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18/01/2022 | FRANCE | N°20NT02956

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 18 janvier 2022, 20NT02956


Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2020, 15 avril 2021, 4 mai 2021, 27 mai 2021 et 18 juin 2021 (ce dernier non communiqué), la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le maire de la commune de Carnac (Morbihan) a délivré à la SCI des Druides un permis de construire en vue d'étendre de 1663 m2 un magasin existant sous l'enseigne " Super U " et de créer un poi

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Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 18 septembre 2020, 15 avril 2021, 4 mai 2021, 27 mai 2021 et 18 juin 2021 (ce dernier non communiqué), la SAS Distribution Casino France, représentée par Me Bolleau, demande à la cour :

1°) d'annuler, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, l'arrêté du 14 février 2020 par lequel le maire de la commune de Carnac (Morbihan) a délivré à la SCI des Druides un permis de construire en vue d'étendre de 1663 m2 un magasin existant sous l'enseigne " Super U " et de créer un point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile (" drive ") comportant deux pistes de ravitaillement, ainsi que l'arrêté modificatif du 21 avril 2021 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Carnac, de l'Etat et de la société des Druides une somme de 1 500 euros chacun au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande est recevable ;

- le permis de construire délivré le 14 février 2020 attaqué est irrégulier en ce qu'il a été délivré avant même que la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) ne se prononce ; en application des articles L. 425-4 du code de l'urbanisme et L. 752-1 du code de commerce, l'avis de la CNAC est un préalable à la délivrance du permis de construire ; le permis a été délivré au terme d'une procédure irrégulière ; un tel vice, qui doit être assimilé à un vice d'incompétence, n'est pas régularisable ;

- le permis de construire contesté est irrégulier en ce qu'il a été délivré conformément à un avis de la CNAC insuffisamment motivé ; la CNAC ne s'est pas prononcée sur tous les critères d'évaluation du projet mentionnés par la loi ; son avis est insuffisamment motivé au regard des prescriptions des articles L. 752-20 et R. 752-38 du code de commerce ;

- le permis de construire attaqué a été délivré au regard d'un dossier de demande incomplet ; le dossier est incomplet s'agissant des effets du projet sur l'aménagement du territoire et le développement durable ; les informations relatives aux financements du projet et aux véhicules de livraison sont insuffisantes ;

- le permis est entaché d'erreur d'appréciation au regard des articles L. 750-1 à L. 750-6 du code de commerce ; l'impact du projet sur l'animation urbaine et commerciale est négatif ; le projet emporte une augmentation des flux de circulation et ne prévoit qu'hypothétiquement des aménagements routiers ; la qualité environnementale du projet est insuffisante ; le projet emporte des nuisances sur le voisinage et ne s'insère pas dans l'environnement ; le projet ne comporte aucun effet positif en matière de protection des consommateurs ; il n'est pas établi que le projet serait conforme au plan de prévention des risques littoraux (PPRL) ;

Des mémoires en production de pièces, enregistrés les 20 novembre et 9 décembre 2020, ont été présentés par la commission nationale d'aménagement commercial.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 décembre 2020, 15 mai 2021 et 18 juin 2021 (ce dernier non communiqué), la SAS Au marché des Druides et la SCI des Druides, représentées par Me Renaux, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Distribution Casino France le versement de la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles font valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 5 février, 28 avril et 9 juin 2021, la commune de Carnac, représentée par Me Coudray, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Distribution Casino France le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Chatel, représentant la commune de Carnac, et de Me de Cirugeda substituant Me Renaux, représentant la SCI des Druides et la SAS Au marché des Druides.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI des Druides et la SAS Au marché des Druides ont déposé à la mairie de Carnac (Morbihan) le 21 novembre 2019 une demande de permis de construire, valant autorisation d'exploitation commerciale, et portant, sur un terrain situé avenue des Druides à Carnac, d'une part sur l'extension d'un magasin a` l'enseigne " Super U " d'une surface de vente actuelle de 2 228 m2, en vue d'une surface de vente future a` 3 891 m2, d'autre part sur la création d'un point de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique organisé pour l'accès en automobile (" drive "), comportant deux pistes de ravitaillement. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) du Morbihan a émis un avis favorable à ce projet le 5 février 2020. La société Distribution Casino France, exploitante d'un magasin " Casino " sur le territoire de la commune de Carnac, a saisi la Commission nationale d'aménagement commercial d'un recours préalable obligatoire le 9 mars 2020. Par un avis du 25 juin 2020, la Commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) a rejeté ce recours et s'est prononcée favorablement sur le projet. Par un arrêté du 14 février 2020, antérieur à l'avis de la CNAC, le maire de Carnac a délivré le permis de construire demandé, valant autorisation d'exploitation commerciale. La société Distribution Casino France demande l'annulation de l'arrêté du 14 février 2020, ainsi que celle de l'arrêté du 21 avril 2021 par lequel le maire de Carnac a délivré un permis modificatif.

Sur les conclusions en annulation :

En ce qui concerne l'arrêté de permis de construire du 14 février 2020 valant autorisation d'exploitation commerciale :

S'agissant du moyen tiré de ce que le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ne peut être légalement délivré avant que la Commission nationale d'aménagement commercial ait émis son avis :

2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ". Ainsi, en cas de recours introduit devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale compétente, ou en cas d'auto-saisine de la commission nationale, l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, qui bénéficie d'un délai d'instruction prolongé de cinq mois en vertu des dispositions de l'article R. 423-36-1 du code de l'urbanisme, doit attendre l'intervention de l'avis, exprès ou tacite, de la commission nationale pour délivrer le permis. En effet, cet avis se substituant à l'avis de la commission départementale, le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ne saurait légalement intervenir avant qu'il ait été rendu. En revanche, le permis n'est pas illégal s'il est délivré durant le délai de recours d'un mois contre l'avis de la commission départementale et qu'aucun recours n'a encore été formé ou que la commission nationale ne s'est pas saisie elle-même. L'insécurité qui résulterait de ce que sa légalité pourrait être mise ultérieurement en cause à raison d'un avis négatif de la commission nationale, que celle-ci soit saisie d'un recours ou qu'elle s'autosaisisse, conduit toutefois à recommander à l'administration d'éviter de délivrer le permis avant l'expiration de ces délais.

3. Il ressort des pièces du dossier que la Commission nationale d'aménagement commercial a été saisie 9 mars 2020 d'un recours formé en application de l'article L. 752-17 du code de commerce contre l'avis, favorable au projet de la société des Druides, émis par la commission départementale d'aménagement commercial du Morbihan du 4 février 2020. Dès lors, en vertu des principes énoncés au point précédent, le maire de Carnac pouvait légalement délivrer un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale à la société des Druides le 14 février 2020, date à laquelle aucun recours n'avait encore été formé devant la Commission nationale d'aménagement commercial, laquelle ne s'était pas saisie elle-même.

S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'avis de la CNAC :

4. Aux termes de l'article R. 752-38 du code de commerce : " (...) L'avis ou la décision est motivé, signé par le président et indique le nombre de votes favorables et défavorables ainsi que le nombre d'abstentions ". Si, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions de la Commission nationale d'aménagement commercial, les décisions qu'elle prend doivent être motivées, cette obligation n'implique pas que la commission soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables.

5. En l'espèce, l'avis émis par la commission nationale lors de sa séance du 25 juin 2020 rappelle les caractéristiques principales du projet, ainsi que sa localisation. Il précise que le projet est compatible avec le schéma de cohérence territoriale du Pays d'Auray, que le taux de vacance est faible dans le centre-ville de la commune de Carnac et qu'un seul point permanent de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile, est exploité dans la zone de chalandise. Il mentionne que les infrastructures existantes, et notamment les conditions de desserte, sont suffisantes pour supporter l'extension envisagée, laquelle est conforme à la norme " RT 2012 ". L'avis indique enfin que l'insertion paysagère et architecturale du bâtiment est satisfaisante, et que le projet présente plusieurs mesures visant à favoriser le confort d'achat des consommateurs. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial n'est pas suffisamment motivé doit être écarté.

S'agissant du moyen tiré de l'insuffisance de la composition du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale :

6. En premier lieu, aux termes de l'article R. 752-6 du code de commerce, dans sa rédaction applicable au litige : " La demande est accompagnée d'un dossier comportant les éléments suivants : 1° Informations relatives au projet : (...) g) Autres renseignements : / (...) - les aménagements paysagers en pleine terre ; / - les activités annexes éventuelles n'entrant pas dans le champ d'application de la loi ;/ 2° Informations relatives à la zone de chalandise et à l'environnement proche du projet :/ a) Une carte ou un plan indiquant les limites de la zone de chalandise, accompagné :/ - des éléments justifiant la délimitation de la zone de chalandise ;/ - de la population de chaque commune ou partie de commune comprise dans cette zone, de la population totale de cette zone et de son évolution entre le dernier recensement authentifié par décret et le recensement authentifié par décret dix ans auparavant ; / - d'une description de la desserte actuelle et future (routière, en transports collectifs, cycliste, piétonne) et des lieux exerçant une attraction significative sur la population de la zone de chalandise, notamment les principaux pôles d'activités commerciales, ainsi que du temps de trajet véhiculé moyen entre ces lieux et le projet ; - lorsqu'il est fait état d'une fréquentation touristique dans la zone de chalandise, des éléments justifiant les chiffres avancés ; (...) c) Une carte ou un plan de la desserte du lieu d'implantation du projet par les transports collectifs, voies piétonnes et pistes cyclables ;/ d) Une carte ou un plan des principales voies et aménagements routiers desservant le projet ainsi que les aménagements projetés dans le cadre du projet ;/e) En cas de projet situé dans ou à proximité d'une zone commerciale : le plan ou la carte de cette zone ;/ 4° Effets du projet en matière d'aménagement du territoire. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet sur l'aménagement du territoire, incluant les éléments suivants : / a) Contribution à l'animation des principaux secteurs existants ; / b) Prise en compte de l'objectif de compacité des bâtiments et aires de stationnement ; / c) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site, ainsi que des capacités résiduelles d'accueil des infrastructures de transport existantes ; / d) Evaluation des flux journaliers de circulation des véhicules de livraison générés par le projet et description des accès au projet pour ces véhicules ; / e) Indication de la distance du projet par rapport aux arrêts des moyens de transports collectifs, de la fréquence et de l'amplitude horaire de la desserte de ces arrêts ; / f) Analyse prévisionnelle des flux de déplacement dans la zone de chalandise, tous modes de transport confondus, selon les catégories de clients ; / g) En cas d'aménagements envisagés de la desserte du projet : tous documents garantissant leur financement et leur réalisation effective à la date d'ouverture de l'équipement commercial ; / 5° Effets du projet en matière de développement durable. / Le dossier comprend une présentation des effets du projet en matière de développement durable, incluant les éléments suivants : / a) Présentation des mesures, autres que celles résultant d'obligations réglementaires, destinées à réduire la consommation énergétique des bâtiments ; / b) Le cas échéant, description des énergies renouvelables intégrées au projet et de leur contribution à la performance énergétique des bâtiments ; / d) Description des mesures propres à limiter l'imperméabilisation des sols ; / e) Description des mesures propres à limiter les pollutions associées à l'activité, notamment en matière de gestion des eaux pluviales et de traitement des déchets ; f) Description des nuisances visuelles, lumineuses, olfactives et sonores générées par le projet et des mesures propres à en limiter l'ampleur ( ...) ". La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de commerce, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé, en tant qu'il vaut autorisation d'exploitation commerciale, que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. D'une part le dossier de demande de permis de construire précise les caractéristiques urbaines de la zone d'implantation, ainsi que l'impact visuel et sonore du projet sur le centre-ville de Carnac. L'analyse paysagère décrit l'environnement immédiat de la parcelle d'assiette ainsi que la végétation existante, et mentionne la plantation de 63 arbres et de haies denses sur le site. Des plans et pièces graphiques figurant dans le dossier permettent, par ailleurs, de situer les zones concernées par ces aménagements. Le dossier complémentaire présente également les caractéristiques environnementales du projet et les matériaux utilisés, la consommation de l'espace prévisibles, ainsi que les mesures permettant de limiter l'imperméabilisation des sols et les pollutions, notamment en matière de gestion des eaux pluviales. Par suite, l'autorité administrative a disposé d'éléments suffisants pour apprécier les effets du projet en matière d'aménagement du territoire et de développement durable.

8. D'autre part le dossier de demande comporte des indications sur la zone de chalandise, validée par le service instructeur, et tient compte de la nature et de la taille des équipements envisagés, du temps de déplacement nécessaire pour y accéder, de la population, de la fréquentation touristique, ainsi que du pouvoir d'attraction des équipements commerciaux existants. Par ailleurs, le même document expose les voies de desserte routière et les accès existants et futurs du projet, les flux actuels globaux de circulation et ceux générés par le projet. Le document décrit les conditions d'accès, de décharge, et de sortie des véhicules de livraison. Dès lors, et contrairement à ce que soutient la société requérante, l'autorité administrative a disposé d'éléments suffisants pour apprécier les effets du projet sur les flux de circulation des véhicules générés par le projet sur les principaux axes de desserte du site.

9. Enfin l'aménagement du parc de stationnement existant sur le site du magasin " Super U " s'entend des modalités d'accès immédiat du projet et de l'agencement interne du terrain d'assiette, et non de sa desserte par les axes de circulation et les moyens de transport. Cet aménagement interne ne saurait ainsi être assimilé aux aménagements de la desserte du projet, au sens des dispositions du g) du 4° de l'article R. 752-6, rappelées au point 6, qui nécessiteraient l'intervention de la collectivité publique gestionnaire de la voie concernée. Par suite, la société requérante ne peut utilement soutenir que le dossier de demande ne comporterait aucun document garantissant le financement et la réalisation effective d'un tel aménagement à la date d'ouverture de l'équipement commercial.

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le dossier de demande ne répondrait pas aux exigences de l'article R. 752-6 du code de commerce et aurait faussé l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable doit être écarté.

S'agissant du moyen tiré de la méconnaissance des critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce :

11. D'une part, aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ".

12. D'autre part, aux termes du troisième alinéa de l'article 1er de la loi du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat : " Les pouvoirs publics veillent à ce que l'essor du commerce et de l'artisanat permette l'expansion de toutes les formes d'entreprises, indépendantes, groupées ou intégrées, en évitant qu'une croissance désordonnée des formes nouvelles de distribution ne provoque l'écrasement de la petite entreprise et le gaspillage des équipements commerciaux et ne soit préjudiciable à l'emploi ". Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine (...) ".

13. Enfin, aux termes de l'article L. 752-6 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, issue de l'article 166 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 : " I. -L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable :/ a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ;/ b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.-A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. (...). ".

14. Il résulte de ces dispositions combinées que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la conformité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article

L. 752-6 du code de commerce. Les dispositions ajoutées au I de l'article L. 752-6 du code de commerce, par la loi du 23 novembre 2018, poursuivent l'objectif d'intérêt général de favoriser un meilleur aménagement du territoire et, en particulier, de lutter contre le déclin des centres-villes. Elles se bornent à prévoir un critère supplémentaire pour l'appréciation globale des effets du projet sur l'aménagement du territoire et ne subordonnent pas la délivrance de l'autorisation à l'absence de toute incidence négative sur le tissu commercial des centres-villes.

Quant à l'aménagement du territoire :

15. Il ressort des pièces du dossier que le projet litigieux vise à l'extension d'un magasin a` l'enseigne " Super U ", situé à environ 2,5 km au sud-est du centre-bourg de Carnac, d'une surface de vente actuelle de 2 228 m2, pour porter sa surface de vente future a` 3 891 m2, ainsi qu'à la création d'un point de retrait par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, organisés pour l'accès en automobile.

16. D'une part, ce projet prendra place sur les mêmes terrains d'assiette que ceux de l'actuel magasin " Super U ", lequel constitue l'enseigne commerciale la plus fréquentée par la population communale. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles accueillant le projet se situent dans le secteur de " Carnac-Plage ", à proximité immédiate d'espaces constitués d'habitats pavillonnaires individuels en tissu urbain continu, de cinq campings, d'un village vacances et d'un club de plage. La structure du bâtiment actuel sera conservée, et la façade complètement rénovée. Les extensions seront réalisées en continuité avec l'immeuble existant et comporteront un bardage " d'aspect bois " afin de s'insérer dans l'environnement immédiat.

17. D'autre part, le projet prévoit 231 places de stationnement situées à l'ouest et au nord-est du bâtiment. S'il a pour conséquence de créer 56 places supplémentaires, il prévoit toutefois une diminution de la surface imperméable actuelle, dès lors que 82 places de parking disposeront d'un revêtement perméable de type " evergreen ", autorisant la circulation ou le stationnement sur un espace vert toute l'année sans le dégrader, et que le parvis béton de 928 m2 sera remplacé par des noues paysagères permettant la rétention, l'acheminement et l'infiltration des eaux pluviales. Aucune construction nouvelle ne sera implantée en limite de propriété. Le projet, qui a pour effet d'artificialiser environ 1 000 m2 d'espaces naturels, se traduit par une consommation limitée de l'espace.

18. Enfin, il ressort des pièces du dossier que les flux supplémentaires de véhicules générés par le projet, compris entre environ 150 et 400 par jour en fonction du jour de la semaine et de la saison, n'auront pas d'impact notable sur les axes routiers environnants, compte tenu de leurs réserves de capacités. Le projet, situé au sein de l'agglomération existante, sera desservi par les transports en commun et demeure facilement accessible aux piétons et aux cyclistes. L'augmentation limitée de la clientèle n'a pas pour effet de modifier significativement les conditions actuelles d'accès au site. La requérante ne conteste pas sérieusement l'allégation selon laquelle la suppression du bâtiment actuellement implantée sur le parking, ainsi que l'abandon des constructions saisonnières de type barnum dressées chaque année pour la vente des produits saisonniers, va améliorer les conditions de circulation sur le parking, notamment au cours de la saison estivale. Enfin, contrairement à ce que soutient la société requérante, il ne ressort pas des pièces du dossier que les conditions d'accès, de décharge, et de sortie des véhicules de livraison présenteront des risques pour la sécurité des usagers.

19. Par conséquent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet serait de nature à compromettre la réalisation de l'objectif énoncé par la loi en matière d'aménagement du territoire.

Quant au développement durable :

20. D'une part, et ainsi qu'il a été dit au point 17, il ressort des pièces du dossier que la création d'une aire de stationnement entièrement perméable pour le personnel, la réalisation de 42 places de parking de type " evergreen " pour la clientèle, et la transformation du parvis en béton du bâtiment, permettent de réduire le taux d'imperméabilisation des sols. Le projet prévoit la suppression de 25 arbres et la plantation de 63 arbres et de haies denses sur le site. Les plantations seront redistribuées en limite de parcelle et entre les emplacements de stationnement.

21. D'autre part plusieurs améliorations relatives à la consommation d'énergie sont prévues, telles que l'éclairage par des diodes électroluminescentes (LED), l'installation de 1 100 m2 de panneaux photovoltaïques, dont l'électricité produite sera notamment réutilisée pour alimenter l'intérieur du magasin principal, et la mise en place de dispositifs économes en eau. L'exploitant envisage par ailleurs la mise en conformité du bâtiment avec les normes d'isolation, notamment " RT 2012 ". La collecte des eaux usées et des déchets n'est pas significativement modifiée par le projet. Il n'apparaît pas que l'extension envisagée, ainsi que la création du " drive ", génèrent des nuisances sonores, olfactives ou visuelles supplémentaires, ou aient un impact sur les zones de protection de la faune et de la flore situées à proximité du projet.

22. Il résulte de ce qui précède qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet serait de nature à compromettre la réalisation de l'objectif énoncé par la loi en matière de développement durable.

Quant à la protection des consommateurs :

23. D'une part, comme il a été dit, le projet est situé sur le territoire de la commune de Carnac, à environ 2,5 km de son centre-ville, au sein des lieux de vie du secteur de Carnac-Plage. Il sera aisément accessible en voiture individuelle, mais également en transport en commun, à vélo et à pied. Son extension permettra notamment de limiter les déplacements contraints vers des pôles commerciaux extérieurs à la zone de chalandise, laquelle a vocation à accueillir des consommateurs habituels, mais également de nombreux touristes.

24. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que le projet d'extension répond à un besoin des consommateurs, notamment de la population communale, augmentée d'environ 46 000 habitants au cours de la saison estivale. Il vise à contribuer à l'amélioration du confort d'achat et à la valorisation des filières de production locales, l'enseigne ayant déjà développé un partenariat avec une quarantaine de producteurs locaux, dont les produits sont en vente dans le magasin actuel. La commune présente dans son centre-ville un faible taux de cellules commerciales vacantes, de l'ordre de 3 ,3 %. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux aura pour effet d'améliorer ni d'aggraver la situation ou présentera un impact significatif sur la pérennité des commerces de bouche du centre-bourg. Le rapport de la direction des territoires et de la mer du 7 janvier 2020 relève notamment que l'implantation du " Super U ", à proximité du centre-ville, " lui permet d'être proche de la population et des autres commerces de centre-bourg, dynamisant ainsi le centre de la commune de Carnac ". Le point de retrait " drive " n'a au demeurant pas vocation à s'installer plus près du centre-ville. Alors que le magasin emploie actuellement 69 personnes en dehors de la période estivale, et 140 pendant l'été, le projet vise à créer 14 emplois supplémentaires. Contrairement à ce que soutient la société requérante, qui n'assortit son argumentation d'aucune précision, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet méconnaîtrait le plan de prévention des risques littoraux ou le plan de prévention des risques d'inondations de Carnac.

25. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que le projet litigieux serait de nature à compromettre la réalisation des objectifs énoncés par la loi en matière de protection des consommateurs.

26. Il suit de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué méconnaît les critères fixés par l'article L. 752-6 du code de commerce doit être écarté.

27. Il résulte de tout ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 14 février 2020 du maire de Carnac en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale.

En ce qui concerne l'arrêté de permis de construire du 21 avril 2021 :

28. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif délivré par le maire de Carnac le 21 avril 2021 a pour objet d'ajouter un puits d'infiltration des eaux pluviales et d'une pompe de relevage, de modifier les clôtures et le portail d'accès et de rendre accessible le plateau des bureaux, situé en R+1, aux personnels à mobilités réduites. A l'appui de ses conclusions dirigées contre ce permis modificatif, la société requérante soulève des moyens identiques à ceux invoqués à l'appui des conclusions dirigées contre le permis du 14 février 2020. Dès lors que les griefs correspondants sont sans lien avec les modifications apportées par le permis modificatif du 21 avril 2021, il résulte de ce qui a été dit plus haut que ces moyens doivent être écartés, si bien que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 21 février 2021 du maire de Carnac portant permis de construire modificatif.

29. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Distribution Casino France doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Carnac, de l'Etat et de la société des Druides, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que la société Distribution Casino France demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans dépens.

31. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Distribution Casino France une somme globale de 1 500 euros à verser à la SAS Au marché des Druides et à la SCI des Druides et la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Carnac au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.

Article 2 : La société Distribution Casino France versera une somme globale de 1 500 euros à la SAS Au marché des Druides et à la SCI des Druides et la somme de 1 500 euros à la commune de Carnac au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France, à la SAS Au marché des Druides, à la SCI des Druides, à la commune de Carnac et au ministre de l'économie, des finances et de la relance (Commission nationale d'aménagement commercial).

Délibéré après l'audience du 3 janvier 2022, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme Buffet, présidente-assesseure,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 18 janvier 2022.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 20NT02956


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02956
Date de la décision : 18/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : CONCORDE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-18;20nt02956 ?
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