La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/01/2022 | FRANCE | N°20NT02720

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 28 janvier 2022, 20NT02720


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction et la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu qu'elle a acquittée au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1800082 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020 Mme B..., représentée par Mes Mathis et Dagenbach, demande

à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée et la restitut...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer la réduction et la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la cotisation supplémentaire à l'impôt sur le revenu qu'elle a acquittée au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1800082 du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 1er septembre 2020 Mme B..., représentée par Mes Mathis et Dagenbach, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée et la restitution demandée, assortie des intérêts moratoires ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont fait une application erronée de l'article 200 A du code général des impôts et de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la plus-value générée par la cession des parts détenues par elle dans les sociétés Office Gestion Immobilière et Ouest Gestion Immobilière en 2012 devait bénéficier d'une imposition au taux réduit de 19 % en application de l'article 200 A du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable, dès lors qu'elle remplit toutes les conditions et que ces sociétés exercent une activité de gestion des biens immobiliers d'autrui, notamment des activités de syndic et de gestion locative, qui sont des activités professionnelles de prestation de services se rattachant à des immeubles et non des activités immobilières ; il s'agit donc d'une activité commerciale ;

- l'esprit des dispositions en cause, au regard des déclarations du ministre délégué au budget au cours des débats intervenus lors du vote de la loi de finances pour 2013, était que le taux de 19 % bénéficie aux personnes cédant une participation substantielle dans une société ayant une activité économique réelle et dans laquelle elles se sont investies personnellement et ont pris des risques, ce qui est son cas ;

- l'application du 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts faite par l'administration est contraire à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle entraîne une discrimination injustifiée entre contribuables placés dans la même situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er avril 2021 le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour de rejeter la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ensemble son premier protocole additionnel ;

- le code de commerce ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n°2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- et les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B... a cédé, le 17 janvier 2012, les titres détenus par elle dans les sociétés Office Gestion Immobilière et Ouest Gestion Immobilière et a déclaré auprès de l'administration fiscale la somme de 300 000 euros au titre des plus-values exonérées à la suite de la cession de participations supérieures à 25 % au sein du groupe familial, en application des dispositions de l'article 150-0 A-I-3 du code général des impôts. A l'issue d'un contrôle sur pièces l'administration, par une proposition de rectification du 5 décembre 2013, a remis en cause cette exonération, a évalué la plus-value imposable à 335 515 euros et lui a appliqué un taux d'imposition de 24 %, en application de l'article 10, IV de la loi de finances pour 2012 du 29 décembre 2012. Les impositions correspondantes ont été mises en recouvrement le 30 avril 2014. Par une réclamation préalable du 22 décembre 2016, rejetée par l'administration, Mme B... a contesté le taux d'imposition retenu, estimant que cette plus-value devait être imposée au taux réduit de 19 % en application de l'article 200 A du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable. Elle a demandé au tribunal administratif de Rennes la réduction et la restitution, assortie des intérêts moratoires, de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu acquittée par elle au titre de l'année 2012.

Par un jugement du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande. Mme B... fait appel de ce jugement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Les moyens tirés de ce que les premiers juges auraient commis une erreur de qualification juridique en regardant les sociétés Office Gestion Immobilière et Ouest Gestion Immobilière comme ayant une activité immobilière et en ne jugeant pas que la législation française est en contrariété avec la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relèvent du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Rennes est entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé de l'imposition contestée :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 200 A du code général des impôts, dans sa rédaction issue de l'article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 applicable à compter du 1er janvier 2013 : " (...) / 2. Les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A sont pris en compte pour la détermination du revenu net global défini à l'article 158. / 2 bis. - Par dérogation au 2 du présent article, les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A peuvent être, sur option du contribuable, imposés au taux forfaitaire de 19 % lorsque les conditions suivantes sont remplies : / a) La société dont les titres ou droits sont cédés exerce une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités procurant des revenus garantis en raison de l'existence d'un tarif réglementé de rachat de la production, des activités financières, des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l'article 885 O quater et des activités immobilières. Cette condition s'apprécie de manière continue pendant les dix années précédant la cession ou, si la société est créée depuis moins de dix ans, depuis sa création ; / (...) ". En vertu du A du IV de cet article 10 de la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013 applicable à compter du 1er janvier 2013 : " Par dérogation au 2 de l'article 200 A du code général des impôts (...) les gains nets obtenus dans les conditions prévues à l'article 150-0 A du même code, à l'exception des gains mentionnés au 2 du II du même article (...), réalisés en 2012, sont imposables au taux forfaitaire de 24 %. / Les gains nets mentionnés à l'article 150-0 A du code général des impôts réalisés au titre de l'année 2012 peuvent, sur option du contribuable, être imposés dans les conditions prévues au 2 bis de l'article 200 A du même code, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er janvier 2013, lorsque l'ensemble des conditions prévues à ce même 2 bis sont remplies. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions combinées que, par dérogation au principe d'imposition au barème progressif de l'impôt sur le revenu fixé par le 2 de l'article 200 A du code général des impôts dans sa rédaction issue de la loi du 29 décembre 2012, les plus-values de cession de titres mobiliers réalisées au titre de l'année 2012, sont imposables au taux forfaitaire de 19 % sur option du contribuable lorsque les conditions fixées par le 2 bis inséré après le 2 de l'article 200 A sont remplies.

5. Il résulte de l'instruction et il n'est pas contesté que les sociétés Office Gestion Immobilière et Ouest Gestion Immobilière, dont les titres ont été cédés par Mme B... le 17 janvier 2012, exerçaient une activité de syndic de copropriétés et de gestionnaire de biens immobiliers de location. Contrairement à ce que soutient Mme B..., il ne ressort ni de la lettre du 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts, ni au demeurant des travaux préparatoires à la loi du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, que le législateur ait entendu définir les " activités immobilières " qu'il a exclues du bénéfice du taux réduit de 19% comme ne concernant que les activités de gestion par les sociétés de leur propre patrimoine immobilier. Au surplus, l'activité de syndic de copropriétés et de gestionnaire de biens immobiliers de location ne fait pas partie des actes de commerce mentionnés à l'article L. 110-1 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable, de sorte que la requérante n'est pas fondée à invoquer le caractère commercial de l'activité des deux sociétés dont elle a cédé les parts. Dès lors, les sociétés Office Gestion Immobilière et Ouest Gestion Immobilière ne pouvaient qu'être regardées comme exerçant une activité immobilière au sens du 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts. Ces sociétés ne remplissant pas la condition relative à la nature de l'activité exercée, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que Mme B... ne pouvait pas prétendre au bénéfice du taux réduit de 19%.

6. En second lieu, aux termes de l'article 1er du premier protocole à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel doit, en vertu de l'article 5 du même protocole, être regardé comme un article additionnel à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ". Aux termes de l'article 14 de la même convention : " La jouissance des droits et libertés reconnus par la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l'origine nationale ou sociale, l'appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. ".

7. Les stipulations combinées des articles cités au point 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son premier protocole additionnel peuvent être utilement invoquées pour soutenir que la loi fiscale serait à l'origine de discriminations injustifiées entre contribuables. Une distinction entre des personnes placées dans une situation analogue est discriminatoire, au sens de ces stipulations, si elle n'est pas assortie de justifications objectives et raisonnables, c'est-à-dire si elle ne poursuit pas un objectif d'utilité publique ou si elle n'est pas fondée sur des critères objectifs et rationnels en rapport avec les buts de la loi.

8. Mme B... soutient que la prise de risque et l'implication nécessaire dans le fonctionnement de l'activité d'une société sont les mêmes quelle que soit la nature de la société. Toutefois, à supposer même que les contribuables ayant cédé des titres d'une société exerçant une activité immobilière seraient placés dans la même situation que les contribuables ayant cédé des titres d'une société exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, la distinction prévue au 2 bis de l'article 200 A du code général des impôts est fondée sur des critères objectifs et rationnels dès lors qu'il existe une différence de situation objective liée à l'activité de ces sociétés. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que les dispositions en cause instaurent une discrimination contraire aux stipulations des articles de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales cités au point 6.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande de décharge. Par conséquent, ses conclusions tendant au versement d'intérêts moratoires et celles fondées sur l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 13 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2022.

La rapporteure

P. PicquetLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

2

N° 20NT02720

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02720
Date de la décision : 28/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : SELAFA JUDICIA CONSEILS

Origine de la décision
Date de l'import : 08/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-28;20nt02720 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award