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07/01/2022 | FRANCE | N°21NT02348

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 janvier 2022, 21NT02348


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 13 janvier 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités suisses, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2100531 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 août et 8 décembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Ne

raudau, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler les deux arrêtés du 13 janvier 2021 par lesquels le préfet de Maine-et-Loire, d'une part, a décidé son transfert aux autorités suisses, d'autre part, l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2100531 du 29 janvier 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 août et 8 décembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Neraudau, demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 29 janvier 2021 en tant qu'il rejette sa demande d'annulation de la décision portant transfert vers la Suisse ;

2°) d'annuler l'arrêté du 13 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire décidant son transfert vers la Suisse ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demande d'asile en procédure normale et, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert n'est pas suffisamment motivé ;

- il est intervenu à l'issue d'une procédure irrégulière en méconnaissance des dispositions de l'articles 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté procède d'une application manifestement erronée de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 qui permet de déroger aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile avec un risque de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne au regard de son état de santé, des risques encourus en Suisse dont celui de renvoi en Erythrée ;

- la France doit se voir reconnaitre responsable de l'examen de sa demande d'asile dès lors qu'il n'est pas établi qu'il a été régulièrement placé en fuite au regard du 2 de l'article 9 du réglement (UE) n° 1560/2003 du Parlement européen et du Conseil du 2 septembre 2003.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés et que l'intéressé ayant été déclaré en fuite, le délai de son transfert a été reporté au 29 juillet 2022.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 1560/2003 du Parlement européen et du Conseil du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- l'accord signé le 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre ou en Suisse ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas ;

- et les observations de Me Blanchot, substituée à Me Neraudau, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant érythréen né en 1991, a fait l'objet d'une première mesure de transfert vers la Suisse qui a été exécutée le 19 octobre 2020. L'intéressé, qui déclare être revenu sur le territoire français le 20 novembre 2020, a de nouveau sollicité l'asile auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique qui ont enregistré sa demande le 25 novembre suivant. Sur le fondement des résultats de la consultation du fichier Eurodac qui avait révélé que l'intéressé avait déposé une demande d'asile en Suisse le 6 octobre 2017, le préfet de Maine-et-Loire a sollicité, le 26 novembre 2020, sa reprise en charge par les autorités suisses, lesquelles ont fait connaitre leur accord le 27 novembre suivant sur le fondement du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par deux arrêtés du 13 janvier 2021 le préfet de Maine-et-Loire a décidé le transfert de M. A... aux autorités suisses, responsables de l'examen de sa demande d'asile, tout en l'assignant à résidence dans le département de la Loire-Atlantique pour une durée de quarante-cinq jours. Par un jugement du 29 janvier 2021, dont M. A... relève appel en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2021 décidant son transfert, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'annulation de ces arrêtés. Le préfet indique que l'intéressé ayant été déclaré en fuite, le délai de son transfert a été reporté au 29 juillet 2022.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. D'une part, aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à (...) dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Aux termes du II de l'article L. 742-4 du même code : " (...) Lorsqu'une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. (...) ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Ni un appel ni le sursis à exécution du jugement accordé par le juge d'appel sur une demande présentée en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative n'ont pour effet d'interrompre ce nouveau délai. Son expiration a pour conséquence qu'en application des dispositions du paragraphe 2 de l'article 29 du règlement précité, l'Etat requérant devient responsable de l'examen de la demande de protection internationale.

3. D'autre part, l'article 9, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, tel que modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, dispose qu'il " incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 29, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois (...) d'informer l'Etat responsable avant l'expiration de ce délai ", à défaut de quoi " la responsabilité du traitement de la demande de protection internationale (...) incomb[e] à cet État membre ". Il résulte de cette disposition que, même lorsqu'un demandeur d'asile est en situation de fuite, au sens de l'article 29 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 604/2013, et que cette situation a été constatée à l'intérieur du délai normal de transfert de six mois par l'Etat membre ayant émis une requête aux fins de reprise en charge de ce demandeur d'asile, cet Etat membre devient responsable de la demande d'asile lorsque, n'ayant pas procédé au transfert de l'intéressé dans le délai de six mois, il ne justifie pas avoir informé l'Etat membre responsable de la demande d'asile, à l'intérieur de ce délai, de la prolongation de celui-ci résultant de la situation de fuite.

4. En l'espèce, M. A..., qui ne conteste pas être en fuite, soutient qu'il n'est pas établi que les autorités suisses aient été averties du report de son transfert vers cet Etat. Il doit ainsi être regardé comme faisant valoir qu'il n'y a plus lieu de statuer sur la décision de transfert aux autorités suisses dès lors que la France serait devenue responsable de l'examen de sa demande de protection internationale à l'expiration du délai de droit commun de six mois courant à compter de la notification au préfet du jugement attaqué, soit le 29 janvier 2021.

5. Le préfet de Maine-et-Loire justifie, par la production du courrier " validé et certifié par l'Unité Dublin " lors de sa transmission via Dublinet, ainsi que par celle de son courriel du 4 mai 2021 à ce service, portant le numéro de référence Dublin du dossier de M. A..., auquel cette pièce était jointe, que les autorités suisses ont été informées de la situation de fuite de M. A.... Par suite, le délai de transfert vers la Suisse de ce dernier, qui a recommencé à courir le 29 juillet 2021 a été porté à dix-huit mois, par application de l'article 29 paragraphe 2 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il suit de là que l'exception de non-lieu à statuer soulevée par M. A... ne peut qu'être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. En premier lieu, en application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

7. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. Ainsi, doit notamment être regardée comme suffisamment motivée, s'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

8. La décision de transfert contestée vise notamment le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en particulier son article L. 742-3. Elle indique également que M. A... a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de la Loire-Atlantique et que les recherches entreprises sur le fichier Eurodac ont fait apparaître qu'il avait déposé une demande d'asile en Suisse en 2017. Elle doit être regardée comme suffisamment motivée, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement. Cette décision comporte également un exposé de la situation personnelle et familiale de l'intéressé et de son parcours migratoire. Elle comprend ainsi un exposé détaillé des considérations de droit et de fait sur lesquelles le préfet de Maine-et-Loire s'est fondé pour considérer la Suisse comme responsable de l'examen de la demande d'asile de M. A... et décider son transfert auprès des autorités de ce pays, malgré les craintes exprimées par l'intéressé sur ce point. Par suite, et alors même que cette décision ne vise pas l'accord signé le 26 octobre 2004 entre la Communauté européenne et la Confédération suisse relatif aux critères et aux mécanismes permettant de déterminer l'Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile introduite dans un Etat membre ou en Suisse, le moyen tiré de ce que la décision ne satisferait pas à l'exigence légale de motivation doit être écarté.

9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : /a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; /b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; /c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; /d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; /e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; /f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

10. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit se voir remettre l'ensemble des éléments d'information prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. La remise de ces éléments doit intervenir en temps utile pour lui permettre de faire valoir ses observations, c'est-à-dire au plus tard lors de l'entretien prévu par les dispositions de l'article 5 du même règlement, entretien qui doit notamment permettre de s'assurer qu'il a compris correctement ces informations. Eu égard à leur nature, la remise par l'autorité administrative de ces informations prévues par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Il ressort des pièces du dossier que le requérant a reçu, le 25 novembre 2020, le guide du demandeur d'asile, ainsi que la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de ma demande d'asile ", et la brochure B intitulée " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce-que cela signifie ' " rédigées en langue tigrigna. L'intéressé, qui a signé le résumé de l'entretien individuel du même jour, réalisé à l'aide d'un interprète en tigrigna, doit être regardé comme ayant reconnu, comme cela est précisé dans ce document, que ces informations lui ont été remises antérieurement dans une langue qu'il comprenait. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Par ailleurs, il résulte de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".

13. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Suisse constitue un pays associé au règlement de Dublin ainsi que le mentionne, en son annexe X, le règlement d'exécution (UE) 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers. Il s'ensuit que les règles établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers sont applicables à la Suisse et que la Suisse doit être regardée comme un Etat membre pour l'application des dispositions citées au point 8.

14. Par ailleurs, eu égard au niveau de protection des libertés et des droits fondamentaux dans les Etats membres de l'Union européenne et en Suisse, lorsque la demande de protection internationale a été introduite dans un Etat autre que la France, que cet Etat a accepté de prendre ou de reprendre en charge le demandeur et en l'absence de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, les craintes dont le demandeur fait état quant au défaut de protection dans cet Etat membre doivent en principe être présumées non fondées, sauf à ce que l'intéressé apporte, par tout moyen, la preuve contraire. La seule circonstance qu'à la suite du rejet de sa demande de protection par cet Etat membre l'intéressé serait susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement ne saurait caractériser la méconnaissance par cet Etat de ses obligations.

15. Si M. A... établit que les autorités suisses lui ont notifié en janvier 2020 une décision de refus de protection internationale assortie de la mention " Vous devez quitter la Suisse ", l'existence d'une obligation de quitter le territoire suisse qui lui aurait été notifiée en octobre 2020 et d'un refus d'examiner sa situation au regard de l'asile à cette occasion ne sont pas établis. Si M. A... poursuit en soutenant qu'il sera exposé en Suisse à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, faute de toute prise en charge matérielle ou médicale, une telle situation ne ressort pas des pièces du dossier, l'intéressé n'établissant du reste pas s'être présenté aux autorités suisses après son transfert effectué par les autorités françaises le 19 octobre 2020. Si M. A... fait également valoir que l'article 3 de la loi suisse du 26 juin 1998 sur l'asile dispose que : " Ne sont pas des réfugiés les personnes qui, au motif qu'elles ont refusé de servir ou déserté, sont exposées à de sérieux préjudices ou craignent à juste titre de l'être ", ce même article précise, sur ce point, que " Les dispositions de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés sont réservées ", ce dont il résulte que l'intéressé ne saurait être moins bien traité en Suisse qu'en France en qualité de demandeur d'asile au motif qu'il serait déserteur dans son pays d'origine. De manière générale, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existerait de sérieuses raisons de croire que sont constatées en Suisse des défaillances systémiques dans le traitement des demandeurs d'asile, y compris au regard de la situation des ressortissants Erythréens. En dernier lieu, M. A... fait valoir qu'il présente un état de santé défaillant empêchant son transfert. Cependant les éléments présentés, constitués de diverses prescriptions médicales, et d'un bilan sanguin du 28 juillet 2020 établissant une " infection à VHB ancienne et résolutive probable ", n'établissent pas que l'intéressé se trouve dans une situation de vulnérabilité exceptionnelle. Par conséquent, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse serait contraire à ces stipulations et dispositions ne peuvent qu'être écartés. Il en va de même du moyen tiré de ce que la décision de transfert serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

16. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent, par voie de conséquence, être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

5

N° 21NT02348


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02348
Date de la décision : 07/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : NERAUDAU

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-07;21nt02348 ?
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