Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2019 par lequel le préfet du Calvados lui a interdit, de manière définitive, d'exercer à titre rémunéré ou bénévole les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport, et d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2019 le suspendant définitivement de quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles.
M. C... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler l'arrêté du 17 janvier 2020 portant interdiction d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles.
Par un jugement n° 1902890, 2000544 du 11 février 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 avril 2021, M. B... C..., représenté par Me Desmonts, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1902890, 2000544 du tribunal administratif de Caen du 11 février 2021 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir :
- d'une part, l'arrêté du préfet du Calvados du 21 octobre 2019 portant interdiction d'exercer les fonctions prévues à l'article L. 212-1 du code du sport,
- d'autre part, si l'arrêté du 17 janvier 2020 est un acte confirmatif, l'arrêté du 21 octobre 2019, modifié par l'arrêté du 17 janvier 2020, portant interdiction d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles ;
- ou, si l'arrêté du 17 janvier 2020 n'est pas un acte confirmatif de l'arrêté du 21 octobre 2019, l'arrêté du 17 janvier 2020 portant interdiction d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- si l'arrêté du 17 janvier 2020 est un acte confirmatif de l'arrêté du 21 octobre 2019, il sollicite l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2019, confirmé par l'arrêté du 17 janvier 2020 ; si l'arrêté du 17 janvier 2020 n'avait pas de caractère confirmatif, il sollicite l'annulation de cet arrêté et le constat de l'abrogation de l'arrêté du 21 octobre 2019 ;
- les décisions du préfet, alors qu'aucune décision pénale définitive n'est intervenue empêchant la matérialité des faits d'acquérir l'autorité de la chose jugée, sont disproportionnées ; notamment il n'est pas justifié de lui interdire d'exercer de manière définitive les fonctions auprès d'un public majeur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 mai 2021, le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par M. C... n'est pas fondé.
Par une ordonnance du 20 juillet 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 septembre 2021.
L'aide juridictionnelle partielle, au taux de 25 %, a été accordée à M. C... par une décision du 20 décembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'action sociale et des familles ;
- le code du sport ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,
- les conclusions de M. Pons, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Le 24 juin 2019, la direction départementale de la cohésion sociale d'Ile-de-France a informé la direction départementale du Calvados que M. C..., qui réside dans ce département et est titulaire d'un brevet d'aptitude aux fonctions d'animateur spécialité voile et du brevet professionnel de la jeunesse, de l'éducation populaire et du sport spécialité activités nautiques, avait fait l'objet d'un signalement lors d'une classe découverte dans le Finistère le 18 juin 2019. Par deux arrêtés du 3 juillet 2019, le préfet du Calvados a interdit à M. C..., à titre temporaire, d'une part, d'exercer les fonctions prévues par l'article L. 212-1 du code du sport et d'autre part, d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre des articles L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles. M. C... a été informé, le 29 août 2019, des conclusions de l'enquête administrative et invité à présenter ses observations, ce qu'il a fait par un courrier électronique du 5 septembre 2019. La commission spécialisée en matière d'interdiction d'exercer du conseil départemental de la jeunesse, des sports et de la vie associative du Calvados s'est réunie le 16 octobre 2019 et a émis, à l'unanimité, un avis favorable à l'interdiction à l'intéressé d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport. Par deux arrêtés du 21 octobre 2019, le préfet du Calvados a, d'une part, indiqué à M. C... qu'il était suspendu définitivement de l'exercice de quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 et suivants du code de l'action sociale et des familles et, d'autre part, interdit définitivement à M. C... d'exercer à titre rémunéré ou bénévole les fonctions prévues à l'article L. 212-1 du code du sport. M. C... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une première demande tendant à l'annulation des arrêtés du 21 octobre 2019. Par un arrêté du 17 janvier 2020, le préfet du Calvados a abrogé l'arrêté du 21 octobre 2019 relatif à la suspension d'exercer des fonctions auprès des mineurs et a prononcé à son encontre l'interdiction d'exercer quelque fonction que ce soit auprès des mineurs accueillis dans le cadre des dispositions de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles. M. C... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une seconde demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 janvier 2020. M. C... relève appel du jugement du 11 février 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité des arrêtés du 21 octobre 2019 et du 17 janvier 2020 portant interdiction d'exercer quelque fonction que ce soit auprès de mineurs accueillis dans le cadre de l'article L. 227-4 du code de l'action sociale et des familles :
2. L'article L. 227-10 du code de l'action sociale et des familles dispose que : " Après avis de la commission départementale compétente en matière de jeunesse et de sport, le représentant de l'Etat dans le département peut prononcer à l'encontre de toute personne dont la participation à un accueil de mineurs mentionné à l'article L. 227-4 ou à l'organisation d'un tel accueil présenterait des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs mentionnés à l'article L. 227-4, ainsi que de toute personne qui est sous le coup d'une mesure de suspension ou d'interdiction d'exercer prise en application de l'article L. 212-13 du code du sport, l'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils. / En cas d'urgence, le représentant de l'Etat dans le département peut, sans consultation de ladite commission, prendre une mesure de suspension d'exercice à l'égard des personnes mentionnées à l'alinéa précédent. Cette mesure est limitée à six mois. Dans le cas où l'intéressé fait l'objet de poursuites pénales, la mesure de suspension s'applique jusqu'à l'intervention d'une décision définitive rendue par la juridiction compétente ". L'article L. 227-1 du même code dispose que : " Tout mineur accueilli hors du domicile de ses parents jusqu'au quatrième degré ou de son tuteur est placé sous la protection des autorités publiques ". Aux termes de l'article L. 227-3 du même code : " Cette protection est assurée dans les conditions prévues soit : / -par le code de la santé publique ; / -par d'autres dispositions visant les établissements soumis à une réglementation particulière ; / -par les dispositions des articles L. 227-1, L. 227-2 et L. 227-4 à L. 227-12 ". Ces dispositions permettent à l'autorité administrative, pour assurer la protection des mineurs bénéficiant d'un mode d'accueil collectif à caractère éducatif hors du domicile parental à l'occasion des vacances ou des loisirs, de prononcer une mesure d'interdiction temporaire ou permanente d'exercer une fonction particulière ou quelque fonction que ce soit auprès de ces mineurs, ou d'exploiter des locaux les accueillant ou de participer à l'organisation des accueils, lorsqu'il existe " des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale " de ces mineurs.
3. En premier lieu, les dispositions citées au point précédent soumettent l'édiction d'une mesure d'interdiction d'exercer auprès de mineurs, laquelle constitue une mesure de police administrative, à la seule circonstance que la participation de l'intéressé à un accueil de mineurs ou à son organisation présente des risques pour la santé et la sécurité physique ou morale des mineurs, indépendamment de l'exercice de toute poursuite pénale. Dès lors la circonstance que la procédure pénale ouverte parallèlement à l'encontre de M. C... n'ait pas, à la date des arrêtés litigieux, donné lieu à une condamnation est sans incidence sur la légalité des arrêtés contestés et sur la possibilité pour le préfet du Calvados de se fonder sur les faits matériellement constatés.
4. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que lors d'un séjour en classe découverte de l'éducation nationale auquel M. C... participait en qualité d'accompagnateur, ont été découvertes dans son ordinateur personnel des photographies à caractère pédopornographique, faits pour lesquels l'intéressé a été placé en garde-à-vue. M. C... a reconnu collectionner ce genre d'images concernant des pré-adolescentes et des adolescentes depuis plusieurs années et avoir développé une addiction à la vision de ces images. Dans ces conditions, en dépit de la circonstance qu'il n'aurait eu aucun comportement déviant à l'égard des enfants accueillis et aurait donné satisfaction à ses différents employeurs, le préfet du Calvados n'a pas, compte tenu de la gravité des faits, fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce et du risque créé par le comportement de l'intéressé, en prononçant à son encontre une mesure d'interdiction à titre permanent d'exercice auprès des mineurs.
A... ce qui concerne l'arrêté portant interdiction d'exercer les fonctions prévues à l'article L. 212-1 du code du sport :
5. L'article L. 212-1 du code du sport dispose que : " I.- Seuls peuvent, contre rémunération, enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants, à titre d'occupation principale ou secondaire, de façon habituelle, saisonnière ou occasionnelle, sous réserve des dispositions du quatrième alinéa du présent article et de l'article L. 212-2 du présent code, les titulaires d'un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle : / 1° Garantissant la compétence de son titulaire en matière de sécurité des pratiquants et des tiers dans l'activité considérée ; / 2° Et enregistré au répertoire national des certifications professionnelles dans les conditions prévues à l'article L. 6113-5 du code du travail. / Peuvent également exercer contre rémunération les fonctions mentionnées au premier alinéa ci-dessus les personnes en cours de formation pour la préparation à un diplôme, titre à finalité professionnelle ou certificat de qualification professionnelle conforme aux prescriptions des 1° et 2° ci-dessus, dans les conditions prévues par le règlement de ce diplôme, titre ou certificat. / II.- Le diplôme mentionné au I peut être un diplôme étranger admis en équivalence. / III.- Les dispositions du I s'appliquent à compter de l'inscription des diplômes, titres à finalité professionnelle ou certificats de qualification professionnelle sur la liste des diplômes, titres à finalité professionnelle ou certificats de qualification professionnelle répondant aux conditions prévues aux paragraphes I et II, au fur et à mesure de cette inscription./ IV.- Les personnes qui auront acquis, dans la période précédant l'inscription mentionnée au III et conformément aux dispositions législatives en vigueur, le droit d'exercer contre rémunération une des fonctions mentionnées au I conservent ce droit ".
6. Par ailleurs, l'article L. 212-13 du code du sport, dans sa rédaction applicable, dispose que : " L'autorité administrative peut, par arrêté motivé, prononcer à l'encontre de toute personne dont le maintien en activité constituerait un danger pour la santé et la sécurité physique ou morale des pratiquants l'interdiction d'exercer, à titre temporaire ou définitif, tout ou partie des fonctions mentionnées à l'article L. 212-1. / L'autorité administrative peut, dans les mêmes formes, enjoindre à toute personne exerçant en méconnaissance des dispositions du I de l'article L. 212-1 et de l'article L. 212-2 de cesser son activité dans un délai déterminé. / Cet arrêté est pris après avis d'une commission comprenant des représentants de l'Etat, du mouvement sportif et des différentes catégories de personnes intéressées. Toutefois, en cas d'urgence, l'autorité administrative peut, sans consultation de la commission, prononcer une interdiction temporaire d'exercice limitée à six mois ".
7. Compte tenu des faits relatés au point 4 du présent arrêt et non contestés par M. C..., le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur d'appréciation en décidant, par l'arrêté du 21 octobre 2019, de lui interdire d'exercer les fonctions d'enseignement, d'animation ou d'encadrement d'une activité physique ou sportive auprès de tout public mineur. Néanmoins, et alors que l'arrêté litigieux est uniquement fondé sur des préoccupations relatives aux fonctions d'encadrement de mineurs, l'autorité administrative n'établit pas que le maintien en activité en qualité d'éducateur sportif de M. C... présenterait un danger pour la santé ou sécurité physique ou morale des pratiquants majeurs. M. C... est donc fondé à soutenir qu'en lui interdisant d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport à l'égard d'un public majeur, le préfet du Calvados a fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce.
8. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... est uniquement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 21 octobre 2019 en tant seulement qu'il lui interdit d'exercer les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport à l'égard d'un public majeur.
Sur les frais du litige :
9. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme que M. C... demande en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du préfet du Calvados du 21 octobre 2019 est annulé en tant qu'il interdit à M. C... d'exercer, à titre rémunéré ou bénévole, les fonctions mentionnées à l'article L. 212-1 du code du sport à l'égard d'un public majeur.
Article 2 : Le jugement n° 1902890, 2000544 du tribunal administratif de Caen du 11 février 2021 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
Une copie en sera adressée pour information au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- M. Rivas, président-assesseur,
- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 janvier 2022.
La rapporteure,
M. BERIA-GUILLAUMIELe président,
L. LAINÉ
La greffière,
S. LEVANT
La République mande et ordonne au ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et des sports en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21NT00961