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07/01/2022 | FRANCE | N°21NT02301

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 07 janvier 2022, 21NT02301


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Sarthe pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100996 du 5 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2021, M. B..., rep...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence dans le département de la Sarthe pour une durée de quarante-cinq jours.

Par un jugement n° 2100996 du 5 février 2021, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 août 2021, M. B..., représenté par Me Guérin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 5 février 2021 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'annuler les arrêtés du 22 janvier 2021 du préfet de Maine-et-Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire d'enregistrer sa demande d'asile en procédure normale et de lui délivrer un récépissé à ce titre dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de reprendre l'instruction de sa demande et de rendre une nouvelle décision dans le délai d'un mois à compter de cet arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire, à titre subsidiaire, de verser aux débats les éléments de procédure non communiqués, en particulier le justificatif de la transmission au préfet par la structure de pré-accueil du document attestant de l'intention de solliciter la protection internationale et la fiche de l'interprète établie lors de l'entretien individuel ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

sur la régularité du jugement attaqué :

- le jugement est entaché d'erreurs de fait portant sur la méconnaissance du droit à l'information et sur l'impossibilité pour la Roumanie de le reprendre en charge à la date de l'arrêté contesté ;

- il est entaché de deux erreurs de droit portant d'une part sur la mise en œuvre des critères de détermination de l'Etat membre responsable de sa demande d'asile, d'autre part sur le prétendu accord des autorités roumaines pour sa reprise en charge, lequel ne résulte que d'un document non traduit en langue française ;

- il est entaché d'erreurs manifestes d'appréciation, concernant les risques de persécutions qu'il encourt en Roumanie en cas de transfert, la réalité des défaillances systémiques existant en Roumanie et le défaut d'application de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 qui, dans son cas, aurait dû être mis en œuvre ;

en ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités roumaines :

- la décision n'est pas suffisamment motivée ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure, dès lors qu'il n'est pas établi qu'il se soit vu délivrer par écrit les informations prévues à l'article 4 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, dans une langue qu'il comprend, dès le début de la procédure ;

- il n'est pas établi que l'entretien prévu à l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 a eu lieu dans une langue qu'il comprend et dans des conditions conformes à ces dispositions ;

- la décision est entachée d'un défaut d'examen de la situation personnelle du requérant ;

- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qu'il est relevé que les frontières sont ouvertes, dès lors qu'il ressort du site de l'ambassade de France en Roumanie que les citoyens non européens sont interdits d'entrer sur le territoire de la Roumanie ;

- la décision est entachée d'erreur de droit dans l'application de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et d'un défaut de base légale, faute de précision apportée aux autorités roumaines quant au texte fondant leur saisine par les autorités françaises ;

- la décision est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions des articles 3, 7 et 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors qu'elle ne met pas en œuvre, dans l'ordre prévu par ces dispositions, les critères de détermination de l'Etat membre responsable de sa demande d'asile ;

- le préfet ne justifie pas avoir sollicité une reprise en charge auprès des autorités grecques ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et méconnaît le paragraphe 2 de l'article 3 de ce règlement ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

en ce qui concerne l'arrêté portant assignation à résidence :

- l'illégalité de la décision prononçant son transfert aux autorités roumaines entraîne l'illégalité de l'arrêté l'assignant à résidence ;

- la décision portant assignation à résidence est insuffisamment motivée ;

- la décision contestée est entachée d'erreur de droit au regard des dispositions du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 décembre 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Le préfet de Maine-et-Loire a produit des pièces, enregistrées le 13 septembre 2021, aux termes desquelles le délai de transfert a été reporté au 5 août 2022.

M. B... a produit un nouveau mémoire, enregistré le 10 décembre 2021, non communiqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 juin 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guéguen, premier conseiller,

- et les observations de Me Guérin, représentant M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 22 juin 2001, déclarant être entré irrégulièrement en France le 15 novembre 2020, a présenté une demande d'asile auprès de la préfecture de Maine-et-Loire le 9 décembre 2020. Les recherches effectuées sur le fichier Eurodac ont fait apparaître qu'il avait sollicité l'asile auprès des autorités roumaines. Celles-ci ont été saisies le 15 décembre 2020 sur le fondement du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour une reprise en charge de l'intéressé. Les autorités roumaines ayant expressément accepté la reprise en charge de M. B... par accord du 29 décembre 2020, le préfet de Maine-et-Loire a pris à son encontre le 22 janvier 2021 la décision de transfert en litige. Par un autre arrêté du 22 janvier 2021, le préfet de Maine-et-Loire a également assigné à résidence M. B... pour une durée de quarante-cinq jours. M. B... relève appel du jugement du 5 février 2021 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités roumaines, responsables de l'examen de sa demande d'asile, et de l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2 Aux termes de l'article 29, paragraphe 1, du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, le transfert du demandeur vers l'Etat membre responsable de l'examen de sa demande d'asile doit s'effectuer " dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation par un autre Etat membre de la requête aux fins de la prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l'effet suspensif est accordé conformément à l'article 27, paragraphe 3 ". Aux termes du paragraphe 2 du même article : " Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, l'État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l'État membre requérant. Ce délai peut être porté à (...) dix-huit mois au maximum si la personne concernée prend la fuite ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'introduction d'un recours devant le tribunal administratif contre la décision de transfert a pour effet d'interrompre le délai de six mois fixé à l'article 29 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui courait à compter de l'acceptation du transfert par l'Etat requis, délai qui recommence à courir intégralement à compter de la date de notification à l'autorité administrative du jugement du tribunal administratif statuant au principal sur cette demande, quel que soit le sens de sa décision. Si la décision de transfert n'a pas été exécutée dans le délai de six mois, ce délai peut être porté à dix-huit mois lorsque la personne concernée prend la fuite.

3. Alors même que le procès-verbal de police constatant la défaillance de M. B... dans l'exécution de son assignation à résidence, qui relève que " l'intéressé ne s'est plus jamais présenté depuis le 23 février 2021 sans motif ni raison " est daté du 17 février, cette énonciation procédant manifestement d'une erreur matérielle sur la date exacte de rédaction dudit procès-verbal, il ressort des pièces du dossier que le requérant a définitivement cessé d'honorer son obligation de présentation hebdomadaire au commissariat de police du Mans à compter du 23 février 2021. Dans ces conditions, le requérant doit être regardé comme en fuite au sens de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et le préfet de Maine-et-Loire, justifiant de ce que l'intéressé se trouve dans cette situation, est fondé à soutenir que l'exécution de l'arrêté en litige portant transfert de M. B... aux autorités roumaines reste possible, le délai de dix-huit mois prévu par les dispositions de l'article 29 du règlement du 26 juin 2013 n'étant pas expiré. Par suite, il y a lieu de statuer sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités roumaines du préfet de Maine-et-Loire, qui n'ont pas perdu leur objet.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Si le requérant soutient que le tribunal a commis des erreurs de fait, des erreurs de droit et des erreurs manifestes d'appréciation, celles-ci n'affecteraient que le bien-fondé du jugement et non sa régularité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'arrêté de transfert aux autorités roumaines :

5. En premier lieu, la décision prononçant le transfert de M. B... aux autorités roumaines vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 et mentionne, outres les divers éléments caractérisant la situation de l'intéressé, la circonstance qu'il a sollicité l'asile auprès de ces autorités préalablement au dépôt de sa demande d'asile en France. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision doit être écarté.

6. En deuxième lieu, il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation, que le requérant réitère en appel avec les mêmes arguments à peine modifiés, sans apporter de précisions nouvelles.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : "1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, (...). /2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de1'entretien individuel visé à l'article 5. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

8. Il ressort des pièces du dossier, notamment des mentions figurant sur le formulaire que M. B... a signé à l'issue de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 9 décembre 2020 avec le concours, par téléphone, d'un interprète assermenté en dari que l'intéressé a déclaré comprendre, que M. B... a reçu communication de plusieurs documents dont l'un intitulé " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " (brochure A), un autre intitulé " Le guide du demandeur d'asile ", rédigés en pachto, et un autre encore " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' " (brochure B) rédigé en français, ces documents comportant l'ensemble des informations requises par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ressort des mentions portées sur la troisième de ces brochures que le demandeur a déclaré ne pas savoir lire et ne parler que le dari, langue pour laquelle il n'existe pas de traduction officielle de la troisième brochure en cause. M. B... a reconnu, par ailleurs, avoir compris les informations contenues dans les brochures A et B qui ont été portées oralement à sa connaissance, via le concours d'un interprète, tel que cela résulte des mentions du compte rendu de l'entretien qu'il a signé. Enfin, la seule circonstance que M. B... se soit vu remettre deux de ces documents dans une version rédigée en langue pachto ne suffit pas à établir que l'interprète de l'association ISM, qui l'a assisté lors de l'entretien, n'aurait pas été en mesure de lui indiquer en langue dari les informations contenues dans ces brochures, de sorte que l'intéressé n'a pas été privé de la garantie tenant à la délivrance des informations en cause. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en dépit de la production de deux des trois brochures écrites en langue pachto, d'une part que M. B... n'aurait pas bénéficié des informations nécessaires dans la langue qu'il comprend, dès lors qu'il a reconnu par écrit en fin d'entretien avoir compris la teneur des brochures A et B qui lui ont été remises, d'autre part que cet élément aurait eu, dans les circonstances de l'espèce, une influence sur le sens de la décision contestée. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il n'a pas régulièrement reçu une information complète sur ses droits en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. 5. L'entretien a lieu dans les conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien (...) ". Il résulte de ces dispositions que les autorités de l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable doivent vérifier que le demandeur d'asile a bien reçu et compris les informations prévues par l'article 4 du même règlement.

10. Ainsi qu'il a été dit, M. B... a bénéficié d'un entretien le 9 décembre 2020, soit avant l'intervention de la décision contestée, mené en dari, que l'intéressé a déclaré comprendre, avec le concours par téléphone d'un interprète assermenté. Il n'est à cet égard pas démontré par les pièces du dossier que le requérant n'aurait pas été en capacité de comprendre l'ensemble des informations qui lui ont été délivrées et de faire valoir toutes observations utiles au cours de l'entretien, ainsi que cela ressort du compte rendu qui en a été établi. Aucun élément du dossier ne permet par ailleurs de tenir pour établi que ce même entretien individuel n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national et dans des conditions qui n'en auraient pas garanti la confidentialité. Dans ces conditions, l'absence de production par le préfet de Maine-et-Loire de la fiche de l'interprète ayant participé à l'entretien individuel n'a pas privé le requérant de la garantie tenant au bénéfice de cet entretien individuel et à la possibilité de faire valoir toutes observations utiles lors de l'entretien en cause. Dès lors, le moyen tiré de la violation des dispositions précitées de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 doit être écarté.

11. En cinquième lieu, si la décision contestée relève que les frontières sont ouvertes, alors que le requérant fait valoir que l'entrée sur le territoire roumain était interdite, à la date de la décision en litige, aux personnes qui ne sont pas citoyennes d'un pays de l'Espace européen, cette seule mention relative aux possibilités pour les ressortissants d'Etat tiers à l'Espace européen de circuler au sein de l'Union européenne, qui concerne l'exécution de la décision en litige, est sans incidence sur sa légalité, dès lors notamment qu'il n'est pas établi que cette interdiction concerne la situation particulière de M. B... ni qu'elle soit d'une durée supérieure à celle de la période de responsabilité de la Roumanie au titre de la demande d'asile formée dans ce pays par le requérant, ni davantage qu'elle soit inévitable en raison de la pandémie du covid-19 et de l'obligation de quarantaine que celle-ci impose aux voyageurs provenant de France.

12. En sixième lieu, aux termes du 1 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif (" hit ") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) n° 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 modifié du 2 septembre 2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) / 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ". Enfin, aux termes de l'article 19 de ce même règlement : " 1. Chaque État membre dispose d'un unique point d'accès national identifié. / 2. Les points d'accès nationaux sont responsables du traitement des données entrantes et de la transmission des données sortantes. / 3. Les points d'accès nationaux sont responsables de l'émission d'un accusé de réception pour toute transmission entrante. (...) ". Il résulte de ces dispositions combinées que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national font foi de la transmission de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

13. Il ressort des pièces du dossier, notamment des copies des accusés de réception " DubliNet " produites par le préfet de Maine-et-Loire, qui comportent le numéro de référence du dossier de M. B..., que la demande de reprise en charge de M. B... par les autorités roumaines a été formée le 15 décembre 2020 par le réseau de communication " DubliNet " sur le fondement des dispositions de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que ces autorités ont accusé réception de cette demande le 29 décembre 2020 avant d'accepter explicitement cette reprise en charge par un accord exprès du même jour. A cet égard, ainsi qu'il a déjà été dit au point 9, la circonstance d'une éventuelle fermeture des frontières roumaines aux ressortissants d'Etat tiers à l'Espace européen est sans incidence sur la légalité de la décision contestée. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 et du défaut de base légale dont serait entachée la décision contestée doivent être écartés

14. En septième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les Etats membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entrainent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ".

15. D'une part, la décision de transfert de M. B... aux autorités roumaines n'a ni pour objet ni pour effet de le contraindre à regagner l'Afghanistan, son pays d'origine, mais seulement de le remettre aux autorités du pays responsable de l'examen de sa demande d'asile. Dans ces conditions, et alors au demeurant que le requérant se prévaut de la situation générale au plan sécuritaire de son pays d'origine, telle que décrite par des documents à caractère général et datant de plusieurs années, plus que de craintes personnelles de persécution, l'intéressé, alors même qu'il serait originaire de Kaboul, ne peut utilement se prévaloir de ces risques, pour lesquels il aurait fui son pays d'origine, pour contester la décision litigieuse de transfert aux autorités roumaines.

16. D'autre part, la Roumanie étant un Etat membre de l'Union européenne et partie, tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il doit être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet Etat membre est conforme aux exigences de ces deux conventions. Cette présomption peut être renversée lorsqu'il y a lieu de craindre qu'il existe des défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'Etat membre responsable, impliquant un traitement inhumain ou dégradant et il appartient à l'administration d'apprécier dans chaque cas, au vu des pièces qui lui sont soumises et sous le contrôle du juge, si les conditions dans lesquelles un dossier particulier est traité par les autorités de ce pays répondent à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Si M. B... soutient que les demandes d'asile ne seraient pas traitées actuellement en Roumanie dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile, les éléments qu'il produit à l'appui de cette allégation, qui concernent notamment la longue durée de la procédure de traitement des demandes d'asile, la brièveté des délais de recours contre les décisions de refus d'asile, l'existence de pratiques de refoulement aux frontières ou encore le caractère très dégradé des conditions d'accueil, telles qu'elles ressortent de témoignages et d'articles de presse, ne suffisent pas, à eux seuls, à renverser la présomption ci-dessus mentionnée. Si M. B... fait également valoir qu'il n'a pas été tenu informé de l'existence de sa demande d'asile en Roumanie, ce seul élément, au demeurant peu étayé, ne permet pas d'établir que son transfert dans ce pays, qui a expressément accepté de le reprendre en charge en qualité de demandeur d'asile, entraînerait pour lui un risque avéré de subir des traitements inhumains ou dégradants. D'autre part, si M. B... affirme qu'en cas de renvoi en Roumanie, il risquerait d'être éloigné vers l'Afghanistan, dès lors que sa demande d'asile sera probablement mal accueillie et mal instruite par les autorités roumaines et qu'il serait exposé à des traitements inhumains et dégradants en raison de la situation de violence généralisée qui règne dans son pays d'origine, il ne ressort pas des pièces du dossier, la demande d'asile de l'intéressé n'ayant pas encore été traitée par les autorités roumaines, que ces autorités n'évalueront pas, avant de procéder à son éventuel éloignement, les risques auxquels il serait exposé en cas de retour en Afghanistan. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu les dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013.

17. En septième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Cette faculté d'examen de la demande d'asile laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

18. M. B... ne produit pas de documents permettant de démontrer que sa qualité de demandeur d'asile et sa situation familiale le placeraient dans une situation de particulière vulnérabilité imposant d'instruire sa demande d'asile en France et se borne à invoquer la présence en France d'un cousin, chez lequel il réside depuis novembre 2020. Ce faisant, il n'apporte aucun élément susceptible d'établir la réalité de ses attaches en France et des raisons pour lesquelles il ne pourrait se rendre en Roumanie, alors qu'il n'a pas déclaré lors de l'entretien individuel mené par un agent de la préfecture l'existence d'un cousin résidant en France et qu'il a précisé que son épouse résidait encore à Kaboul. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché la décision de transfert d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ni qu'il aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. En dernier lieu, d'une part, il ressort des pièces du dossier que les autorités roumaines ont donné leur accord le 29 décembre 2020 à une reprise en charge du requérant sur le fondement des dispositions du b de l'article 18 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013. Il ressort par ailleurs de cet accord que M. B... a sollicité une protection internationale le 14 octobre 2020 auprès des autorités roumaines et que cette demande est en cours d'examen, sans qu'il ressorte des autres éléments versés aux débats que sa demande risque d'être mal accueillie et mal instruite par les autorités roumaines au motif qu'il a quitté le pays en novembre 2020 après y avoir déposé une demande de protection internationale. Le requérant ne peut, dès lors, utilement soutenir que le préfet de Maine-et-Loire aurait méconnu les dispositions combinées des articles 3, 7 et 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que la décision contestée serait ainsi entachée d'une erreur de droit sur les critères de détermination de l'Etat membre responsable de sa demande d'asile au regard des dispositions précitées du règlement du 26 juin 2013.

20. D'autre part, la circonstance, à la supposer établie, que l'administration française n'ait pas, préalablement à la saisine des autorités roumaines, saisi les autorités grecques d'une demande de reprise en charge de M. B..., dès lors que ce dernier a également formé le 9 mars 2020 une demande de protection internationale auprès de ces autorités, n'a pas davantage d'incidence sur la légalité de la décision contestée. En effet, une demande de reprise en charge d'un demandeur de la protection internationale n'est qu'une faculté pour l'administration, les autorités roumaines, sollicitées les dernières parmi celles des Etats membres par le requérant, ayant en tout état de cause été effectivement saisies par M. B... de sa demande d'asile.

21. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'ordonner avant dire droit, communication de tous les éléments de procédure sollicités par M. B..., que les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités roumaines doivent être rejetées.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

22. En premier lieu, il résulte des points 5 à 21 du présent arrêt que M. B... n'est pas fondé à se prévaloir, à l'encontre de la décision prononçant son assignation à résidence, de l'illégalité de la décision portant transfert auprès des autorités roumaines.

23. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) / 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ; (...) ".

24. L'arrêté en litige vise notamment l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que M. B... a fait l'objet le même jour d'une décision de transfert aux autorités roumaines, que l'intéressé possède une domiciliation administrative, qu'il est nécessaire de s'assurer de sa disponibilité pour répondre aux convocations de l'administration dans le cadre de l'exécution de la procédure de transfert et qu'il y a lieu, en conséquence, de l'assigner à résidence. Elle comporte ainsi l'exposé détaillé des motifs de droit et considérations de fait qui la fondent et est suffisamment motivée.

25. En troisième lieu, la circonstance que l'entrée sur le territoire de la Roumanie est interdite aux personnes qui ne sont pas citoyennes d'un pays de l'Espace européen ne permet pas à elle seule d'établir qu'il n'existait à la date de la décision contestée aucune perspective raisonnable d'exécution de la décision de transfert dont fait l'objet M. B.... Au surplus, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant pourrait immédiatement quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de Maine-et-Loire aurait entaché sa décision portant assignation à résidence d'une erreur de droit au regard des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

26. Il résulte de ce qui précède que les conclusions de M. B... à fin d'annulation de la décision d'assignation à résidence doivent être rejetées.

27. Il résulte de tout de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Guérin et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera transmise au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- M. Guéguen, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.

Le rapporteur,

J.-Y. GUEGUEN Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT02301


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT02301
Date de la décision : 07/01/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Jean-Yves GUEGUEN
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : GUERIN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/01/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2022-01-07;21nt02301 ?
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