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03/12/2021 | FRANCE | N°21NT00560

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 03 décembre 2021, 21NT00560


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique lui a interdit, pour une durée de six mois, de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive de football à laquelle participe l'équipe du Football Club de Nantes et des compétitions sportives engageant une sélection nationale de l'équipe de France de football.

Par un jugement n° 1710698 du 24 décembre 2020,

le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cou...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique lui a interdit, pour une durée de six mois, de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive de football à laquelle participe l'équipe du Football Club de Nantes et des compétitions sportives engageant une sélection nationale de l'équipe de France de football.

Par un jugement n° 1710698 du 24 décembre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er mars 2021, M. B... A..., représenté par Me Barthélémy, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1710698 du tribunal administratif de Nantes du 24 décembre 2020 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 novembre 2017 par lequel la préfète de la Loire-Atlantique lui a interdit, pour une durée de six mois, de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive de football à laquelle participe l'équipe du Football Club de Nantes et des compétitions sportives engageant une sélection nationale de l'équipe de France de football ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la préfète de la Loire-Atlantique était incompétente pour adopter l'arrêté en cause, les incidents ayant généré la décision s'étant produit dans le département du Calvados ; le préfet du Calvados était seul compétent ; aucun texte ne permet au préfet de collecter les données personnelles concernant l'appartenance à un club de supporteurs ;

- la décision est entachée d'un vice de procédure en méconnaissance de la procédure contradictoire puisqu'il est fondé sur des antécédents qui n'ont pas été évoqués lors de cette procédure ;

- la décision est entachée d'une erreur de fait :

o il n'est pas établi qu'il a méconnu l'arrêté du préfet du Calvados du 12 avril 2017 ; le fait qu'il ait été évacué du stade ne signifie pas qu'il s'est comporté comme un supporteur ou qu'il s'est prévalu de cette qualité ;

o il n'est pas établi qu'il a participé à une bousculade dans le stade de Caen le 22 avril 2017 ;

- la préfète de la Loire-Atlantique a commis une erreur dans la qualification juridique des faits ; son comportement ne peut être qualifié de comportement grave, la méconnaissance d'un arrêté pris sur le fondement de l'article L. 332-16-2 du code du sport ne constituant pas un acte grave au sens de l'article L. 332-16 du code ;

- la décision est entachée de disproportion ; aucune menace pour l'ordre public n'est établie ;

- la décision est entachée de détournement de procédure dès lors qu'elle vise à le sanctionner et non à protéger l'ordre public ;

- la décision est entachée d'erreur de droit et méconnait l'autorité de la chose jugée ; elle méconnait les constatations de fait de l'autorité judiciaire, aucune poursuite judiciaire n'ayant été engagée à son encontre.

Par un mémoire, enregistré le 9 novembre 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête de M. A....

Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du sport ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 6 novembre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a interdit à M. B... A..., supporter du Football Club de Nantes (FC Nantes) de pénétrer ou de se rendre aux abords d'une enceinte où se déroule une manifestation sportive de football à laquelle participe une équipe de ce club et des compétitions sportives engageant une sélection nationale de l'équipe de France de football, pour une durée de six mois entre le 11 novembre 2017 et le 11 mai 2018 inclus. Par ce même arrêté, la préfète de la Loire-Atlantique a ordonné à M. A... de se conformer à une obligation de pointage en se présentant dans les locaux de la gendarmerie du Loroux-Bottereau au moment des mi-temps de ces rencontres de football, y compris les matchs amicaux. M. A... relève appel du jugement du 24 décembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 6 novembre 2017.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. L'article L. 332-16 du code du sport dispose que : " Lorsque, par son comportement d'ensemble à l'occasion de manifestations sportives, par la commission d'un acte grave à l'occasion de l'une de ces manifestations, du fait de son appartenance à une association ou un groupement de fait ayant fait l'objet d'une dissolution en application de l'article L. 332-18 ou du fait de sa participation aux activités qu'une association ayant fait l'objet d'une suspension d'activité s'est vue interdire en application du même article, une personne constitue une menace pour l'ordre public, le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, prononcer à son encontre une mesure d'interdiction de pénétrer ou de se rendre aux abords des enceintes où de telles manifestations se déroulent ou sont retransmises en public. / L'arrêté, valable sur le territoire national, fixe le type de manifestations sportives concernées. Il ne peut excéder une durée de vingt-quatre mois. Toutefois, cette durée peut être portée à trente-six mois si, dans les trois années précédentes, cette personne a fait l'objet d'une mesure d'interdiction. / Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent également imposer, par le même arrêté, à la personne faisant l'objet de cette mesure l'obligation de répondre, au moment des manifestations sportives objet de l'interdiction, aux convocations de toute autorité ou de toute personne qualifiée qu'il désigne (...) /. Cette obligation doit être proportionnée au regard du comportement de la personne. / Le fait, pour la personne, de ne pas se conformer à l'un ou à l'autre des arrêtés pris en application des alinéas précédents est puni d'un an d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende (...) ".

3. En premier lieu, il ne ressort ni des dispositions citées au point précédent de l'article L. 332-16 du code du sport, ni d'aucune autre disposition législative ou réglementaire que l'interdiction administrative de stade prise sur le fondement de ces dispositions ne puisse être édictée que par le préfet du département dans lequel s'est déroulée la manifestation sportive à l'occasion de laquelle la personne visée par l'interdiction a commis les faits justifiant celle-ci. Par suite, et alors même que les faits qui constituent le motif principal de l'arrêté contesté prononçant l'interdiction en litige se sont déroulés à Caen, M. A..., qui a commis les faits en cause en qualité de supporter du Football Club de Nantes, n'est pas fondé à soutenir que la préfète de la Loire-Atlantique n'était pas compétente pour prononcer cette mesure à son encontre.

4. Par ailleurs, à supposer que M. A... ait entendu invoquer la méconnaissance de la législation relative aux fichiers de données à caractère personnel, au demeurant sans aucune précision, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté litigieux du 6 novembre 2017 n'est aucunement fondé sur la consultation d'un tel fichier mais uniquement sur les constats opérés par la brigade des mineurs et de protection de la famille du commissariat central de police de Caen le 22 avril 2017.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. /A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Par ailleurs, l'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 6 juillet 2017, la représentante de l'Etat dans le département de la Loire-Atlantique a fait savoir à M. A... qu'elle avait été informée par les services de la direction départementale de la sécurité publique du même département de faits relevés à l'encontre de l'intéressé et commis le 22 avril 2017 au sein du stade Michel d'Ornano à Caen, constitués par le non-respect de l'arrêté du préfet du Calvados du 12 avril 2017 interdisant l'accès au stade aux supporters du FC Nantes et la bousculade des supporters caennais installés en tribune " première " bloc C afin de procéder à un regroupement de supporters nantais, et qu'elle envisageait, compte tenu de la gravité des faits, de prendre à son encontre une mesure d'interdiction administrative de stade en application notamment des dispositions de l'article L. 332-16 du code du sport. Par ce même courrier, la préfète de la Loire-Atlantique informait par ailleurs M. A... qu'il avait la possibilité de présenter des observations écrites ou orales dans un délai de dix jours. Il n'est également pas contesté que M. A... a été reçu en entretien auprès des services de la préfecture de la Loire-Atlantique le 15 septembre 2017, avant l'adoption de l'arrêté litigieux. Ni les dispositions précitées de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, ni aucune autre disposition, ne prévoyant la communication à l'intéressé de son entier dossier dans le cadre de la procédure contradictoire préalable à une mesure de police administrative, M. A... ne peut utilement se prévaloir de l'absence de communication des antécédents qui lui sont opposés ou des éléments de fait fondant la mesure prise à son encontre, alors qu'il a pu utilement présenter ses observations dans les circonstances mentionnées ci-dessus. Dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la procédure contradictoire prévue par les dispositions de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration aurait été méconnue.

7. En troisième lieu, si les faits constatés par le juge pénal et qui commandent nécessairement le dispositif d'un jugement ayant acquis force de chose jugée s'imposent à l'administration comme au juge administratif, la même autorité ne saurait s'attacher aux motifs d'un jugement de relaxe tirés de ce que les faits reprochés ne sont pas établis ou de ce qu'un doute subsiste sur leur réalité. Il appartient, dans ce cas, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si la matérialité de ces faits est avérée. Dès lors, la circonstance invoquée par M. A... qu'aucune poursuite pénale n'a été diligentée à son encontre, et en l'absence au surplus de décision du juge pénal, ne faisait pas obstacle à ce que la préfète de la Loire-Atlantique décide, par une décision qui au demeurant n'a pas la nature de sanction administrative, de prononcer à son encontre une interdiction administrative de stade. Par suite, c'est sans commettre l'erreur de droit alléguée que la préfète de la Loire-Atlantique a adopté l'arrêté litigieux du 6 novembre 2017.

8. En quatrième lieu, M. A... soutient que l'arrêté contesté serait entaché d'un détournement de procédure, la préfète de la Loire-Atlantique visant à le sanctionner pour son comportement et non à protéger l'ordre public. Il ressort cependant des pièces du dossier, et notamment des termes de l'arrêté en litige, que la mesure d'interdiction administrative de stade prise à l'encontre du requérant ne vise pas à sanctionner son comportement passé mais à prévenir des troubles à l'ordre public à l'occasion des prochains matchs de l'équipe du FC Nantes ou de l'équipe de France de football. Ainsi, l'arrêté contesté du 6 novembre 2017 n'est entaché ni de détournement de procédure, ni de détournement de pouvoir.

9. En dernier lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 332-16 du code du sport que, pour caractériser une menace à l'ordre public, hormis les cas où une personne appartient à une association de supporters ou participe aux activités de cette dernière, le préfet peut se fonder soit sur le comportement d'ensemble de cette personne à l'occasion de plusieurs manifestations sportives soit sur la commission d'un acte grave à l'occasion de l'une de ces manifestations. Lorsque l'autorité administrative fonde sa décision sur le comportement de la personne à l'occasion d'une seule manifestation sportive, les agissements reprochés doivent nécessairement présenter un caractère de gravité particulier.

10. Il ressort des pièces du dossier, notamment d'un procès-verbal rédigé le 22 avril 2017 par un officier du commissariat central de Caen affecté au poste central de sécurité au sein du stade Michel d'Ornano, qu'un groupe d'une cinquantaine de personnes, après le coup d'envoi du match opposant le Stade Malherbe de Caen au FC Nantes, se sont regroupés dans une tribune et ont évincé le public déjà installé. Les officiers de police présents dans le stade ont constaté que ce groupement chantait et encourageait de manière organisée l'équipe de Nantes et manifestait sa joie à l'occasion du premier but marqué par l'équipe, s'affichant donc comme des supporters du club nantais, alors même que par un arrêté du 12 avril précédent le préfet du Calvados avait décidé d'interdire, entre midi et minuit, l'accès au stade caennais et à ses environs pour toute personne " se prévalant de la qualité de supporter du Football Club de Nantes ou se comportant comme tel ". Il ressort en outre des constatations précises dressées par les officiers de police, qui ont alors décidé de procéder à l'évacuation du groupe de supporters présents dans le stade en méconnaissance de l'arrêté du 12 avril 2017, que M. A... a été identifié comme figurant au nombre des personnes qui ont pris possession d'une tribune à la place du public déjà présent et ont méconnu l'interdiction édictée par le préfet du Calvados. Dans les circonstances où ils se sont déroulés, et dès lors qu'ils caractérisent un comportement troublant la tranquillité d'autres spectateurs et une volonté délibérée du groupe de supporters auquel appartenait M. A... d'enfreindre une mesure préfectorale précédemment édictée interdisant leur présence, ces faits peuvent être regardés comme constituant un acte grave au sens des dispositions du premier alinéa de l'article L. 332-16 du code du sport. Par suite, et alors qu'il n'est pas contesté que M.A... a déjà fait l'objet d'une mesure similaire d'interdiction administrative de stade pour une période de six mois entre août 2014 et février 2015 et avait méconnu l'obligation de pointage correspondante, M. A... n'est fondé à soutenir ni que l'arrêté du 6 novembre 2017 serait fondé sur des faits matériellement inexacts, ni que la préfète de la Loire-Atlantique aurait entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 novembre 2017 et a, par voie de conséquence, rejeté ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les frais du litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2: Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2021.

La rapporteure,

M. BERIA-GUILLAUMIELe président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00560


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00560
Date de la décision : 03/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : BARTHELEMY

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-03;21nt00560 ?
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