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21/01/2022 | FRANCE | N°21NT02946

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 janvier 2022, 21NT02946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 12 avril 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant leur transfert aux autorités allemandes et les assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2104191, 2104192 du 22 avril 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021, et un mé

moire, enregistré le 28 décembre 2021, M. D... et Mme E..., représentés par Me Néraudau, demanden...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme F... E... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les arrêtés du 12 avril 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant leur transfert aux autorités allemandes et les assignant à résidence pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2104191, 2104192 du 22 avril 2021, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2021, et un mémoire, enregistré le 28 décembre 2021, M. D... et Mme E..., représentés par Me Néraudau, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 22 avril 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté leurs conclusions tendant à l'annulation des arrêtés du 12 avril 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant leur transfert aux autorités allemandes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 12 avril 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant leur transfert aux autorités allemandes ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de leur remettre une attestation de demande d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de réexaminer leur situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- la décision portant transfert aux autorités allemandes méconnaît les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les stipulations des articles 3-1 et 9 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par lettre du 17 novembre 2021, les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative que le présent arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions de la requête tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions à fins d'annulation de l'arrêté de transfert seraient devenues sans objet en raison de l'expiration du délai de 6 mois prévu au 1 de l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

Par deux pièces et un mémoire, enregistrés le 17 novembre 2021 et le 22 décembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête et informe la cour de ce que le délai de transfert de M. D... et Mme E..., en fuite, a été repoussé au 22 octobre 2022.

M. D... et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par deux décisions des 20 et 29 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lainé, président de chambre,

- et les observations de Me Blanchot, représentant M. D... et Mme E....

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme E..., ressortissants azerbaïdjanais nés respectivement le 17 juin 1976 et le 13 avril 1981, déclarent être entrés en France le 2 mars 2021. Ils ont déposé à la préfecture de la Loire-Atlantique une demande d'asile qui a été enregistrée le 5 mars 2021. Par deux décisions du 12 avril 2021, le préfet de Maine-et-Loire a prononcé leur transfert auprès des autorités allemandes pour leur reprise en charge et, par deux décisions du même jour, a également prononcé leur assignation à résidence. Ils relèvent appel du jugement du 22 avril 2021 du magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 12 avril 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant leur transfert aux autorités allemandes. Il ressort des pièces du dossier que les autorités allemandes ont été informées, par l'intermédiaire de l'application " Dublinet ", de ce que le délai de transfert de M. D... et Mme E..., en fuite, a été prolongé jusqu'au 22 octobre 2022.

2. En premier lieu, les requérants se bornent à reprendre en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, le moyen invoqué en première instance tiré de ce que les décisions portant transfert aux autorités allemandes méconnaissent les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 7 à 9 du jugement attaqué.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, notamment en son article 3. Eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire.

4. Si M. D... et Mme E... font état des pathologies dont ils souffrent et dont souffre leur enfant C..., les documents médicaux qu'ils produisent sont constitués de deux convocations à des rendez-vous médicaux et d'un protocole de soins daté du 13 juillet 2021 qui indique que la prise en charge et le suivi sont " en cours d'organisation au CHU Nantes ". Ces éléments ne permettent pas de démontrer à eux seuls que leur état de santé les placerait dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle imposant leur prise en charge en France, d'autant qu'il est constant, au vu des pièces produites en première instance, qu'ils bénéficiaient d'un suivi médical effectif en Allemagne au moment de leur départ. Par ailleurs, si les requérants font valoir qu'ils font l'objet d'une obligation exécutoire de quitter le territoire allemand, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que les autorités de ce pays, Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, n'évalueront pas de leur propre initiative les risques réels de mauvais traitements qui pourraient survenir pour eux à la suite d'un éventuel éloignement forcé vers l'Azerbaïdjan ou qu'ils ne seraient pas en mesure de faire valoir devant ces mêmes autorités tous éléments relatifs à l'évolution de leur situation personnelle et à la situation qui prévaut en Azerbaïdjan. Ainsi, ils ne démontrent pas qu'ils seraient exposés au risque de subir en Allemagne des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et aux dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et que la décision de transfert serait ainsi entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

5. En dernier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 3 et 4 du présent arrêt, que les décisions contestées, qui n'ont pas pour effet de séparer les membres de la famille, ne méconnaissent pas les dispositions de l'article 6 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Les stipulations de l'article 9 de cette même convention ne peuvent être utilement invoquées dès lors qu'elles créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir directement des droits aux intéressés.

6. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du 12 avril 2021 du préfet de Maine-et-Loire. Leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... et Mme E... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., Mme F... E..., à Me Néraudau et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2022.

Le président de chambre, rapporteur,

L. Lainé

L'assesseur le plus ancien dans le grade le plus élevé,

C. Rivas La greffière,

V. Desbouillons

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 21NT029462

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02946
Date de la décision : 21/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Laurent LAINE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 01/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-21;21nt02946 ?
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