La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/01/2022 | FRANCE | N°20NT02640

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 21 janvier 2022, 20NT02640


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Breizh Buzz a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le Pays Centre Ouest Bretagne (COB) à lui verser une somme de 160 000 euros, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait du refus illégal de lui octroyer un " prêt d'honneur innovation ".

Par un jugement n° 1803819 du 30 juin 2020 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les

25 août 2020, 30 mars 2021 et 21 octobre 2021, la société Breizh Buzz, représentée par Me Co...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Breizh Buzz a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner le Pays Centre Ouest Bretagne (COB) à lui verser une somme de 160 000 euros, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait du refus illégal de lui octroyer un " prêt d'honneur innovation ".

Par un jugement n° 1803819 du 30 juin 2020 le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 25 août 2020, 30 mars 2021 et 21 octobre 2021, la société Breizh Buzz, représentée par Me Colmant, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 30 juin 2020 du tribunal administratif de Rennes ,

2°) de condamner le Pays Centre Ouest Bretagne (COB) à lui verser une somme de 160 000 euros, assortie des intérêts à compter de la réception de la demande indemnitaire préalable, avec capitalisation, en réparation des préjudices subis ;

3°) de mettre à la charge du Pays Centre Ouest Bretagne le versement d'une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier car insuffisamment motivé au regard de son argumentation ;

- bien qu'il ait reconnu les fautes commises par le Pays Centre Ouest Bretagne, le tribunal administratif, n'a pas retenu la responsabilité pour faute de cet établissement public, alors même qu'elle a amplement démontré le caractère sérieux de ses chances d'obtenir le " prêt d'honneur innovation " qu'elle avait sollicité ;

- le défaut de financement de ses projets par un " prêt d'honneur innovation " du Pays du Centre Ouest Bretagne a eu des effets négatifs considérables sur son développement, dès lors que ce refus a entraîné un refus d'un prêt bancaire sans intérêt de 20 000 euros, un retard de trente-trois mois sur ses échéances et une perte importante de chiffre d'affaires, qui a eu pour effet la perte de trois salariés sur les quatre qu'elle employait et l'impossibilité de créer les deux autres emplois salariés qu'elle avait envisagé de créer ; son préjudice matériel, qui équivaut à quatre emplois salariés à temps complet, s'élève en conséquence à environ 160 000 euros.

Par un mémoire en défense et des mémoires complémentaires, enregistrés les 10 novembre 2020 et 22 juin 2021, le Pays du centre ouest Bretagne conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la SAS Breizh Buzz au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que la demande de la société Breizh Buzz n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- les conclusions de M. Pons rapporteur public,

- et les observations de Me Fergon, représentant le pays Centre Ouest Bretagne.

Une note en délibéré, enregistrée le 19 janvier 2022, a été présentée pour la SAS Breizh Buzz.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS Breizh Buzz, créée à l'initiative de Mme A... et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Brest le 11 novembre 2012, agissant dans le secteur de la programmation informatique et du développement internet, a sollicité en 2014 auprès de la Plateforme initiative locale du pays Centre Ouest Bretagne (PFIL-COB), association de droit privé, la délivrance d'un " prêt d'honneur innovation ", en vue de réaliser ses projets de développement. Par un courrier du 24 juin 2014, l'association a refusé de lui octroyer le prêt sollicité en indiquant que la procédure applicable à cette demande nécessitait au préalable le passage devant la commission " Neve'O ", structure d'accompagnement des entreprises portée par le pôle d'équilibre territorial et rural COB, et que le dossier ne serait pris en compte par ce pôle qu'après résolution d'un différend préexistant, relatif à l'exécution d'un contrat ayant pour objet la réalisation d'un portail des entreprises intitulé " Numéricob " conclu le 13 janvier 2011 entre le Pays Centre Ouest Bretagne et la SARL Art-Ymédia, en liquidation amiable et dont Mme A... était également gérante. Par des courriels des 7 octobre 2014 et 8 janvier 2015, Mme A... a sollicité la réunion de cette commission " Neve'O " afin que le projet de la SAS Breizh Buzz puisse être examiné. Par un courrier du 26 janvier 2015, le Pays Centre Ouest Bretagne a refusé de faire droit à cette demande, subordonnant l'intervention du service Neve'O au caractère opérationnel de la plateforme dite " Numéricob ". La société Breizh Buzz relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'indemnisation par le Pays du Centre Ouest Bretagne du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait du refus illégal de lui octroyer un " prêt d'honneur innovation. ".

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".

3. En l'espèce, la société requérante soutient que le jugement serait irrégulier en raison de son insuffisante motivation au motif qu'il se serait borné, par une formule laconique, à écarter la responsabilité du Pays Centre Ouest Bretagne, sans expliciter son raisonnement portant sur l'absence de lien de causalité entre les fautes commises et le préjudice subi par elle. Toutefois, il ressort des points 4 à 6 du jugement attaqué que le tribunal administratif de Rennes a rejeté la demande présentée par la SAS Breizh Buzz au titre tant de la responsabilité pour faute que de la responsabilité sans faute, subsidiairement invoquée, du Pays Centre Ouest Bretagne par une motivation tenant à ce que la société demanderesse, à supposer même que les circonstances invoquées par elle soient fautives, ne démontrait pas dans quelle mesure elle était susceptible d'avoir droit au " prêt d'honneur innovation " en litige, dont l'obtention était conditionnée par une expertise préalable portant sur le fond du projet présenté, et qu'ainsi il n'était pas établi qu'elle puisse se prévaloir d'un préjudice financier résultant de façon directe et certaine des agissements de l'établissement Pays COB. Dans ces conditions, le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments de la société requérante, doit être regardé comme ayant suffisamment motivé sa réponse aux moyens développés par la SAS Breizh Buzz au soutien de ses prétentions indemnitaires en lui opposant le défaut d'établissement d'un lien de causalité direct et certain entre les faits fautifs allégués et le préjudice financier invoqué. Ainsi, l'irrégularité alléguée du jugement manque en fait.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la responsabilité pour faute du Pays Centre Ouest Bretagne :

4. En vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, une personne morale a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'elle a effectivement subi. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels la faute commise présente un lien direct de causalité. Dès lors, saisi d'une demande indemnitaire fondée sur l'invocation d'un refus illégal d'accorder une aide à une entreprise, il appartient au juge d'apprécier si le préjudice allégué présente un caractère certain et s'il existe un lien de causalité direct entre la faute de l'administration et le préjudice allégué par les requérants.

5. Le Pays du Centre Ouest Bretagne est un " pôle d'équilibre territorial et rural " créé sous la forme d'un établissement public regroupant plusieurs établissements publics de coopération intercommunale en application de l'article L. 5741-1 du code général des collectivités territoriales. La société Breizh Buzz affirme qu'elle aurait dû bénéficier d'une aide de 20 000 euros de l'association de la Plateforme initiative locale du pays Centre Ouest Bretagne (PFIL COB), sous la forme d'un prêt à taux zéro, que cette aide était un préalable nécessaire à ce que sa banque lui accorde un prêt de même montant ainsi qu'au bénéfice d'un autre dispositif d'aide dénommé " Arkensol " qui prévoyait de lui attribuer une somme de 9 000 euros, que le " refus du Pays COB " a empêché la création de deux emplois supplémentaires et a provoqué le départ d'autres salariés, et ainsi a retardé de trente-trois mois le financement de la fin du développement du projet de plateforme sur lequel elle travaillait, retard dont son comptable a évalué les conséquences à 160 000 euros. Il résulte de ses écritures que la requérante impute le préjudice financier dont elle fait état au blocage de sa demande de " prêt d'honneur innovation " adressée à l'association PFIL COB, seule compétente pour prendre la décision d'octroi ou de refus, résultant du refus du Pays du Centre Ouest Bretagne de réunir la commission " Neve'O " chargée de donner un avis sur ce type de demandes.

6. Toutefois, d'une part, devant la cour, la société Breizh Buzz n'établit pas davantage que, au regard des caractéristiques de ses projets à financer, elle avait droit au " prêt d'honneur innovation " qu'elle a sollicité en 2014. En effet, elle se borne à affirmer que " la simple lecture des écritures présentées par la société Breizh Buzz en première instance suffit à démontrer qu'elle a amplement démontré les chances plus que sérieuses d'obtenir le prêt d'honneur innovation " sans aucunement expliquer en quoi le tribunal aurait apprécié de manière erronée le défaut de lien de causalité pourtant retenu, ni ce qu'étaient les conditions d'octroi du prêt sollicité et en quoi elle les remplissait. Dès lors, en l'absence de toute démonstration sérieuse de l'existence pour elle d'un droit à l'obtention du " prêt d'honneur innovation " sollicité, le préjudice financier dont elle se prévaut, qui en tout état de cause ne pourrait correspondre qu'au bénéfice net perdu et non comme elle le demande au chiffre d'affaires que ses projets étaient supposés générer, apparaît dénué de lien direct et certain avec le refus de l'établissement public Pays du Centre Ouest Bretagne de réunir la commission " Neve'O " chargée de donner un avis sur de telles demandes.

7. D'autre part, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le retard invoqué de trente-trois mois dans la commercialisation de la plateforme que la société Breizh Buzz voulait développer avec l'aide demandée aurait effectivement généré une perte de bénéfice net constituant un manque à gagner indemnisable.

En ce qui concerne la responsabilité sans faute du Pays Centre Ouest Bretagne :

8. La SAS Breizh Buzz n'établit ni même n'allègue avoir été victime d'une rupture d'égalité devant les charges publiques au regard d'autres associations ou sociétés qui, se trouvant dans la même situation, auraient été traitées différemment par le Pays Centre Ouest Bretagne. Par suite, la responsabilité du Pays COB ne saurait être engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la société Breizh Buzz n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à voir condamner le Pays Centre Ouest Bretagne à lui verser une somme de 160 000 euros, en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait du refus illégal de lui octroyer un " prêt d'honneur innovation. ".

Sur les frais de l'instance :

10. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le tribunal ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Dès lors, les conclusions présentées à ce titre par la société Breizh Buzz doivent être rejetées. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative par le Pays Centre Ouest Bretagne.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Breizh Buzz est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du Pays Centre Ouest Bretagne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Breizh Buzz et au pôle d'équilibre territorial et rural du Pays Centre Ouest Bretagne.

Copie en sera transmise au préfet des Côtes d'Armor.

Délibéré après l'audience du 4 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUEGUEN

Le président,

L. LAINÉ

Le greffier,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au préfet des Côtes d'Armor, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT02640


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : COLMANT

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Date de la décision : 21/01/2022
Date de l'import : 01/02/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 20NT02640
Numéro NOR : CETATEXT000045062681 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-21;20nt02640 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award