La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/12/2021 | FRANCE | N°21NT00245

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 10 décembre 2021, 21NT00245


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que la décision du 9 décembre 2019 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux.

Par une ordonnance n° 2003877 du 26 août 2020, le premier vice-président du tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer, en l'état, sur la demande de Mme B....

Procédure devant la cour

:

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 janvier 2021 et le 1er septembre 2021...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 21 juin 2019 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que la décision du 9 décembre 2019 par laquelle cette même autorité a rejeté son recours gracieux.

Par une ordonnance n° 2003877 du 26 août 2020, le premier vice-président du tribunal administratif de Nantes a prononcé un non-lieu à statuer, en l'état, sur la demande de Mme B....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 janvier 2021 et le 1er septembre 2021, Mme B..., représentée par Me Le Floch, demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) d'annuler les décisions contestées ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de réexaminer sa demande de naturalisation et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle n'a pas reçu la demande de régularisation que lui a adressée le tribunal ;

- le rejet de sa demande de naturalisation est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 mai 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le tribunal a statué au terme d'une procédure irrégulière ;

- ses décisions du 21 juin 2019 et du 9 décembre 2019 sont exemptes de toute erreur manifeste d'appréciation.

Par décision du 15 juillet 2021, le président du bureau d'aide juridictionnelle a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante malgache résidant à Madagascar, a adressé au ministre de l'intérieur une demande de naturalisation. Par une décision du 21 juin 2019, confirmée par une décision, prise sur recours gracieux, du 9 décembre 2019, le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande. Mme B... relève appel de l'ordonnance du 26 août 2020 par laquelle le premier vice-président du tribunal administratif de Nantes a constaté un non-lieu en l'état sur sa demande tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Aux termes de l'article R. 431-8 du code de justice administrative : " Les parties non représentées devant un tribunal administratif par un avocat ou un avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation qui ont leur résidence en dehors du territoire de la République et en dehors de l'Union européenne, de l'Espace économique européen ou de la Suisse doivent faire élection de domicile sur l'un de ces territoires. ".

3. Il ressort du dossier de procédure que le tribunal administratif de Nantes a, le 8 avril 2020, adressé à Mme B... une invitation à régulariser sa requête au regard des dispositions de l'article R. 431-8 du code de justice administrative. Constatant que l'avis de réception du pli contenant cette demande de régularisation n'avait pas été retourné à la juridiction, le premier vice-président du tribunal administratif de Nantes a considéré que le " tribunal se trouv[ait] dans l'impossibilité d'instruire la requête " et que, de ce fait l'affaire n'était " actuellement susceptible d'aucune suite " puis a jugé qu'il n'y avait pas lieu en l'état de statuer sur la requête de Mme B....

4. Le tribunal ne se trouvait pas, du seul fait qu'il ne disposait ni d'une adresse correspondant à l'élection de domicile sur le territoire français de Mme B... ni de la preuve de la réception par cette dernière de la demande de régularisation de sa requête sur ce point, dans l'impossibilité provisoire d'instruire et de statuer sur la demande dont il était saisi. Ces circonstances ne correspondent à aucun des cas permettant de prononcer un non-lieu en l'état. Dès lors, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur :

6. Aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) L'acquisition de la nationalité française par décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée par décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 21-16 du code civil " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Aux termes du 1° de l'article 21-26 du même code " Est assimilé à la résidence en France lorsque cette résidence constitue une condition de l'acquisition de la nationalité française : 1° Le séjour hors de France d'un étranger qui exerce une activité professionnelle publique ou privée pour le compte de l'Etat français ou d'un organisme dont l'activité présente un intérêt particulier pour l'économie ou la culture française ". L'article 49 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française dispose que : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande ".

7. Si le ministre de l'intérieur ne conteste pas que Mme B... remplit les conditions de résidence prévues par les dispositions combinées de l'article 21-16 et du 1° de l'article 21-26 du code civil en raison de son activité professionnelle au service de l'enseignement français à l'étranger, il a estimé que l'intéressée ne justifiait pas d'un projet concret et immédiat d'installation en France.

8. Mme B... soutient qu'elle porte le projet de s'installer en France auprès de ses filles qui y séjournent, son époux étant décédé en février 2019. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que ce projet était, à la date de la décision contestée, concrètement engagé en vue d'une installation pérenne et à brève échéance sur le territoire français. A cet égard, si la requérante produit un formulaire d'inscription au sein d'un établissement de formation professionnelle en France, cette inscription est postérieure aux décisions en litige et, par suite, sans incidence sur leur légalité. Dans ces conditions, et alors même que la requérante justifie de liens étroits avec la France, le ministre de l'intérieur n'a pas, en rejetant la demande de naturalisation de Mme B..., entaché ses décisions d'erreur manifeste d'appréciation.

9. Il suit de là que Mme B... n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur du 21 juin 2019 et du 9 décembre 2019.

Sur les frais liés au litige :

10. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme B... d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du premier vice-président du tribunal administratif de Nantes du 26 août 2020 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.

Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 23 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 décembre 2021.

La rapporteure,

K. BougrineLe président,

A. Pérez

La greffière,

A. Lemée

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

1

N° 21NT00245 2

1


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00245
Date de la décision : 10/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Karima BOUGRINE
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : LE FLOCH

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-10;21nt00245 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award