la vaccination et les troubles présentés par Mme A... compte tenu de son état antérieur caractérisé par la survenue de vertiges avant comme après la vaccination, des troubles de l'équilibre évoluant depuis plusieurs années et une importance des lésions constatées en 2007 signe d'une sclérose en plaque évoluant depuis plusieurs années antérieurement à la vaccination ;

- plusieurs postes de préjudices doivent être ramenés à de plus justes proportions : les souffrances endurées doivent être déterminées sur la base de son référentiel, le calcul du préjudice lié à l'assistance par tierce personne comporte des inexactitudes et il n'est pas justifié par l'intéressée des aides reçues à ce titre ; aucun préjudice d'angoisse distinct des souffrances endurées et du déficit fonctionnel permanent ne peut être observé ; il n'est pas justifié des aménagements du logement rendus nécessaires par la maladie ; le versement d'une indemnité en capital en réparation de la perte de revenus de l'intéressée doit être exclu au profit d'une rente annuelle.

Par des mémoires, enregistrés les 4 mars, 21 juillet, 31 octobre, le 2 et 11 novembre 2021, Mme B... A..., représentée par Me Bessy, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme totale de 1 105 712,03 euros en réparation de l'ensemble de ses préjudices ;

3°) à ce que soit mis à la charge de l'ONIAM les dépens ainsi que la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

- qu'un lien de causalité existe entre la vaccination et la sclérose en plaques ;

- ses préjudices devront être réparés par le versement de :

. 37 305 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

. 20 000 euros au titre des souffrances endurées,

. 36 120,21 euros au titre des frais divers,

. 25,55 euros titre des dépenses de santé restées à charge,

. 47 351,70 euros au titre des pertes de gains professionnels,

. 46 080 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

. 10 000 euros au titre du préjudice esthétique,

. 15 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

. 15 000 euros au titre du préjudice sexuel,

. 20 000 euros au titre du préjudice d'établissement,

. 20 0000 euros au titre du préjudice d'angoisse,

. 4 050 euros au titre des frais d'aménagement de son logement,

. 18 291,20 euros au titre des frais d'aménagement de son véhicule,

. 155 805,05 euros au titre des frais futurs d'assistance par tierce personne,

. 496 626,32 euros au titre de la perte de gains professionnels et salaires futurs,

. 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Brisson,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Bessy, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. En vue d'exercer un emploi dans le cadre d'un contrat d'accompagnement à l'emploi afin de devenir agent des services hospitaliers, Mme A..., née le 28 novembre 1980, tenue de se faire vacciner contre l'hépatite B, a reçu 4 injections en 2006. En août 2007, l'intéressée a été diagnostiquée comme étant atteinte d'une sclérose en plaques, pathologie qu'elle impute à cette vaccination. Le 5 août 2015, elle a saisi l'ONIAM d'une réclamation indemnitaire qui a été expressément rejetée le 2 novembre 2016. Après avoir demandé au tribunal administratif de Rennes de désigner un expert qui a rendu son rapport le 25 mars 2020, Mme A... a demandé à cette juridiction de condamner l'ONIAM à lui verser une somme d'un montant total de 1 059 432,38 euros en réparation de l'intégralité des préjudices subis du fait de cette vaccination et de l'aggravation de son état de santé. Aux termes du jugement du 3 décembre 2020 dont l'ONIAM relève appel, le tribunal a mis à la charge de ce dernier le versement à Mme A... C... la somme de 392 273,79 euros.

2. En vertu de l'article L. 3111-4 du code de la santé publique, toute personne qui, dans un établissement de prévention ou de soins, exerce une activité professionnelle l'exposant à des risques de contamination, doit être immunisée, notamment, contre l'hépatite B. Aux termes de l'article L. 3111-9 du même code : " Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées conformément au droit commun, la réparation intégrale des préjudices directement imputables à une vaccination obligatoire pratiquée dans les conditions mentionnées au présent chapitre, est assurée par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales institué à l'article L. 1142-22, au titre de la solidarité nationale. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 625-3 du code de justice administrative : " La formation chargée de l'instruction peut inviter toute personne, dont la compétence ou les connaissances seraient de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner à un litige, à produire des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine. / L'avis est consigné par écrit. Il est communiqué aux parties. (...) ".

4. Lorsqu'il est saisi d'un litige individuel portant sur les conséquences, pour la personne concernée, d'une vaccination présentant un caractère obligatoire, il appartient tout d'abord au juge de s'assurer, au vu du dernier état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un lien existe entre l'injection du vaccin et les symptômes attribués à la pathologie dont cette personne est atteinte.

5. Il appartient ensuite au juge, s'il ressort, en l'état des connaissances scientifiques en débat devant lui, qu'il n'y a aucune probabilité qu'un tel lien existe, de rejeter les conclusions indemnitaires dont il est saisi, soit, dans l'hypothèse inverse, de procéder à l'examen des circonstances de l'espèce et de ne retenir alors l'existence d'un lien de causalité entre les vaccinations obligatoires subies par cette personne et les symptômes qu'elle a ressentis que si ceux-ci sont apparus, postérieurement à la vaccination, dans un délai normal pour ce type d'affection, ou se sont aggravés à un rythme et une ampleur qui n'étaient pas prévisibles au vu de son état de santé antérieur ou de ses antécédents et, par ailleurs, qu'il ne ressort pas du dossier qu'ils pouvaient être regardés comme résultant d'une autre cause que ces vaccinations.

6. Dans les circonstances de l'espèce, il résulte de l'instruction que, trois jours après avoir reçu, le 21 mars 2006, la première injection du vaccin " Genhevac B Pasteur " contre l'hépatite B, Mme A... a ressenti des paresthésies dans la cheville gauche puis a, en mai et juin 2006, été victime de vertiges. Après la réalisation d'une IRM en juin 2007 et une analyse du liquide céphalo-rachidien, le diagnostic de sclérose en plaque a été posé en août 2007.

7. Les parties s'opposent quant à l'absence de toute probabilité d'un lien de causalité entre la sclérose en plaque et la vaccination contre l'hépatite B. L'état de l'instruction ne permet toutefois pas à la cour de se prononcer sur ce moyen.

8. En conséquence, compte tenu de la difficulté des questions d'ordre scientifique qui se posent à la cour à l'occasion de l'examen du présent litige, il y a lieu d'inviter l'Académie nationale de médecine à lui présenter des observations écrites de caractère général de nature à l'éclairer sur le point de savoir si, en l'état actuel des connaissances scientifiques, il n'y a aucune probabilité qu'un lien de causalité existe entre une sclérose en plaque et une vaccination contre le virus de l'hépatite B, notamment par le vaccin " Genhevac B Pasteur ", et de produire tous éléments scientifiques propres à en justifier dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision.

DECIDE :

Article 1er : L'Académie nationale de médecine est invitée, en application de l'article R. 625-3 du code de justice administrative, à présenter à la cour, dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente décision, des observations écrites de caractère général de nature à l'éclairer utilement sur l'absence de probabilité de tout lien de causalité entre une vaccination contre l'hépatite B, notamment par le vaccin " Genhevac B Pasteur ", et la survenue d'une sclérose en plaques.

Article 2 : Toutes conclusions et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes, à Mme B... A..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Finistère Morbihan et à l'Académie nationale de médecine.

Délibéré après l'audience du 20 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. L'Hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2022.

La rapporteure,

C. BRISSON

Le président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 21NT00333

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00333
Date de la décision : 04/02/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: Mme Christiane BRISSON
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BESSY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-02-04;21nt00333 ?
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