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03/12/2021 | FRANCE | N°21NT00048

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 03 décembre 2021, 21NT00048


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 avril 2018 par laquelle la maire de la commune de Bonnebosq lui a imposé la réalisation d'une étude géotechnique et de travaux de comblement de terrain sur sa propriété, ainsi que le rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à la commune de Bonnebosq, d'une part, de faire intervenir un bureau d'étude en géotechnique et d'autre part, de réaliser les travaux nécessaires pour lutter contre l'affaissement de son terrain. <

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Par un jugement n° 1802577 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler la décision du 10 avril 2018 par laquelle la maire de la commune de Bonnebosq lui a imposé la réalisation d'une étude géotechnique et de travaux de comblement de terrain sur sa propriété, ainsi que le rejet de son recours gracieux et d'enjoindre à la commune de Bonnebosq, d'une part, de faire intervenir un bureau d'étude en géotechnique et d'autre part, de réaliser les travaux nécessaires pour lutter contre l'affaissement de son terrain.

Par un jugement n° 1802577 du 12 novembre 2020, le tribunal administratif de Caen a, en premier lieu, annulé l'article 2 de l'arrêté du 16 février 2018, la décision du 10 avril 2018 et la décision confirmative née du silence gardé par la commune de Bonnebosq sur le courrier de M. A... du 28 juin 2018 en tant qu'elles mettent à sa charge le soin de procéder à l'étude géotechnique et le cas échéant aux travaux qui seraient prescrits, et en second lieu, enjoint au maire de Bonnebosq de faire réaliser, aux frais de la commune, et dans un délai de six mois, l'étude géotechnique préconisée par le rapport d'expertise du 8 février 2018 afin de permettre à la commune de réexaminer les mesures nécessaires pour assurer la sécurité de la zone exposée à un risque d'effondrement.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 8 janvier 2021, le 7 septembre 2021 et le 23 septembre 2021, la commune de Bonnebosq, représentée par Me Soublin, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802577 du tribunal administratif de Caen du 12 novembre 2020 ;

2°) de rejeter les demandes de M. A... devant le tribunal administratif de Caen ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de trois mille euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges ont statué ultra petita en annulant l'article 2 de l'arrêté du 16 février 2018 alors que M. A... ne demandait pas l'annulation de cet arrêté ; le tribunal administratif ne pouvait requalifier les demandes de M. A... ;

- la requête de M. A... était irrecevable :

o le courrier du 10 avril 2018 ne faisait pas grief ;

o la requête de M. A... était tardive en application des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; M. A... avait connaissance des voies et délais de recours dans la décision du 16 février 2018 ; le second recours administratif exercé le 28 juin 2018 n'a pu prolonger le délai de recours contentieux ; la décision confirmative du 10 avril 2018 n'avait pas à comporter l'exposé des voies et délais de recours ;

- en application des dispositions des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, en l'absence de preuve d'un danger grave et immédiat et alors que le maire n'était tenu qu'à la prise de précautions convenables, les mesures de sûreté sur les propriétés privées ne pouvaient être mises à la charge de la collectivité ;

- du fait de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, en application des dispositions des articles L. 125-1, L. 125-3 et L. 125-4 du code des assurances, le coût des études géotechniques incombe à l'assureur de M. A..., si ce dernier a saisi son assureur dans un délai de dix jours à compter de la publicité de l'arrêté au Journal Officiel ;

- l'autre moyen soulevé par M. A... devant le tribunal administratif de Caen, tiré de la méconnaissance de la procédure contradictoire, doit être écarté :

* les dispositions de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration n'étaient pas applicables puisque le litige fait suite à une demande de M. A... ;

* les dispositions de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration n'étaient pas applicables puisque la demande de M. A... n'est pas intervenue en matière de police ;

* les dispositions de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration n'étaient pas applicables puisque s'appliquait une autre procédure contradictoire, adaptée à l'urgence, en application de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation ;

* à supposer que les dispositions de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration étaient applicables, M. A... n'a pas été privé d'une garantie du fait de l'omission d'une procédure contradictoire ; un tel vice n'a eu aucune influence sur le sens de la décision.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 8 avril 2021, le 14 septembre 2021 et le 12 octobre 2021, M. B... A..., représenté par Me Launay, conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Bonnebosq en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par la commune de Bonnebosq ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béria-Guillaumie, première conseillère,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Soublin, représentant la commune de Bonnebosq, et de Me Launay, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... a acquis, en avril 2005, une maison d'habitation située sur une parcelle de 4 920 m² cadastrée OC 348 sur le territoire de la commune de Bonnebosq (Calvados). Le 23 janvier 2018, il a découvert sur son terrain et sur la parcelle voisine cadastrée OC 336, un effondrement circulaire rempli d'eau. Le 29 janvier suivant, la maire de la commune de Bonnebosq a saisi les autorités de l'Etat en vue de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle. Le 31 janvier 2018, la maire de la commune a saisi le tribunal administratif de Caen en lui demandant la désignation d'un expert sur le fondement des dispositions, dans leur rédaction alors applicable de l'article L. 511-3 du code de la construction et de l'habitation, et en a, par un courrier du même jour, informé M. A.... L'expert, désigné par une ordonnance du tribunal administratif de Caen du 1er février 2018, a rendu son rapport le 8 février suivant. Par un arrêté du 16 février 2018, pris sur le fondement des articles L. 2212-1 et suivants du code général des collectivités territoriales, la maire de la commune de Bonnebosq a mis en demeure M. A... de quitter provisoirement l'immeuble situé sur la parcelle en cause dans l'attente d'un diagnostic approfondi réalisé par un bureau d'études spécialisé, a prononcé une interdiction d'habitation (article 1er) et a décidé que l'évacuation à caractère temporaire prendrait fin une fois que les recherches complémentaires auraient permis de requalifier et/ou de délimiter le risque d'affaissement et d'écarter tout risque d'effondrement de l'habitation et en cas de prescription de travaux, après exécution des travaux (article 2). Le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) également sollicité par l'Etat, a rendu un rapport le 19 février 2018, et a préconisé, dans un courriel du 20 février 2018, notamment de maintenir les interdictions de résider dans la maison et de circuler dans la parcelle jusqu'à réalisation des travaux d'investigation et de sécurisation et de faire intervenir rapidement un bureau d'études spécialisé en géotechnique pour définir l'origine et la géométrie des vides dans le terrain. Par un courrier du 7 avril 2018, M. A... a exercé un recours gracieux contre l'arrêté du 16 février 2018. Ce recours a été rejeté par une décision de la maire de la commune de Bonnebosq du 10 avril 2018 au motif que l'intéressé ne rapportait pas la preuve que l'étude géotechnique préconisée avait eu lieu ni que les travaux de comblement avaient été effectués. M. A... a de nouveau contesté cette décision par un courrier du 16 avril 2018. Par un arrêté conjoint du 23 mai 2018, publié au Journal officiel de la République française du 22 juin 2018, le ministre de l'intérieur, le ministre de l'économie et des finances, le ministre de l'action et des comptes publics et la ministre des outre-mer ont reconnu l'état de catastrophe naturelle dans la commune de Bonnebosq à la suite des inondations en application des dispositions de l'article L. 125-1 du code des assurances. Par un courrier du 28 juin 2018, le conseil de M. A... a exercé un recours gracieux contre la décision, qu'il estimait contenue dans le courrier de la commune de Bonnebosq du 10 avril 2018, mettant à la charge de l'intéressé les frais de l'étude géotechnique et ceux des travaux à réaliser.

2. M. A... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 10 avril 2018 par laquelle la maire de la commune de Bonnebosq lui a imposé la réalisation d'une étude géotechnique et de travaux de comblement du terrain de sa propriété et du rejet de son recours gracieux du 28 juin 2018, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Bonnebosq de faire intervenir, dans un délai d'un mois, un bureau d'étude géotechnique et de faire réaliser les travaux nécessaires pour lutter contre l'affaissement de son terrain. La commune de Bonnebosq relève appel du jugement du 12 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé l'article 2 de l'arrêté du 16 février 2018, la décision du 10 avril 2018 et la décision née du silence gardé par la commune de Bonnebosq sur le courrier de M. A... du 28 juin 2018 en tant qu'elles mettaient à sa charge le soin de procéder à l'étude géotechnique et le cas échéant, aux travaux qui seraient prescrits et d'autre part, enjoint à la maire de la commune de Bonnebosq de faire réaliser, aux frais de la commune, l'étude géotechnique préconisée par le rapport d'expertise du 8 février 2018 dans un délai de six mois.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

4. L'article 2 de l'arrêté du 16 février 2018 portant arrêté de péril avec interdiction d'habiter les lieux, notifié à M. A..., propriétaire du terrain, précisait que " cette évacuation est à caractère temporaire et prendra fin une fois que des recherches complémentaires effectuées par un bureau d'études géotechnique spécialisé auront permis de requalifier et/ou de délimiter le risque d'affaissement et d'écarter tout risque d'effondrement de l'habitation. Le cas échéant, si des travaux sont prescrits (comblement de galeries, en particulier), seule leur exécution permettra de lever le péril constaté ". Alors que M. A..., propriétaire du terrain, était désigné comme destinataire de cet arrêté, l'article 2 de l'arrêté du 16 février 2018 mettait donc à sa seule charge la réalisation de l'étude géotechnique et des éventuels travaux ultérieurs, quand bien même l'intéressé n'a réalisé l'étendue des obligations mises à sa charge par l'arrêté en cause qu'à la suite de la lettre de la maire de la commune de Bonnebosq du 10 avril 2018. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que par un courrier du 7 avril 2018, M. A... a exercé un recours gracieux contre l'arrêté du 16 février 2018, notamment en ce qu'il portait interdiction d'habiter son immeuble. Son recours a été rejeté par une décision de la maire de la commune de Bonnebosq du 10 avril 2018, à laquelle M. A... a répondu par un courrier du 16 avril 2018, cette dernière date devant être regardée comme la date à laquelle il a eu connaissance du rejet de son recours gracieux par la décision du 10 avril 2018. La circonstance que la décision du 10 avril 2018 ne comporte pas l'exposé des voies et délais de recours ouverts à son encontre, ou que la commune n'aurait pas délivré un accusé de réception au recours gracieux de M. A... du 7 avril 2018, n'a pas empêché le délai de recours contentieux de courir dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 16 février 2018 comportait l'exposé des voies et délais de recours ouverts à l'intéressé et précisait notamment que " un recours contentieux peut également être introduit devant le tribunal administratif de Caen (...) dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêté ou à compter de la réponse de l'administration si un recours gracieux a été préalablement déposé ". La mention des voies et délais de recours dans la décision du 16 février 2018 a ainsi suffi à faire courir les délais à l'égard de la décision du 10 avril 2018 portant rejet du recours gracieux de M. A.... Dans ces conditions, le second recours gracieux exercé par le conseil de M. A... le 28 juin 2018 n'a pas rouvert le délai contentieux et la commune de Bonnebosq est fondée à soutenir que, lorsque M. A... a saisi le tribunal administratif de Caen le 29 octobre 2018, le délai de recours ouvert à l'encontre de l'arrêté du 16 février 2018 et de la décision du 10 avril 2018 portant rejet de son recours gracieux était expiré et que la demande de première instance était pour ce motif irrecevable.

5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la commune de Bonnebosq est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a, d'une part, annulé l'article 2 de l'arrêté du 16 février 2018, la décision du 10 avril 2018 et la décision née du silence gardé par la commune de Bonnebosq sur le courrier de M. A... du 28 juin 2018 en tant qu'elles mettaient à sa charge le soin de procéder à l'étude géotechnique et le cas échéant, aux travaux qui seraient prescrits et d'autre part, enjoint à la maire de la commune de Bonnebosq de faire réaliser, aux frais de la commune, l'étude géotechnique préconisée par le rapport d'expertise du 8 février 2018 dans un délai de six mois.

6. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner la demande de M. A... devant le tribunal administratif de Caen. Il résulte de ce qui précède que cette demande doit être rejetée comme tardive.

Sur les frais du litige :

7. Il n'apparait pas inéquitable, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge de chacune des parties les frais d'instance qu'elles ont exposés.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802577 du tribunal administratif de Caen du 12 novembre 2020 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Caen est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de M. A... et de la commune de Bonnebosq tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bonnebosq et à M. B... A....

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président-assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2021.

La rapporteure,

M. BERIA-GUILLAUMIELe président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Calvados en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00048


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00048
Date de la décision : 03/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: Mme Marie BERIA-GUILLAUMIE
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : SELARL AUGER VIELPEAU LE COUSTUMER - MEDEAS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-03;21nt00048 ?
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