Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 20 mars 2020, le 12 juillet 2020 et le 23 juillet 2020, la société par actions simplifiée (SAS) Société nouvelle d'entreprise de spectacles et la société par actions simplifiée (SAS) Cholet Ciné, représentées par Me Coronat, demandent à la cour :
1°) d'annuler la décision du 13 décembre 2019 par laquelle la commission nationale d'aménagement cinématographique a rejeté le recours formé par la SAS Société nouvelle d'entreprise de spectacles contre la décision de la commission départementale d'aménagement cinématographique de Maine-et-Loire du 16 juillet 2019 autorisant la société Cinéville à créer un établissement de spectacles cinématographiques de cinq salles et 725 places à Beaupréau-en-Mauges ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- il n'est pas démontré que les membres de la commission aient été mis à même de prendre connaissance en temps utile des documents énumérés à l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée ni que les dispositions de l'article R. 212-7-29 du même code aient été respectées ;
- la pétitionnaire a délibérément exclu le " Cinémovida " de sa zone d'implantation cinématographique afin de minorer les effets de son projet ;
- le dossier de la demande ne permet pas de rendre compte de l'intégration du projet dans son environnement ;
- le projet n'est pas, au regard des critères et indicateurs d'évaluation mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée, conforme aux objectifs énoncés à l'article L. 212-6 du même code.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juillet 2020, la commission nationale d'aménagement cinématographique, représentée par Me Leraisnable, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge solidaire des deux sociétés requérantes d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la société nouvelle d'entreprise de spectacles n'avait pas, à la date de l'introduction du recours, intérêt à agir ;
- la société Cholet Ciné, qui n'est pas intervenue devant elle et qui ne peut être regardée, en sa seule qualité de cessionnaire du fonds de commerce, comme reprenant l'actif et le passif de la Société nouvelle d'entreprise de spectacles, est également dépourvue d'intérêt à agir ;
- les sociétés requérantes ne justifient pas avoir introduit leur requête dans le délai de recours contentieux ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Par des mémoires, enregistrés le 3 juillet 2020 et le 17 juillet 2020, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SAS) Cinéville, représentée par Me Sacksick, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge des sociétés requérantes d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la Société nouvelle d'entreprise de spectacles, qui n'avait plus, à la date d'introduction de la requête, la qualité d'exploitante du " Cinémovida ", est dépourvue d'intérêt à agir ;
- faute d'avoir formé le recours préalable obligatoire prévu à l'article L. 212-10-3 du code du cinéma et de l'image animée, la SAS Cholet Ciné n'est pas recevable à agir ;
- les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du cinéma et de l'image animée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- les observations de Me Bourié, substituant Me Coronat et représentant la Société nouvelle d'entreprise de spectacles et la société Cholet Ciné et les observations de Me Davy, substituant Me Sacksick et représentant la société Cinéville.
Considérant ce qui suit :
1. Le 16 juillet 2019, la commission départementale d'aménagement cinématographique de Maine-et-Loire a délivré à la société Cinéville l'autorisation de créer un établissement de spectacles cinématographiques à l'enseigne " Cinéville " situé à Beaupréau-en-Mauges (Maine-et-Loire) et offrant cinq salles et 725 places. La Société nouvelle d'entreprise de spectacles, qui jusqu'à la cession du fonds de commerce intervenue en février 2020 au profit de la société Cholet Ciné, exploitait l'établissement à l'enseigne " Cinémovida ", situé à Cholet, a formé un recours préalable obligatoire devant la commission nationale d'aménagement cinématographique. Par une décision du 13 décembre 2019, cette dernière a rejeté ce recours et autorisé le projet porté par la société Cinéville. La Société nouvelle d'entreprise de spectacles et la société Cholet Ciné demandent à la cour d'annuler la décision de la commission nationale du 13 décembre 2019.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la régularité de la procédure suivie devant la commission nationale d'aménagement cinématographique :
2. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir de former sa conviction sur les points en litige au vu des éléments versés au dossier par les parties. S'il ne saurait exiger de l'auteur du recours que ce dernier apporte la preuve des faits qu'il avance, il peut écarter des allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées.
3. D'une part, aux termes de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée : " La Commission nationale d'aménagement cinématographique se réunit sur convocation de son président. / Les membres de la commission reçoivent l'ordre du jour, accompagné des procès-verbaux des réunions des commissions départementales d'aménagement cinématographique, des décisions de ces commissions, des recours et des rapports des services instructeurs. / La commission ne peut valablement délibérer qu'en présence de cinq membres au moins. ".
4. Alors que la commission nationale d'aménagement cinématographique a versé aux débats les lettres de convocation adressées aux sept de ses membres ayant siégé, auprès de son président, lors de la réunion du 13 décembre 2019 et sur lesquelles il est fait référence à l'ordre du jour et à des " dossiers d'instruction ", les sociétés requérantes n'apportent pas, en se bornant à soutenir que les lettres considérées ne précisent pas le contenu des dossiers d'instruction ni ne visent d'annexes, d'éléments suffisamment sérieux au soutien de leur allégation selon laquelle les membres de la commission n'auraient pas disposé en temps utile des éléments d'information mentionnés au deuxième alinéa de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée. De même, en soutenant que " Il appartiendra à la CNAC de démontrer que les dispositions réglementaires applicables à sa composition (...) et au quorum lors de la séance du 9 juin 2017 ont bien été respectées ", les sociétés requérantes n'apportent pas les précisions de nature à permettre à la cour d'apprécier la teneur du moyen. Au demeurant, il ressort du procès-verbal de la réunion qui s'est tenue le 13 décembre 2019 et non le 9 juin 2017 que la commission était composée de sept membres outre son président et qu'elle a ainsi siégé conformément à la règle de quorum prévue par le dernier alinéa de l'article R. 212-7-26 du code du cinéma et de l'image animée.
5. D'autre part, aux termes de l'article R. 212-7-29 du code du cinéma et de l'image animée : " Le commissaire du Gouvernement recueille l'avis du ministre chargé de la culture, qu'il présente à la Commission nationale d'aménagement cinématographique. Il donne son avis sur les demandes examinées par la commission au regard des auditions effectuées. ".
6. Le procès-verbal de la réunion du 13 décembre 2019 énonce " Le Commissaire du gouvernement fait part à la Commission de l'avis favorable du Ministre de la culture. Le Commissaire du gouvernement, suite aux auditions, partage le sens de cet avis. ". Dans ces conditions, alors même que l'avis du ministre chargé de la culture, dont aucune disposition ne prévoit au demeurant la formalisation, n'est pas produit aux débats, il ne ressort pas des pièces du dossier que, en l'espèce, cet avis n'aurait pas, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 212-7-9 du code du cinéma et de l'image animée, été recueilli et présenté à la Commission.
En ce qui concerne la composition du dossier de la demande :
7. Aux termes de l'article A212-7-3-1 du code du cinéma et de l'image animée : " La demande portant sur les projets d'aménagement cinématographique est accompagnée des renseignements et documents suivants : / (...) / 6° La délimitation de la zone d'influence cinématographique de l'établissement de spectacles cinématographiques ; / 7° L'indication de la population totale présente dans la zone d'influence cinématographique et de la population de chaque commune comprise dans cette zone ainsi que de son évolution entre les deux derniers recensements authentifiés par décret ; / 10° Une liste des établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique précisant, pour chacun, le nombre de salles et de places de spectateurs ainsi que leur éventuelle appartenance à une entente ou à un groupement de programmation ; / 11° Une carte géographique faisant apparaître les établissements de spectacles cinématographiques implantés dans la zone d'influence cinématographique ; / 12° Une étude destinée à permettre d'apprécier les effets prévisibles du projet au regard des critères prévus par l'article L. 212-9 et justifiant du respect des principes posés par l'article L. 212-6. Cette étude comporte : / (...) / b) Les éléments permettant d'apprécier l'effet potentiel du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme en indiquant : / (...) / -les caractéristiques architecturales du projet au regard de son environnement ; / (...) ".
8. Si le dossier de demande d'autorisation doit comporter des éléments suffisants pour permettre aux commissions d'aménagement cinématographique d'apprécier la conformité du projet aux objectifs fixés par le législateur et, le cas échéant, sa compatibilité avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale, la circonstance que le dossier de demande d'autorisation ne comporterait pas l'ensemble des éléments exigés par les dispositions de l'article A212-7-3 du code du cinéma et de l'image animée, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité l'autorisation qui a été accordée que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
9. D'une part, il est constant que la zone d'influence cinématographique définie par la société pétitionnaire dans le dossier produit au soutien de sa demande ne comprenait pas le nord de l'agglomération choletaise où est implanté un multiplexe à l'enseigne " Cinémovida ". Cette zone a néanmoins, au cours de l'instruction devant la Commission nationale, été élargie aux communes de Cholet, La Séguinière et Saint-Léger-des-Bois. A la demande de la Commission, la société pétitionnaire a produit un complément d'analyse. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que la Commission ait été induite en erreur sur ce point.
10. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que si les éléments produits par la société Cinéville à l'appui de sa demande permettent de rendre compte, d'une part, de la situation du projet au sein du quartier de la Loge et, d'autre part, de l'aspect extérieur du bâtiment qu'il prévoit, ils peinent à traduire l'impact visuel du projet sur son environnement et notamment sa cohérence architecturale par rapport au site dans lequel il s'insère. Les services de la direction régionale des affaires culturelles ont d'ailleurs motivé leur avis défavorable en partie par l'insuffisance des " indications sur la qualité urbaine, paysagère et architecturale du tissu dans lequel [le projet] s'insère ". Il ne ressort, toutefois, pas des pièces du dossier que cette insuffisance ait été de nature à fausser l'appréciation de la Commission nationale d'aménagement cinématographique, laquelle était éclairée par les critiques émises par les services de la direction régionale des affaires culturelles.
En ce qui concerne la conformité du projet aux objectifs et principes énoncés par le législateur :
11. Aux termes de l'article L. 212-6 du code du cinéma et de l'image animée : " Les créations, extensions et réouvertures au public d'établissements de spectacles cinématographiques doivent répondre aux exigences de diversité de l'offre cinématographique, d'aménagement culturel du territoire, de protection de l'environnement et de qualité de l'urbanisme, en tenant compte de la nature spécifique des œuvres cinématographiques. Elles doivent contribuer à la modernisation des établissements de spectacles cinématographiques et à la satisfaction des intérêts du spectateur tant en ce qui concerne la programmation d'une offre diversifiée, le maintien et la protection du pluralisme dans le secteur de l'exploitation cinématographique que la qualité des services offerts. ". Aux termes de l'article L. 212-9 du même code : " Dans le cadre des principes définis à l'article L. 212-6, la commission départementale d'aménagement cinématographique se prononce sur les deux critères suivants : / 1° L'effet potentiel sur la diversité cinématographique offerte aux spectateurs dans la zone d'influence cinématographique concernée, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) Le projet de programmation envisagé pour l'établissement de spectacles cinématographiques objet de la demande d'autorisation et, le cas échéant, le respect des engagements de programmation éventuellement souscrits en application des articles L. 212-19 et L. 212-20 ; / b) La nature et la diversité culturelle de l'offre cinématographique proposée dans la zone concernée, compte tenu de la fréquentation cinématographique ; / c) La situation de l'accès des œuvres cinématographiques aux salles et des salles aux œuvres cinématographiques pour les établissements de spectacles cinématographiques existants ; / 2° L'effet du projet sur l'aménagement culturel du territoire, la protection de l'environnement et la qualité de l'urbanisme, évalué au moyen des indicateurs suivants : / a) L'implantation géographique des établissements de spectacles cinématographiques dans la zone d'influence cinématographique et la qualité de leurs équipements ; / b) La préservation d'une animation culturelle et le respect de l'équilibre des agglomérations ; / c) La qualité environnementale appréciée en tenant compte des différents modes de transports publics, de la qualité de la desserte routière, des parcs de stationnement ; / d) L'insertion du projet dans son environnement ; / e) La localisation du projet, notamment au regard des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme. / (...). ".
12. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement cinématographique ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet d'équipement cinématographique contesté compromet la réalisation des objectifs et principes énoncés par la loi. A ce titre, il appartient à la Commission nationale d'aménagement cinématographique, lorsqu'elle se prononce sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs et principes, au vu des critères d'évaluation et indicateurs mentionnés à l'article L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée.
13. S'agissant du critère tenant à la diversité cinématographique, il ressort des pièces du dossier que dans la zone d'influence cinématographique du projet sont implantés le multiplexe " Cinémovida " situé à Cholet et offrant dix écrans et 1 443 places ainsi que deux cinémas associatifs, ne disposant que d'un seul écran chacun, situés à Beaupréau-en-Mauge et à Sèvremoine. Le projet litigieux porte sur un établissement de cinq salles et 725 places ayant vocation à programmer 6 500 séances et à diffuser, pour la majorité dès leur sortie nationale, 210 films annuellement. Les sociétés requérantes soutiennent que le projet de programmation de la société Cinéville ne se distingue pas de l'offre cinématographique existante et suffisamment assurée, en particulier, par le multiplexe " Cinémovida " à Cholet ainsi que par plusieurs cinémas de proximité répertoriés " art et essai ", l'activité des seconds étant, de surcroît, compromise par le projet.
14. De première part, le projet de programmation de la société Cinéville, caractérisé par une offre généraliste et " grand public " ainsi que quelques réalisations " art et essai " porteuses, ne se démarque pas, il est vrai, d'une partie de l'offre cinématographique proposée par le multiplexe " Cinémovida " à Cholet. Toutefois, alors que cet établissement est situé au sud de la zone d'influence cinématographique, dans la sous-zone tertiaire, à dix-sept minutes en automobile du projet, il ressort des pièces du dossier que la société pétitionnaire a essentiellement pour ambition de capter un public résidant dans les sous-zones primaire et secondaire (soit un temps de trajet s'étendant jusqu'à dix minutes), plus particulièrement dans le " cœur des Mauges ", au nord et au centre de la zone d'influence, et ne fréquentant pas les cinémas faute d'équipement approprié. A cet égard, il ressort notamment du rapport d'instruction de la Commission nationale d'aménagement cinématographique que l'indice de fréquentation de seulement 3,76 entrées par habitant à l'échelle de la zone d'influence cinématographique est sensiblement inférieur à l'indice moyen de 5,11 observé dans les unités urbaines de taille comparable. En outre, le secteur ciblé présente un essor démographique significatif ainsi qu'en témoigne la hausse de 10,1 % de la population résidant sur le territoire de Mauges Communauté entre 2006 et 2016, la croissance démographique s'étant limitée, au cours de la même période, à 5,7 % à l'échelle de la zone d'influence cinématographique et à 0,3 % à celle de Cholet. La population de la commune d'implantation du projet, qui représente 22 % de la population de la zone d'influence, a quant à elle augmenté de 9,5 % sur la période considérée. Ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que du fait de la programmation envisagée, comparable, pour partie, à celle du multiplexe " Cinémovida ", lequel conserve, au demeurant, une offre propre, caractérisée par les labels " jeune public ", " patrimoine et répertoire ", " recherche et découverte " ainsi que par une large part consacrée aux films non inédits, le projet serait de nature à nuire à la diversité cinématographique.
15. De deuxième part, il ressort des pièces du dossier que les films répertoriés " art et essai " représentent seulement 13 % des entrées dans la zone d'influence cinématographique tandis que la moyenne nationale se situait à 22 % en 2018 et que ces films correspondent à 25 % des séances. La société pétitionnaire prévoit de programmer environ 210 films par an dont 90 films " art et essai ". Le service instructeur de la Commission nationale d'aménagement cinématographique a estimé que le projet " contribuera à accroître l'offre généraliste sur la ZIC, au détriment de l'offre art et essai ". Toutefois, il a estimé que le projet aurait pour effet ramener la proportion de séances dédiées aux films répertoriés " art et essai " de 25 à 22 %. La diminution attendue de la part de ces films relativement à l'ensemble de la programmation de la zone s'accompagnera néanmoins d'une plus grande exposition de ces films susceptibles de favoriser la diversité cinématographique.
16. De troisième part, il ressort des pièces du dossier que les deux cinémas associatifs mono-écran, le cinéma Jeanne d'Arc à Beaupréau-en-Mauges et l'espace Boris Vian à Sèvremoine, dont près d'un tiers de la programmation est consacrée aux œuvres " art et essai ", présentent une offre limitée tant au regard du nombre de séances programmées que de films projetés. Afin de préserver un pluralisme dans le type d'exploitation cinématographique, la société pétitionnaire a conclu avec la commune de Beaupréau-en-Mauges et le cinéma Jeanne d'Arc une convention par laquelle elle s'est notamment engagée à garantir à cette structure une priorité de programmation sur tous les films recommandés " art et essai " dont le plan de sortie est inférieur à 175 copies en France ainsi qu'une priorité pour l'accueil des établissements scolaires. Les seules circonstances que des engagements de même nature n'ont pas été pris au profit de l'espace Boris Vian et que ceux matérialisés par la convention ci-dessus mentionnée ont été jugés modestes par les services de la direction régionale des affaires culturelles ne permettent pas à elles seules de démontrer que le projet aurait pour effet de priver ou retarder l'accès aux films des deux cinémas de proximité considérés dans une mesure telle qu'il mettrait en péril l'existence de ces cinémas ni, par suite, l'existence de ce type d'exploitation dans la zone d'influence cinématographique.
17. S'agissant du critère tenant à l'aménagement culturel du territoire, il ressort des pièces du dossier que le projet est implanté au sein du quartier de la Loge à Beaupréau-en-Mauges, lequel fait l'objet d'un projet de réaménagement et est destiné à regrouper divers équipements culturels dont une salle de spectacle, des espaces d'exposition, une médiathèque. A ce titre, il contribue à la réalisation des objectifs du schéma de cohérence territoriale du Pays des Mauges, territoire longtemps caractérisé par une " organisation spatiale rurale et sans une agglomération majeure et unique ", visant à confirmer Beaupréau-en-Mauges comme polarité principale et à accompagner l'essor démographique par une offre de services renforcée. Si ce projet permet, ainsi qu'il a été dit au point 14, un rééquilibrage de l'offre cinématographique entre l'agglomération choletaise et l'agglomération Mauges Communauté, il ne ressort pas des pièces du dossier, en dépit des réserves émises par les services de la direction départementale des territoires et de la direction régionale des affaires culturelles, qu'il compromettrait l'animation culturelle du centre-ville de Cholet.
18. Il suit de là que le projet ne méconnaît pas les objectifs fixés par le législateur et que le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 212-6 et L. 212-9 du code du cinéma et de l'image animée doit, dès lors, être écarté.
En ce qui concerne la fraude :
19. Les sociétés requérantes soutiennent que la délimitation initiale de la zone d'influence cinématographique procède d'une " manœuvre " et font valoir à cet égard que le multiplexe " Cinémovida ", accessible en dix-sept minutes en voiture depuis le projet, a été exclu du périmètre de cette zone alors pourtant que celui-ci a été défini sur la base d'un temps de trajet en automobile de vingt minutes. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le choix opéré par la société pétitionnaire d'exclure de sa zone d'influence cinématographique le nord de l'agglomération choletaise était fondé sur le pouvoir d'attraction du multiplexe " Cinémovida ". Un tel critère figure, à l'instar de celui relatif au temps de déplacement, parmi ceux énumérés à l'article R. 212-7-1 du code du cinéma et de l'image animée, au regard desquels la zone d'influence cinématographique doit être délimitée. Dans ces conditions, si la délimitation initiale de la zone d'influence cinématographique procède d'une analyse erronée, ainsi que l'ont d'ailleurs relevé les services de la direction régionale des affaires culturelles puis le service instructeur de la Commission nationale d'aménagement cinématographique, elle ne suffit pas, en l'espèce, à caractériser l'existence d'une intention frauduleuse.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les fins de non-recevoir opposées par la Commission nationale d'aménagement cinématographique et par la société Cinéville, que la Société nouvelle d'entreprise de spectacles et la société Cholet Ciné ne sont pas fondées à demander l'annulation de la décision du 13 décembre 2019.
Sur les frais liés au litige :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme que demandent les sociétés requérantes au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces mêmes dispositions, de mettre conjointement à la charge de la Société nouvelle d'entreprise de spectacles et de la société Cholet Ciné la somme de 1 500 euros à verser à la société Cinéville et la somme de 1 500 euros à verser au Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de la Société nouvelle d'entreprise de spectacles et de la société Cholet Ciné est rejetée.
Article 2 : La Société nouvelle d'entreprise de spectacles et la société Cholet Ciné verseront ensemble la somme de 1 500 euros à la société Cinéville et la somme de 1 500 euros au Centre national du cinéma et de l'image animée, agissant en qualité d'établissement public support de la Commission nationale d'aménagement cinématographique, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Société nouvelle d'entreprise de spectacles, la société par actions simplifiée Cholet Ciné, la Commission nationale d'aménagement cinématographique, le Centre national du cinéma et de l'image animée et la société par actions simplifiée Cinéville.
Délibéré après l'audience du 11 janvier 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- Mme Bougrine, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 1er février 2022.
La rapporteure,
K. BOUGRINE
Le président,
A. PEREZ
La greffière,
K. BOURON
La République mande et ordonne à la ministre de la culture en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01114