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17/12/2021 | FRANCE | N°21NT00815

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 17 décembre 2021, 21NT00815


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 14 mars 2019 portant interdiction administrative de stade jusqu'au 30 juin 2019.

Par un jugement n° 1902198 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2021 et le 30 septembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Barthélémy, demande à la cour :

1°) d'ann

uler le jugement n° 1902198 du tribunal administratif de Rennes du 19 janvier 2021 ;

2°) d'annuler,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler l'arrêté du préfet du Morbihan du 14 mars 2019 portant interdiction administrative de stade jusqu'au 30 juin 2019.

Par un jugement n° 1902198 du 19 janvier 2021, le tribunal administratif de Rennes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 mars 2021 et le 30 septembre 2021, M. B... A..., représenté par Me Barthélémy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902198 du tribunal administratif de Rennes du 19 janvier 2021 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Morbihan du 14 mars 2019 portant interdiction administrative de stade ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision est fondée sur des faits matériellement inexacts ; il n'est pas établi qu'il aurait été fouillé avec un fumigène sur lui et en aurait allumé un le 18 novembre 2018 à l'occasion du match Saint-Malo-Lorient ; il n'est pas établi qu'il serait en état de récidive contrairement à ce que soutient le préfet ;

- la décision est entachée d'erreur dans la qualification des faits en l'absence de gravité des faits ; l'utilisation d'un fumigène ne donnant pas lieu à des dégâts matériels ou des blessures physiques n'est pas un acte grave ;

- la décision est entachée de détournement de procédure ou de pouvoir, le préfet ayant entendu lui infliger une sanction et non préserver l'ordre public, ce que renforce le fait d'avoir attendu quatre mois pour prendre la mesure ; la décision est entachée d'erreur de droit, la décision opposant une sanction déguisée, et n'analysant jamais les faits au regard de la menace pour l'ordre public ; la décision a été prise alors que l'autorité judiciaire n'a pas été saisie ou n'a pas estimé que les faits justifiaient des poursuites ;

- le préfet du Morbihan était incompétent, dès lors que les faits sont intervenus dans le département d'Ille-et-Vilaine ; seul le préfet d'Ille-et-Vilaine était compétent ;

- la procédure contradictoire prévue par les dispositions des articles L. 122-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration a été méconnue ; il n'a pas eu l'accès à l'ensemble des éléments utiles de son dossier.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juillet 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 22 juin 2021, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,

- et les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 14 mars 2019, le préfet du Morbihan a interdit à M. B... A..., supporter du Football Club de Lorient, de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte sportive où se déroule une rencontre de football impliquant l'équipe du Football Club de Lorient ou de l'équipe de France, jusqu'au 30 juin 2019, et l'a obligé à pointer dans les locaux de la brigade de gendarmerie de Pont-Scorff à la mi-temps des matchs concernés. M. A... relève appel du jugement du 19 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 14 mars 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article L. 332-16 du code du sport dispose que : " Lorsque, par son comportement d'ensemble à l'occasion de manifestations sportives, par la commission d'un acte grave à l'occasion de l'une de ces manifestations, du fait de son appartenance à une association ou un groupement de fait ayant fait l'objet d'une dissolution en application de l'article L. 332-18 ou du fait de sa participation aux activités qu'une association ayant fait l'objet d'une suspension d'activité s'est vue interdire en application du même article, une personne constitue une menace pour l'ordre public, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où de telles manifestations se déroulent ou sont retransmises en public. / L'arrêté, valable sur le territoire national, fixe le type de manifestations sportives concernées. Il ne peut excéder une durée de vingt-quatre mois. Toutefois, cette durée peut être portée à trente-six mois si, dans les trois années précédentes, cette personne a fait l'objet d'une mesure d'interdiction. / Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent également imposer, par le même arrêté, à la personne faisant l'objet de cette mesure l'obligation de répondre, au moment des manifestations sportives objet de l'interdiction, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée qu'il désigne. Le même arrêté peut aussi prévoir que l'obligation de répondre à ces convocations s'applique au moment de certaines manifestations sportives, qu'il désigne, se déroulant sur le territoire d'un Etat étranger. Cette obligation doit être proportionnée au regard du comportement de la personne./ Le fait, pour la personne, de ne pas se conformer à l'un ou à l'autre des arrêtés pris en application des alinéas précédents est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende (...) ".

3. En premier lieu, il ne ressort ni des dispositions citées au point précédent de l'article L. 332-16 du code du sport, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que l'interdiction administrative de stade prise sur le fondement de ces dispositions ne puisse être édictée que par le préfet du département dans lequel s'est déroulée la manifestation sportive à l'occasion de laquelle la personne visée par l'interdiction a commis les faits justifiant celle-ci. Par suite, et alors même que les faits qui constituent le motif principal de l'arrêté contesté prononçant l'interdiction en litige se sont déroulés à Saint-Malo, M. A..., qui a commis les faits en cause en qualité de supporter du club de football de Lorient, n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Morbihan n'était pas compétent pour prononcer cette mesure à son encontre.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Par ailleurs, l'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 5 février 2019, le sous-préfet de Lorient a informé M. A... qu'il avait été contrôlé en possession d'un fumigène à l'entrée du match opposant le Football Club de Lorient à l'équipe de Saint-Malo le 18 novembre 2018 et qu'il avait été identifié comme ayant utilisé un engin pyrotechnique au cours de ce même match dans la tribune des " Merlus Ultras ". Par ce même courrier, le sous-préfet a informé M. A... qu'il envisageait, afin de prévenir d'autres troubles à l'ordre public, de prendre à son encontre une mesure d'interdiction administrative de stade et l'invitait à présenter des observations écrites, ainsi que le cas échéant à solliciter un entretien en vue de présenter ses observations orales. M. A... ayant demandé, par un courrier du 10 février 2019, d'une part à être reçu en entretien, et d'autre part, à avoir communication de son dossier pour connaitre plus précisément les éléments qui fondaient la décision, par un courrier du 1er mars 2019 la secrétaire générale de la sous-préfecture de Lorient lui a communiqué deux rapports de police établis les 11 décembre 2018 et 9 février 2019 par les services de police et de gendarmerie. Par ailleurs, M. A... était par ce même courrier convoqué pour un entretien le 6 mars suivant. Dans ces conditions, et alors que les dispositions de L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration réservent aux seules décisions qui ont la nature de sanction l'obligation préalable de communication du dossier, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration aurait été méconnue.

6. En troisième lieu, M. A... soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'un détournement de procédure, le préfet du Morbihan ayant voulu le sanctionner pour son comportement et non protéger l'ordre public. Il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté en litige, que la mesure d'interdiction administrative de stade prise à l'encontre du requérant ne vise pas à sanctionner son comportement passé mais à prévenir des troubles à l'ordre public à l'occasion des prochains matchs de l'équipe du club de football de Lorient ou de l'équipe de France de football. Ainsi, l'arrêté contesté n'est entaché ni de détournement de procédure, ni de détournement de pouvoir, le délai entre les faits motivant la mesure de police et la mesure elle-même se justifiant au demeurant en grande partie par les exigences de la procédure contradictoire évoquée au point précédent du présent arrêt.

7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux précise que M. A... avait déjà commis des faits similaires. Si l'intéressé soutient que cette mention est entachée d'erreur de fait, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un rapport établi le 26 janvier 2018 par un commissaire divisionnaire de police, que lors d'un match joué le 7 janvier 2018 entre les équipes de football de Lorient et d'Angers, M. A... avait déclenché un fumigène dans l'enceinte du stade. A la suite de ces faits, par un arrêté du 3 mai 2018, le préfet du Morbihan a prononcé à l'encontre de l'intéressé une mesure d'interdiction administrative pour une durée d'un mois. Il ressort en outre du procès-verbal d'audition du 9 février 2019 à l'occasion de la notification à M. A... du courrier de la secrétaire générale de la sous-préfecture de Lorient du 5 février précédent que l'intéressé a confirmé à l'officier de police judiciaire de la gendarmerie départementale de Lorient qu'il a " déjà été administrativement interdit de stade pour une durée d'un mois ". Il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de fait entachant l'arrêté litigieux du 14 mars 2019 n'est pas fondé et doit être écarté.

8. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 332-16 du code du sport que, pour caractériser une menace à l'ordre public, hormis les cas où une personne appartient à une association de supporters ou participe aux activités de cette dernière, le préfet peut se fonder soit sur le comportement d'ensemble de cette personne à l'occasion de plusieurs manifestations sportives soit sur la commission d'un acte grave à l'occasion de l'une de ces manifestations. Lorsque l'autorité administrative fonde sa décision sur le comportement de la personne à l'occasion d'une seule manifestation sportive, les agissements reprochés doivent nécessairement présenter un caractère de gravité particulier.

9. Par ailleurs, l'article L. 332-8 du code du sport dispose que : " Le fait d'introduire, de détenir ou de faire usage des fusées ou artifices de toute nature ou d'introduire sans motif légitime tous objets susceptibles de constituer une arme au sens de l'article 132-75 du code pénal dans une enceinte sportive lors du déroulement ou de la retransmission en public d'une manifestation sportive est puni de trois ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...) ".

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un rapport détaillé établi le 11 décembre 2018 par le commissaire central de police de Lorient, que M. A... a été contrôlé au début du match opposant le 18 novembre 2018 les équipes de Saint-Malo et de Lorient, à Saint-Malo, en possession d'un fumigène, objet interdit dans l'enceinte du stade en application des dispositions citées ci-dessus de l'article L. 332-8 du code du sport. Cet engin lui a été retiré et M. A... a néanmoins été admis à assister au match de football. Néanmoins, postérieurement, au cours du match, un agent de sécurité de la tribune des " Merlus Ultras " a observé M. A... déclenchant un engin pyrotechnique et l'a identifié quelques jours plus tard, le 30 novembre 2018, à l'occasion d'un autre match impliquant le club de football de Lorient. Si M. A... conteste la matérialité de ces faits, il n'apporte aucun élément à l'appui de sa contestation alors que ces faits sont précisément relatés par le rapport du commissaire de police de Lorient. En outre, l'introduction et l'usage d'engins pyrotechniques, alors même qu'aucun dégât matériel ou aucune blessure n'ont été constatés à l'occasion du match du 18 novembre 2018, d'une part méconnait l'interdiction posée par les dispositions précitées du code du sport et, d'autre part, crée un risque pour les spectateurs et une gêne pour les joueurs. Dans ces conditions, alors même qu'un premier fumigène avait été retiré à M. A... au début du match et qu'il avait été autorisé à assister à la rencontre sportive, l'usage et l'introduction d'un engin pyrotechnique constitue, contrairement à ce que soutient l'intéressé, un acte grave au sens des dispositions de l'article L. 332-16 du code du sport. Par ailleurs, l'interdiction administrative de stade prononcée par le préfet du Morbihan à l'encontre de M. A... est limitée à une durée de trois mois. Dans ces conditions, compte tenu de la durée de la mesure et de la circonstance que l'intéressé avait fait l'objet quelques mois auparavant d'une mesure de même nature pour les mêmes faits, M. A... n'est fondé à soutenir ni que la décision contestée est fondée sur des faits matériellement inexacts, ni que le préfet du Morbihan aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Morbihan du 14 mars 2019.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée pour information au préfet du Morbihan.

Délibéré après l'audience du 30 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2021.

La rapporteure,

M. BERIA-GUILLAUMIELe président,

L. LAINÉ

La greffière,

V. DESBOUILLONS

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

4

N° 21NT00815


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00815
Date de la décision : 17/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BARTHELEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 28/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-17;21nt00815 ?
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