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10/12/2021 | FRANCE | N°20NT02248

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 10 décembre 2021, 20NT02248


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1801968 du 3 juin 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2020 M. A..., représenté par Me Cleach, demand

e à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2012.

Par un jugement n° 1801968 du 3 juin 2020, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2020 M. A..., représenté par Me Cleach, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge sollicitée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, le fait générateur de la réévaluation de l'actif et donc de la plus-value doit être fixé au 31 décembre 2011 ; il se rattache donc à un exercice prescrit ;

- la plus-value doit être exonérée compte tenu du délai de détention de 15 ans ;

- à titre subsidiaire, la valorisation des parts de la société civile immobilière (SCI) VM doit être réalisée sur la base de la valeur vénale à la fin de l'année 2012 qui doit être distinguée de la valeur d'usage qui a servi de référence pour déterminer la réévaluation du bilan au 31 décembre 2011.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Picquet,

- les conclusions de Mme Chollet, rapporteure publique,

- et les observations de Me François, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière (SCI) VM, créée en 1994, est détenue par Mme A... et par M. B..., son frère, chacun pour moitié. Cette société détient des biens immobiliers qu'elle met en location. Par trois résolutions du 31 décembre 2011, les associés de la SCI VM ont décidé de procéder à la réévaluation des immobilisations figurant à l'actif de la société, avec effet au 31 décembre 2011, et ont décidé l'affectation de l'écart de réévaluation, s'élevant à 908 577,99 euros, dans leurs comptes courants respectifs, à raison de la moitié chacun. Le 4 décembre 2012, Mme A... et M. B... ont cédé les 6 000 parts de la SCI VM qu'ils détenaient chacun, respectivement à la société par actions simplifiée (SAS) Bivimax et à la société à responsabilité limitée (SARL) Bimax, au prix de 91 470 euros chacun. Dans le cadre d'une vérification de comptabilité de la SAS Bivimax, dont Mme A... est la dirigeante, l'administration a estimé que la valeur des parts sociales de la SCI VM cédées par Mme A... à la SAS Bivimax avait été sous-évaluée et a en conséquence réévalué l'actif net de cette société. Parallèlement, par une proposition de rectification du

16 décembre 2015 adressée à M. et Mme A..., le service a déterminé une plus-value nette imposable entre les mains de Mme A... de 245 902 euros. Les impositions supplémentaires en résultant ont été mises en recouvrement le 29 septembre 2017 pour un montant total de 104 383 euros. M. A..., dont la réclamation du 30 octobre 2017 a été rejetée par une décision du 9 avril 2018, a demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales auxquelles son foyer fiscal a été assujetti au titre de l'année 2012. Par un jugement du 3 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande. M. A... fait appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article 150 VA du code général des impôts : " I. - Le prix de cession à retenir est le prix réel tel qu'il est stipulé dans l'acte. Lorsqu'une dissimulation de prix est établie, le prix porté dans l'acte doit être majoré du montant de cette dissimulation (...). ".

3. La valeur vénale des titres d'une société non admise à la négociation sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue. L'évaluation des titres d'une telle société doit être effectuée, par priorité, par référence au prix d'autres transactions intervenues dans des conditions équivalentes et portant sur les titres de la même société ou, à défaut, de sociétés similaires. En l'absence de telles transactions, celle-ci peut légalement se fonder sur la combinaison de plusieurs méthodes alternatives.

Sur la prescription :

4. Le fait générateur de l'imposition de M. et Mme A... est constitué non pas par la réévaluation de l'actif du bilan effectué par la SCI VM le 31 décembre 2011 mais par la cession à titre onéreux des parts de cette SCI le 4 décembre 2012, laquelle cession a transféré au passif de la société Bivimax la somme inscrite par Mme A... au compte courant d'associé à raison de l'écart de réévaluation constaté au 31 décembre 2011. Aucune conséquence fiscale ne s'attache à la réévaluation libre pratiquée par la SCI VM, qui n'est pas soumise à la tenue d'une comptabilité commerciale. A supposer même que le requérant entende se prévaloir du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, l'administration n'a pas rectifié la réévaluation des immobilisations figurant à l'actif du bilan effectuée le 31 décembre 2011 par la SCI VM mais, au contraire, s'est fondée sur cette réévaluation pour évaluer la plus-value ultérieurement dégagée. En tout état de cause, il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale de la SCI VM du 31 décembre 2011 que la réévaluation des immobilisations figurant à l'actif du bilan de la société prenait effet à cette même date, dans le but de modifier le bilan d'ouverture au 1er janvier 2012, et l'administration soutient sans être contredite que cette décision de réévaluation s'est traduite comptablement par une écriture inscrite au journal des opérations diverses au 1er janvier 2012, donc au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012. Dès lors le moyen tiré de ce que, le fait générateur de la réévaluation de l'actif et donc de la plus-value étant fixé au 31 décembre 2011, l'opération serait prescrite doit être écarté.

Sur l'exonération de la plus-value :

5. Si le requérant soutient que l'exonération des plus-values de cession était accordée après quinze années de détention, il n'apporte aucune précision, et notamment aucune référence textuelle, à l'appui de ce moyen, alors que l'administration fait valoir que, les parts en cause ayant été détenues par Mme A... pendant dix-huit ans, la plus-value bénéficiait, conformément à l'article 150 VC du code général des impôts, d'un abattement de 2 % par année de détention au-delà de la cinquième et de 4 % par année au-delà de la dix-septième, soit 28 %.

Sur le calcul de la plus-value :

6. Il est constant que, pour évaluer les biens immobiliers détenus par la SCI à la date de la cession des parts, le 4 décembre 2012, l'administration s'est fondée sur la réévaluation faite par la SCI VM elle-même au 31 décembre 2011, ainsi que sur une méthode par termes de comparaison et une évaluation par la rentabilité des biens. L'administration en a conclu que les deux méthodes qu'elle avait utilisées confirmaient les montants retenus par la SCI dans le cadre de la réévaluation faite le 31 décembre 2011. Elle s'est donc fondée sur ces montants pour calculer la plus-value nette imposable entre les mains de Mme A... à l'occasion de la cession.

En ce qui concerne la réévaluation des actifs pratiquée par la SCI VM :

7. Si, à cet égard, M. A... fait valoir que l'administration ne pouvait pas prendre en compte les montants mentionnés dans le cadre de la réévaluation faite le 31 décembre 2011 par la SCI VM, qui se fonde sur une valeur d'usage, le requérant n'apporte aucun élément de nature à établir qu'en l'espèce, la valeur d'usage serait différente de la valeur vénale, alors que la société VM est une SCI de gestion dont les immeubles sont loués en vue de générer un profit. Si le requérant soutient par ailleurs que les prix immobiliers ont fortement baissé en 2012, il ne l'établit pas en se fondant sur des articles de presse non probants. Enfin, il est constant que l'administration a recouru, pour confirmer la réévaluation des biens immobiliers telle qu'effectuée par la SCI VM en décembre 2011, à deux autres méthodes permettant de déterminer une valeur vénale.

En ce qui concerne la méthode par comparaison :

8. L'administration a appliqué une méthode par comparaison pour vérifier si cette dernière confirmait les montants retenus dans la méthode de réévaluation des actifs pratiquée par la SCI VM. Le local commercial situé 4 rue du Bois Paris à Nogent-le-Phaye était en 2012 un restaurant asiatique. Aucun terme de comparaison pertinent n'a été trouvé par le service. La valeur des six places de parking a été comparée au prix de cession de trois places situées à la même adresse et vendues le 3 février 2012 pour 13 000 euros, le 16 juin 2012 et le 4 octobre 2012 pour 12 500 euros. Un abattement de 20 % a été appliqué en considération du fait que les parkings cédés étaient libres alors que les parkings détenus par la SCI sont occupés.

Il ressortait de cette comparaison un prix de 10 000 euros par place de parking. La valeur des 145 m² de bureaux a été comparée au prix de cession de locaux à usage de bureaux vendus le 29 mars 2011 pour 2 447 euros le m², le 22 novembre 2011 pour 3 487 euros le m² et le

15 novembre 2012 pour 1 759 euros le m². Un abattement de 20 % a également été appliqué. Le service a retenu un prix au m² de 2 790 euros. Si, s'agissant des bureaux, le requérant conteste le fait que le prix le plus élevé ait été retenu par l'administration, cette dernière soutient sans être contredite que ce prix correspond au bien le plus proche des locaux à évaluer, distant de 220 mètres et également dans l'hyper centre. Le requérant soutient que les prix immobiliers ont baissé de 20% entre 2011 et 2012 mais les articles de presse sur lesquels il se fonde ne l'établissent pas. S'il se prévaut également d'un rapport d'expertise réalisé en juillet 2019, ce dernier, pour deux des biens immobiliers en cause, exclut la méthode par comparaison sans en préciser la raison.

En ce qui concerne la méthode par la rentabilité des biens :

9. L'administration a également appliqué la méthode par la rentabilité des biens pour vérifier si cette dernière confirmait les montants retenus dans la méthode de réévaluation des actifs pratiquée par la SCI VM. Le service a divisé le montant des loyers hors charges perçus en 2012, soit 85 188 euros, par un taux de rentabilité situé entre 7 % et 8 %. Contrairement à ce que soutient le requérant, s'agissant d'une cession de titres du 4 décembre 2012, l'administration a pu ne prendre en compte que les loyers de 2012 et non pas également ceux de 2011. Le rapport d'expertise réalisé en juillet 2019 dont M. A... se prévaut n'explique pas l'origine du taux retenu pour calculer une valeur de rendement. S'agissant des bureaux, l'expert a retenu le peu d'attractivité commerciale du lieu où les biens sont situés alors que ce critère paraît peu pertinent pour les biens en cause. De même, l'expertise n'explique pas pourquoi il est plus pertinent de choisir le taux de rendement en fonction de la population de la commune de Chartres plutôt que celle de la communauté d'agglomération. Pour le local commercial occupé par un restaurant à Nogent-le-Phaye, l'expert a retenu une surface utile de 862 m², alors que le service a constaté que l'immeuble à évaluer comportait un bâtiment de 980 m², un espace de stockage de 490 m² et 200 m² d'espace de stationnement et la parcelle occupée par le local commercial ne semble pas avoir été valorisée par les experts. Enfin, avant d'évaluer le bien, l'expert a consulté l'acte de cession de fonds de commerce du 17 décembre 2013. Il fait état des modifications du bail du 10 juin 2015 et du 1er décembre 2017 alors qu'il s'agit d'éléments postérieurs à la cession litigieuse. Dès lors, le rapport d'expertise ne suffit pas à remettre en cause la méthode de calcul retenue par l'administration. Le requérant ne saurait utilement se prévaloir de ce qu'en 2012, un des locataires de la SCI " envisageait de donner congé pour déménager dans un bâtiment public " et a effectivement donné congé le

22 mai 2014 et de ce que, pour l'immeuble de Nogent-Le-Phaye, le bail a été cédé en 2013 à la suite d'importants retards de loyers car il ne s'agissait pas de développements économiques déjà prévisibles et entamés à la date de la cession en cause.

10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 9, que le moyen tiré de ce que la valorisation des parts de la SCI VM effectuée par l'administration à la date du 4 décembre 2012 ne serait pas pertinente et, par voie de conséquence, ne saurait servir de base au calcul de la plus-value imposable, doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif d'Orléans, par le jugement attaqué, a rejeté sa demande de décharge. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Délibéré après l'audience du 25 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Perrot, présidente de chambre,

- M. Geffray, président assesseur,

- Mme Picquet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2021.

La rapporteure

P. PicquetLa présidente

I. Perrot

La greffière

A. Marchais

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 20NT02248

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02248
Date de la décision : 10/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. PERROT
Rapporteur ?: Mme Pénélope PICQUET
Rapporteur public ?: Mme CHOLLET
Avocat(s) : PATRICK FRANCOIS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 21/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-10;20nt02248 ?
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