Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du 28 février 2017 modifié les 18 août et 29 novembre 2017 par lequel le maire de Ploemeur a délivré à M. B... un permis de construire pour des travaux d'extension et de surélévation d'une construction existante, située 1, allée des Goélettes.
Par un jugement n° 1702984 du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé l'arrêté du 28 février 2017 modifié les 18 août et 29 novembre 2017 du maire de Ploemeur.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 août et 27 novembre 2020, 25 février et 26 mars 2021, M. A... B..., représenté par Me Dietsch, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme C... D... devant le tribunal administratif de Rennes, à défaut, de surseoir à statuer dans l'attente du dépôt d'un permis de construire de régularisation ;
3°) de mettre à la charge de Mme D... le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient, dans ses écritures résultant du mémoire récapitulatif produit le 26 mars 2021, à la demande de la cour, en application de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a reconnu à tort l'intérêt de Mme D... à contester le permis de construire litigieux ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de droit en tant qu'il retient que la construction projetée ne respecte pas la distance d'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives prévue par l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Ploemeur ;
- le vice retenu peut être régularisé en application des dispositions des articles L. 600-5-1 et L. 600-5 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 27 octobre 2020 et 8 février 2021 et par un mémoire récapitulatif, enregistré le 12 mars 2021, Mme C... D..., représentée par Me Peigné, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge, solidairement, de M. B... et de la commune de Ploemeur le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
La commune de Ploemeur, représentée par Me Vos, a présenté des observations les 18 décembre 2020 et 13 avril 2021.
Par un courrier du 26 novembre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, de ce que la cour était susceptible de prononcer un sursis à statuer, pour permettre la régularisation, dans un délai de six mois, du vice tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Ploemeur.
Par des mémoires enregistrés les 29 novembre et 2 décembre 2021 (ce dernier non communiqué), Mme D... a produit des observations en réponse au courrier du 26 novembre 2021.
Par un mémoire enregistré le 30 novembre 2021, M. B... a produit des observations en réponse au courrier du 26 novembre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Ody,
- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,
- les observations de Me Dietsch, pour M. B..., et celles de Me Rugraff, substituant Me Peigné, pour Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 6 mars 2020, le tribunal administratif de Rennes a annulé, à la demande de Mme D..., l'arrêté du 28 février 2017 modifié les 18 août et 29 novembre 2017 par lequel le maire de Ploemeur a délivré à M. B... un permis de construire pour des travaux d'extension et de surélévation d'une construction existante, située 1, allée des Goélettes. M. B... relève appel de ce jugement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par M. B... à la demande de première instance :
2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... est propriétaire de la parcelle contiguë au terrain d'assiette du projet litigieux, lequel consiste en la surélévation de la construction existante ainsi qu'en l'aménagement d'une terrasse au même niveau. Mme D... se prévaut d'une perte d'ensoleillement et de l'ouverture de vues directes sur sa propriété depuis la surélévation et la terrasse projetées, susceptibles d'affecter directement les conditions d'occupation et de jouissance de son bien. Dans ces conditions, Mme D... justifie d'un intérêt suffisant lui donnant qualité pour demander l'annulation du permis de construire du 28 février 2017 modifié les 18 août et 29 novembre 2017. Par suite, la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance doit être écartée.
En ce qui concerne la légalité du permis de construire du 28 février 2017 modifié les 18 août et 29 novembre 2017 :
5. En premier lieu, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. (...) ". Aux termes de l'article R. 431-10 du même code : " Le projet architectural comprend également : / (...) c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ". La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.
6. Lorsqu'un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l'utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l'illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d'un permis modificatif dès lors que celui-ci assure le respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l'exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises. Les irrégularités ainsi régularisées à la suite de la modification de son projet par le pétitionnaire et en l'absence de toute intervention du juge ne peuvent plus être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.
7. Il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire initial comprend des plans cotés dans les trois dimensions, des photographies de la construction existante dans son environnement proche et un document graphique faisant apparaître la surélévation projetée sur le bâti existant. Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l'autorité administrative d'appréhender la nature des travaux projetés et leur insertion par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages. En outre, M. B... a demandé deux permis de construire modificatifs, lesquels ont été délivrés les 18 août et 29 novembre 2017, et a complété, à ces occasions, son dossier avec de nouvelles photographies et documents graphiques. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance du dossier de permis de construire manque en fait et doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article Ub 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Ploemeur " Utilisations et occupations des sols interdites " : " (...) toute construction, installation, changement de destination ou extension de construction existante dans la bande des 100 mètres par rapport à la limite haute du rivage (hors espace urbanisé) ". En outre, aux termes de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme, reprenant les dispositions de l'ancien article L. 146-4 de ce code : " En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ". Ne peuvent déroger à l'interdiction de toute construction sur la bande littorale des cent mètres que les projets réalisés dans des espaces urbanisés, caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions, à la condition qu'ils n'entraînent pas une densification significative de ces espaces.
9. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle d'assiette du projet se situe, dans la bande littorale de cent mètres, au sein d'un secteur densément bâti comprenant plusieurs dizaines d'habitations et des commerces qui constitue un espace urbanisé au sens des dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que le projet litigieux consiste en la surélévation d'une construction à usage d'habitation existante d'une superficie de 48 m² en vue de création d'une chambre et d'une salle de bain ainsi qu'en l'aménagement d'une terrasse sur le même niveau. Eu égard à leur importance limitée, ces travaux n'entraînent pas une densification significative de cet espace urbanisé. Par suite, les moyens tirés de la violation de l'article Ub 1 du règlement du plan local d'urbanisme de Ploemeur et de l'article L. 121-16 du code de l'urbanisme doivent être écartés.
10. En troisième lieu, aux termes des dispositions générales du règlement du plan local d'urbanisme de Ploemeur : " 5. Adaptations mineures (...) Lorsqu'un immeuble bâti existant n'est pas conforme aux règles édictées par le règlement applicable à la zone, le permis de construire ne peut être accordé que pour des travaux qui ont pour objet d'améliorer la conformité de ces immeubles avec lesdites règles ou qui sont sans effet à leur égard. (...) ".
11. Aux termes de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme de Ploemeur, relatif à l'implantation des constructions par rapport aux limites séparatives : " Les constructions principales ou annexes peuvent être implantées en limites séparatives. / Lorsqu'elles ne jouxtent pas les limites séparatives, les constructions principales ou annexes doivent être implantées à une distance par rapport à ces limites au moins égale à la moitié de leur hauteur, mesurée à l'égout de toiture ou au sommet, sans pouvoir être inférieure à 2 mètres. (...) ".
12. Il ressort des pièces du dossier que la construction existante, édifiée avant l'adoption du plan local d'urbanisme de Ploemeur, sur laquelle les travaux litigieux sont réalisés, n'est pas implantée en limite séparative de la parcelle voisine appartenant à Mme D..., mais à une distance comprise entre environ 0,30 mètre et 0,80 mètre, inférieure à celle exigée par les dispositions de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme. Ainsi qu'il a été dit, les travaux autorisés par le permis de construire contesté consistent en une surélévation de la construction existante et en l'aménagement d'une terrasse. De tels travaux ne sont pas étrangers aux dispositions de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme de Ploemeur et ne rendent pas la construction plus conforme à ces dispositions, quand bien même la surélévation projetée serait elle-même réalisée à une distance de la limite séparative supérieure à celle requise. Par suite, le permis de construire du 28 février 2017 modifié les 18 août 2017 et 29 novembre 2017 a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme de Ploemeur.
13. En quatrième et dernier lieu, le moyen tiré de ce que le permis litigieux a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article Ub 9 applicables en zone Ubrr est inopérant dès lors que la parcelle d'assiette du projet est comprise en zone Ubr.
Sur l'application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
14. Aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. "
15. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
16. Le vice mentionné au point 12 tiré de ce que le permis de construire contesté méconnaît les dispositions de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme est susceptible d'être régularisé. Il y a lieu, dès lors, de surseoir à statuer, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et de fixer à M. B... et à la commune de Ploemeur un délai de six mois, à compter de la notification du présent arrêt, aux fins de notifier à la cour la mesure de régularisation nécessaire.
D E C I D E :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. B... jusqu'à l'expiration d'un délai de six mois, à compter de la notification du présent arrêt, imparti à M. B... et à la commune de Ploemeur pour notifier à la cour un permis de construire régularisant le vice tiré la méconnaissance des dispositions de l'article Ub 7 du règlement du plan local d'urbanisme.
Article 2 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Mme C... D... et à la commune de Ploemeur.
Délibéré après l'audience du 10 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de la formation de jugement,
- M. Frank, premier conseiller,
- Mme Ody, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2022.
Le rapporteure,
C. ODYLa présidente de la formation de jugement,
C. BUFFET
Le greffier,
C. GOY
La République mande et ordonne au préfet du Morbihan, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT02468