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17/12/2021 | FRANCE | N°21NT01820

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 21NT01820


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions du 21 décembre 2020 par lesquelles le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 2100111 du 9 juin 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devan

t la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2021, M. A... B..., représenté par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les décisions du 21 décembre 2020 par lesquelles le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation.

Par un jugement n° 2100111 du 9 juin 2021, le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2021, M. A... B..., représenté par Me Tartera, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2100111 du tribunal administratif de Caen du 9 juin 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions du 21 décembre 2020 par lesquelles le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme à déterminer en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

. en ce qui concerne le refus de séjour :

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation notamment au regard des conséquences sur son état de santé ;

. en ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'erreurs de fait :

o quant à la nature du contrat de travail conclu à compter du 1er août 2019 ;

o quant à la date de la demande de renouvellement du droit au séjour ;

o quant à la nature du contrat de travail présenté à l'appui de sa demande de titre de séjour ;

- la décision est entachée d'erreurs de droit dès lors qu'il a accepté la transformation de son contrat en contrat à durée déterminée, l'appréciation de sa situation devait se faire au regard d'un contrat de cette nature et non d'un contrat à durée indéterminée ; en application de l'accord franco-tunisien il pouvait bénéficier d'une autorisation d'emploi jusqu'au 10 septembre 2021 ;

. en ce qui concerne la fixation du pays de destination :

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation notamment au regard de son état de santé ; il suit un parcours de soins en France en raison d'une surdité partielle et perdrait le bénéfice de la protection sociale en cas de départ à l'étranger.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 novembre 2021, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;

- l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif aux échanges de jeunes professionnels, signé à Tunis le 4 décembre 2003 ;

- l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, ensemble le protocole relatif à la gestion relatif à la gestion concertée des migrations et le protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... B..., ressortissant tunisien né en juillet 1995, est entré en France en septembre 2019, muni d'un visa " jeune professionnel " valable entre le 20 août 2019 et le 20 juillet 2020. En juillet 2020, il a demandé la délivrance d'une carte de séjour portant la mention " salarié ". Par un arrêté du 21 décembre 2020, le préfet du Calvados a refusé de délivrer à M. B... un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à défaut de se conformer à cette obligation. M. B... relève appel du jugement du 9 juin 2021 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 21 décembre 2020.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de séjour :

2. En premier lieu, l'article 1er de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif aux échanges de jeunes professionnels, signé à Tunis le 4 décembre 2003, sur le fondement duquel a été délivré le visa de long séjour de M. B... stipule que : " Les dispositions du présent Accord sont applicables à des ressortissants français ou tunisiens entrant dans la vie active ou ayant une expérience professionnelle et qui se rendent dans l'autre Etat pour approfondir leur connaissance et leur compréhension de l'Etat d'accueil et de sa langue, ainsi que pour améliorer leurs perspectives de carrière, grâce à une expérience de travail salarié dans un établissement à caractère sanitaire ou social, une entreprise agricole, artisanale, industrielle ou commerciale dudit Etat. / Ces ressortissants, ci-après dénommés " jeunes professionnels ", sont autorisés à occuper un emploi dans les conditions fixées au présent Accord, sans que la situation du marché du travail de l'Etat d'accueil, dans la profession dont il s'agit, puisse être prise en considération (...) ". Par ailleurs, l'article 3 de ce même accord stipule que : " La durée autorisée de l'emploi peut varier de trois à douze mois et faire éventuellement l'objet d'une prolongation de six mois. / Avant de quitter leur pays, les jeunes professionnels français et tunisiens doivent s'engager à ne pas poursuivre leur séjour dans l'Etat d'accueil à l'expiration de la période autorisée, ni à prendre un emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de leur entrée dans l'Etat d'accueil. / Les Parties contractantes adoptent séparément ou conjointement toute mesure visant à assurer l'effectivité du retour du jeune professionnel dans son pays ". En outre, le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 stipule, à son point 2.3.1, que : " (...) La durée d'emploi du jeune professionnel est portée à 24 mois si l'intéressé présente à l'appui de sa candidature un projet professionnel de retour élaboré avec l'appui de l'organisme public compétent de son pays. (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est entré en France en septembre 2019 sous couvert d'un visa de long séjour, valant titre de séjour d'un an, portant la mention " jeune professionnel " valable jusqu'en juillet 2020 pour occuper un poste d'employé polyvalent au sein de la société ZT Food Palace. Il s'est engagé, conformément aux stipulations citées au point précédent de l'accord du 4 décembre 2003, par une attestation du 8 août 2019 à regagner son pays à l'issue de la période autorisée par les autorités compétentes françaises pour occuper cet emploi. Si M. B... soutient que le refus de séjour qui lui a été opposé est entaché d'erreurs de fait et d'erreur de droit dès lors qu'il aurait été admis au séjour en France en 2019 sur la base d'un contrat à durée indéterminée et aurait présenté à l'appui de sa demande de renouvellement d'autorisation de séjour en 2020 un contrat en revanche à durée déterminée, le document intitulé " contrat à durée indéterminée " qu'il produit ne comporte aucune date permettant de vérifier qu'il s'agit du contrat sur la base duquel une autorisation de travail a été délivrée pour lui en 2019. Ce contrat à durée indéterminée précise en revanche qu'il constitue un avenant au contrat à durée déterminée, lequel est donc nécessairement antérieur. Par ailleurs, à l'appui de ses écritures devant les premiers juges, le préfet du Calvados a produit la demande d'autorisation de travail déposée à son profit par le gérant de la société ZT Food Palace portant explicitement sur un contrat de travail à durée déterminée d'une durée de onze mois, ainsi que le projet de contrat de travail à durée déterminée correspondant signé en septembre 2019 par M. B.... Dans ces conditions, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le refus de séjour qui lui a été opposé le 21 décembre 2020 serait entaché d'erreurs de fait quant à la nature des contrats de travail conclus en 2019 et en 2020 ou d'erreur de droit quant à l'appréciation de son droit au séjour au regard de la production en 2020 d'un contrat de travail à durée déterminée. Il ressort dès lors de l'ensemble de ces pièces que M. B... a été autorisé à séjourner en France pour une durée de onze mois, laquelle arrivait à expiration en août 2020. En application des stipulations de l'article 3 de l'accord du 4 décembre 2003, il n'était pas autorisé à prendre un emploi autre que celui prévu aux termes des conditions de son entrée en France, ni à l'issue de la période au titre de laquelle il a été autorisé à travailler à poursuivre son séjour dans cet Etat, quand bien même l'accord de 2003 combiné au protocole de 2008 permet, dans certaines conditions, de délivrer une autorisation de travail pour une durée pouvant aller jusqu'à vingt-quatre mois. Par ailleurs, alors même que la date du 24 août 2020 retenue par l'arrêté contesté comme demande de délivrance de titre de séjour correspond à la date de complétude de cette demande, l'éventuelle erreur de fait concernant la date de demande de titre de séjour de M. B... apparait sans incidence sur la légalité du refus de séjour qui lui a été opposé.

4. En second lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... aurait présenté une demande de titre de séjour en se prévalant de son état de santé sur le fondement des dispositions alors applicables de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. B... n'est donc pas fondé à invoquer, sans au demeurant viser aucune disposition, son état de santé à l'appui de ses conclusions tendant à l'annulation du refus de séjour du 21 décembre 2020.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et la fixation du pays de destination :

5. L'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur, dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

6. Si M. B... fait valoir qu'il suit un parcours de soin en France pour le traitement d'une surdité partielle et qu'il ne pourra continuer à avoir le bénéfice de la sécurité sociale et la mutuelle de santé pour lesquelles il a cotisé en France, il ne ressort d'aucune pièce du dossier ni que le défaut de prise en charge de son état de santé risquerait d'avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ni qu'il ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé en Tunisie. Il ne ressort en outre, et en tout état de cause, d'aucune pièce du dossier ni n'est même soutenu que M. B... ne bénéficierait d'aucune protection sociale dans son pays d'origine. Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 21 décembre 2020 portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays d'éloignement.

Sur les frais du litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet du Calvados.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

M. BERIA-GUILLAUMIELe président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01820


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01820
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : TARTERA OLIVIER

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-17;21nt01820 ?
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