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03/12/2021 | FRANCE | N°20NT03946

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 03 décembre 2021, 20NT03946


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Société d'Exploitation des Garden Resorts a demandé au tribunal administratif de Nantes de constater l'illégalité de la délibération du conseil municipal de la commune d'Avrillé en date du 21 septembre 2017 décidant la résiliation pour un motif d'intérêt général de la convention portant occupation du domaine public du château de la Perrière, conclue le 19 août 2008, au terme d'un préavis de six mois arrivant à échéance le 2 avril 2018, d'enjoindre à la commune d'Avrillé de reprendre le

s relations contractuelles, d'ordonner le paiement par cette même commune de toute so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS Société d'Exploitation des Garden Resorts a demandé au tribunal administratif de Nantes de constater l'illégalité de la délibération du conseil municipal de la commune d'Avrillé en date du 21 septembre 2017 décidant la résiliation pour un motif d'intérêt général de la convention portant occupation du domaine public du château de la Perrière, conclue le 19 août 2008, au terme d'un préavis de six mois arrivant à échéance le 2 avril 2018, d'enjoindre à la commune d'Avrillé de reprendre les relations contractuelles, d'ordonner le paiement par cette même commune de toute somme destinée à réparer son préjudice entre la date d'effet de la résiliation et la date de la reprise des relations contractuelles ou à défaut de faire droit à ses conclusions indemnitaires présentées dans une requête n° 1904121 et de mettre à la charge de la commune d'Avrillé une somme de 10 000 euros au titre des articles L. 761-1 et R. 761-2 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1710379 du 6 octobre 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 7 décembre 2020, 23 décembre 2020 et 25 mai 2021, la société d'exploitation des Garden Resorts, représentée par Me Lamblin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 6 octobre 2020 du tribunal administratif de Nantes ;

2°) d'enjoindre à la commune d'Avrillé de reprendre ses relations contractuelles avec la société requérante ;

3°) de condamner la commune d'Avrillé à lui verser toute somme destinée à réparer son préjudice entre la date d'effet de la résiliation et celle qui sera fixée pour la reprise des relations contractuelles ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Avrillé la somme de 20 000 euros en application des articles L. 761-1 et R. 761-2 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier :

. il est entaché d'incompétence de la juridiction ; tous les biens objet de la convention du 29 août 2008 la liant à la commune appartenaient au domaine privé de la commune et ce bail était alors de droit privé ; le contrat conclu ne comporte pas de clauses exorbitantes du droit commun pour un motif d'intérêt général ;

. il est insuffisamment motivé en ce qu'il ne répond pas à ses demandes tendant à obtenir qu'il soit enjoint à la commune de reprendre ses relations contractuelles avec la requérante et alors qu'il n'a pas été demandé l'annulation de la délibération du 21 septembre 2017 du conseil municipal d'Avrillé décidant la résiliation de la convention du 19 août 2008 ;

. il est insuffisamment motivé dans sa réponse apportée aux moyens tirés du détournement de pouvoir et de l'existence d'un motif d'intérêt général fondant la décision de résiliation ;

- les premiers juges ont entaché leur jugement d'erreurs de fait s'apparentant à une dénaturation des pièces du dossier ; au titre du motif d'intérêt général fondant la décision de résiliation il ne peut lui être opposé qu'elle refusait de payer une redevance d'occupation du château, alors qu'elle n'en contestait que le montant, qu'elle aurait manqué à ses obligations financière d'entretien du bien eu égard aux articles 15 et 12 de la convention résiliée et à ses justificatifs ou qu'elle aurait rencontré des difficultés financières au vu uniquement de son résultat net ;

- le jugement est entaché d'erreurs de droit s'agissant de l'application de l'obligation d'information des conseillers municipaux au regard des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales, de l'appréciation portée sur la motivation de la délibération du 21 septembre 2017 alors que celle-ci s'impose et de l'appréciation portée sur le motif d'intérêt général invoqué pour fonder la décision de résiliation s'agissant d'un projet purement privé concurrençant les droits que la commune a accordé au titre d'un contrat administratif pour aboutir à la résiliation de ce dernier ;

- si le jugement est annulé, même partiellement, il conviendra d'annuler la délibération pour les motifs suivants :

. la décision de résiliation est entachée de détournement de pouvoir ;

. elle est intervenue au terme d'une procédure irrégulière en méconnaissance des articles L. 2121-12 et L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales ;

. elle est insuffisamment motivée ;

. elle repose sur des motifs erronés en fait et en droit ; la précarité et révocabilité d'une occupation du domaine public, ainsi que le principe de libre administration des collectivités locales ne peuvent à eux seuls fonder la délibération contestée ; le principe de non-gratuité des occupations du domaine public énoncé à l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques ne peut fonder la décision en l'espèce alors que la commune ne pouvait lui opposer le non-paiement de ses redevances telles que prévues par la convention ; il ne peut lui être opposé un défaut d'entretien, au demeurant de nature purement locatif, susceptible d'avoir influé négativement sur la valeur du château ; le motif tiré du retard à construire un hôtel ne constitue ni une faute ni un motif d'intérêt général pouvant fonder la décision ; la société requérante ne se trouvait pas en situation de difficulté financière et ne contestait pas le principe du caractère onéreux de son occupation ; le projet de la commune de céder une dépendance du domaine public à une société privée à un prix inférieur à sa valeur en lui accordant de surcroit une aide illégale ne peut fonder légalement la décision contestée.

- la circonstance que les biens objet de la convention ont été vendus en juillet 2018 ne s'oppose pas à la reprise sollicitée des relations contractuelles dès lors que la commune pourrait obtenir du juge judiciaire la résolution de cette vente ou mettre en œuvre la clause résolutoire prévue au contrat de vente ;

- la demande de substitution de motifs présentée par la commune sera écartée ; la résiliation pour disparition de la cause du contrat obéit à un régime juridique distinct de celui pour motif d'intérêt général ; cette demande est infondée alors que la réalisation d'un hôtel n'a pas été la cause, objective, de la conclusion de la convention de 2008.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 avril et 23 juin 2021, la commune d'Avrillé, représentée par Me Pinot, conclut au rejet de la requête et demande de mettre à la charge de la société d'exploitation des Garden Resorts une somme de 20 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les moyens soulevés par la société SEGR ne sont pas fondés ;

- si la cour considérait que le château ne relève pas du domaine public, la convention du 29 août 2008 s'analyse comme un contrat administratif dès lors qu'elle comporte des clauses exorbitantes du droit commun ;

- subsidiairement, si la cour devait juger que les motifs de la délibération ne sont pas légalement fondés, il y aurait lieu de substituer à ces motifs celui, d'intérêt général, tiré de la disparition de la cause de la convention dès lors que la réalisation de l'hôtel constituait la raison déterminante de la commune au fait de permettre à la société d'occuper le château ; il n'est ainsi pas exclu que le constat de la non réalisation de l'hôtel à la fin de la phase 1 a entrainé la caducité de la convention soit du fait de la non réalisation d'une condition suspensive soit du fait de la disparition de la cause de la convention.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- code général des collectivités territoriales ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Rivas,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Lamblin, représentant la société d'exploitation des Garden Resorts, et de Me Delafontaine, représentant la commune d'Avrillé.

Considérant ce qui suit :

1. Par une convention d'occupation du domaine public conclue le 19 août 2008, complétée par un avenant n° 1 du 3 mars 2012, la commune d'Avrillé a accordé à la Société d'Exploitation des Garden Resorts (SEGR) le droit d'exploiter le château de la Perrière, lui appartenant, afin d'y exercer une activité de restauration et d'organisation de séminaires et d'évènements festifs, avec le projet de créer une structure hôtelière. Par une délibération du 21 septembre 2017, le conseil municipal de la commune a décidé de résilier cette convention pour un motif d'intérêt général. Cette décision a pris effet le 4 avril 2018, six mois après sa notification. La SEGR a alors demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cette décision de résiliation, de prononcer la reprise des relations contractuelles avec la commune d'Avrillé et de l'indemniser de son préjudice subi entre la date d'effet de la résiliation et la date de reprise des relations contractuelles. Par un jugement du 6 octobre 2020, dont la SEGR relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 1 du code général de la propriété des personnes publique : " Le présent code s'applique aux biens et aux droits, à caractère mobilier ou immobilier, appartenant à l'Etat, aux collectivités territoriales et à leurs groupements, ainsi qu'aux établissements publics. " et aux termes de l'article L. 2111-1 de ce code : " Sous réserve de dispositions législatives spéciales, le domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 est constitué des biens lui appartenant qui sont soit affectés à l'usage direct du public, soit affectés à un service public pourvu qu'en ce cas ils fassent l'objet d'un aménagement indispensable à l'exécution des missions de ce service public. ".

3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite de l'acquisition du château de la Perrière, la commune d'Avrillé a, d'une part, aménagé un golf dans ses jardins et, d'autre part, utilisé les communs du château pour l'accueil des golfeurs, incluant une activité de bar-restaurant, et des bureaux dédiés à cette activité. Cet ensemble composé du golf et de ses locaux accessoires a été exploité en dernier lieu par une société sous la forme d'une concession de service public conclue le 20 décembre 2004. Parallèlement, la commune a effectué des travaux de rénovation et d'aménagement du château dans une perspective de développement touristique. L'édifice a ainsi été doté d'une cuisine équipée indispensable à la création d'une activité de restauration de qualité destinée au tourisme et à l'accueil de séminaires et d'évènements organisés sur le site. Le château, disposant de salons et de salles de prestige destinés à cet accueil, a également été doté des éléments de connectique nécessaires. Par ailleurs la convention d'occupation du domaine public conclue le 19 août 2008 entre la commune d'Avrillé et la SEGR a prévu la réalisation, initialement le 1er janvier 2011 au plus tard, d'une structure hôtelière sur une parcelle située à proximité immédiate du château et du golf, destinée à conforter l'offre touristique communale sur un site de prestige. Enfin, la même convention limite également l'action de l'exploitant désigné, au titre de l'aménagement intérieur du château, au choix du mobilier et des éléments de décoration et prévoit un contrôle de la commune sur les modalités et tarifs de location des salles. Par suite, les biens immobiliers objets de la convention d'occupation du 19 août 2008 constituent une dépendance du domaine public communal au regard des dispositions de l'article L. 2111-1 du code général de la propriété des personnes publiques dès lors qu'il s'agissait de biens appartenant à la commune, affectés à un service public de développement touristique et économique et ayant fait l'objet à cet effet d'un aménagement indispensable. En conséquence, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en ce que les premiers juges auraient omis, à tort, de soulever le moyen d'ordre public tiré de l'incompétence de la juridiction administrative au motif allégué que la convention en litige concernerait le domaine privé de la commune d'Avrillé.

4. En deuxième lieu, il ressort des termes même du jugement attaqué que les premiers juges ne se sont pas mépris sur l'objet de la demande de la SEGR qu'ils ont analysé comme un recours de plein contentieux en contestation de la validité de la mesure de résiliation de la convention d'occupation du château de la Perrière conclue le 19 août 2008 et tendant à la reprise des relations contractuelles ainsi qu'à l'indemnisation de son préjudice financier. Ce jugement répond par ailleurs avec la précision nécessaire, en son point 6, au moyen tiré de l'irrégularité alléguée de la délibération du 21 septembre 2017 du conseil municipal d'Avrillé décidant la résiliation de la convention. De même, en ses points 9 et 10, le jugement répond avec la même précision, alors que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments de la SEGR, au moyen tiré de l'irrégularité de la même délibération au motif qu'en méconnaissance de l'article 25.2 de la convention elle ne serait pas intervenue pour un motif d'intérêt général.

5. Enfin la contradiction de motifs alléguée par la requérante au regard des points 9 et 10 du jugement attaqué est susceptible d'affecter le bien-fondé du jugement et non sa régularité. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

6. D'une part, aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 (...) ". Aux termes de l'article L. 2122-3 du même code " L'autorisation mentionnée à l'article L. 2122-1 présente un caractère précaire et révocable ".

7. D'autre part, il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles. Pour déterminer s'il y a lieu de faire droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il incombe au juge du contrat d'apprécier, eu égard à la gravité des vices constatés et, le cas échéant, à celle des manquements du requérant à ses obligations contractuelles, ainsi qu'aux motifs de la résiliation, si une telle reprise n'est pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général et, eu égard à la nature du contrat en cause, aux droits du titulaire d'un nouveau contrat dont la conclusion aurait été rendue nécessaire par la résiliation litigieuse. Lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat. Toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel.

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2121-13 du code général des collectivités territoriales : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de sa fonction, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération. " Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. ".

9. Il résulte de ces dispositions que la convocation des élus au conseil municipal de la commune d'Avrillé doit être accompagnée d'une note explicative de synthèse portant sur chacun des points à l'ordre du jour. Le défaut d'envoi de cette note ou son insuffisance entache d'irrégularité les délibérations prises, à moins que le maire n'ait fait parvenir aux membres de ce conseil, en même temps que la convocation, les documents leur permettant de disposer d'une information adéquate pour exercer utilement leur mandat. Cette obligation, qui doit être adaptée à la nature et à l'importance des affaires, doit permettre aux intéressés d'appréhender le contexte ainsi que de comprendre les motifs de fait et de droit des mesures envisagées et de mesurer les implications de leurs décisions. Elle n'impose toutefois pas de joindre à la convocation adressée aux intéressés, à qui il est au demeurant loisible de la solliciter, conformément à l'article L. 2121-13 du même code, une justification détaillée du bien-fondé des propositions qui leur sont soumises.

10. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'en atteste précisément le maire de la commune d'Avrillé sans être utilement contredit, que les membres du conseil municipal ont reçu communication, par courrier postal ou électronique, d'une note explicative de synthèse relative au " dossier château La Perrière ", à laquelle était annexée la convention d'occupation du domaine public, en vue de la réunion du conseil municipal du 21 septembre 2017 devant statuer notamment sur la résiliation de la convention du 19 août 2008 liant la commune à la SEGR. Il résulte de ce document qu'était alors envisagé une résiliation de cette convention pour un motif d'intérêt général, sur le fondement de l'article 25.2 de la convention du 19 août 2008. Cette explication figure dans un document plus général, joint, portant également sur les autres délibérations relatives au devenir du château de la Perrière présentées à l'ordre du jour de la même réunion du conseil municipal. A ce titre figurent diverses informations complémentaires détaillant les motifs de la décision de résiliation de la convention. Il ne peut être reproché à cette note de ne pas comporter le montant de l'indemnité due en pareille situation à la SEGR alors que le calcul de celle-ci dépendait d'informations, la valeur nette comptable des mobiliers et matériels acquis et le manque à gagner estimé de cette société pour la période restant à courir de la convention, qui n'étaient pas disponibles à cette date. De plus, il n'était pas nécessaire d'évoquer dans ce document le risque d'une majoration de cette indemnité mise à la charge de la commune dans l'hypothèse d'un contentieux ouvert par la SEGR dès lors que la décision de résiliation ne pouvait être présumée illégale. Aussi, la collectivité a satisfait aux obligations d'information auxquelles elle était astreinte et le moyen tiré de ce que la délibération litigieuse serait intervenue au terme d'une procédure irrégulière doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits (...) ". Et, aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

12. La SEGR soutient que la délibération du 21 septembre 2017 décidant la résiliation de la convention la liant à la commune d'Avrillé est irrégulière, au regard de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, faute de motivation. En tout état de cause, la délibération contestée comporte les éléments de droit et de fait nécessaires dès lors qu'elle mentionne les dispositions législatives et les stipulations de la convention d'occupation du château de la Perrière dont il est fait application, ainsi que les éléments de fait, la volonté de la commune de vendre le château et le non-paiement par la SEGR de redevances dues à cette collectivité, fondant en conséquence la résiliation. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 25 " Résiliation par la collectivité " de la convention d'occupation du domaine public conclue le 19 août 2008 entre la commune d'Avrillé et la SEGR : " 25.1 La présente convention sera résiliée de plein droit par la collectivité si elle le décide, et sans indemnité, en cas de (...) - inexécution ou manquement de l'occupant à l'une quelconque de ses obligations prévues à la présente convention, après réception par l'occupant d'une lettre recommandée avec accusé de réception et restée sans effet pendant un délai d'un (1) mois. / 25.2 Pour tout motif d'intérêt général autre que ceux définis ci-dessus, la présente convention peut être résiliée par la collectivité, moyennant une indemnité (...). "

14. Il résulte de l'instruction que la délibération du 21 septembre 2017 décidant la résiliation de la convention est fondée sur deux motifs tirés, d'une part, du fait que la SEGR ne s'acquittait plus des redevances auxquelles elle était soumise en application de la convention d'occupation domaniale et, d'autre part, de la nécessité pour la commune de résilier cette convention afin de pouvoir ensuite céder notamment le château de la Perrière et son golf à une société tierce porteuse d'un projet global d'aménagement touristique du site. D'une part, il n'est pas sérieusement contesté que la SEGR ne s'est plus acquittée des redevances d'occupation dues au titre de la convention du 19 août 2008 à compter de 2014. Cette situation est de nature à fonder régulièrement une décision de résiliation pour un motif d'intérêt général en application des stipulations mentionnées au point précédent dès lors qu'elle s'assimile à un manquement de la société à ses obligations financières contractuelles susceptible de constituer un tel motif, au sens de l'article 25.1 précité de la convention.

15. D'autre part, il résulte de l'instruction, notamment des débats en conseil municipal ayant précédé l'adoption de la délibération du 21 septembre 2017, que dès avant la conclusion de la convention du 19 août 2008, l'objectif poursuivi par la commune d'Avrillé, et prévu explicitement par cette convention dans un délai maximal de trois ans, était l'ouverture d'une structure hôtelière destinée à compléter et dynamiser l'offre touristique communale autour du château de la Perrière et du golf. Or, à la date de la délibération contestée, cette structure n'avait pas été réalisée malgré la conclusion de l'avenant n° 1 du 23 mars 2012 repoussant au 31 décembre 2013 la date butoir de début d'exploitation de l'hébergement hôtelier, prévue dès la conclusion de la convention du 19 août 2008, et la délivrance en avril 2015 du permis de construire un hôtel, après l'échec d'un projet de création d'une résidence hôtelière, faute des investisseurs nécessaires à la réalisation du projet d'hôtel. Or, il est par ailleurs constant qu'en 2017, alors que la commune envisageait de soumettre à nouveau à la concurrence la délégation de service public conclue le 20 décembre 2004 pour l'exploitation de son golf municipal, elle a été saisie d'un projet d'achat de cet équipement et du château, ainsi que d'une voie dénommée Allée royale et d'une autre parcelle situées à proximité, par une société tierce spécialisée. Cette proposition d'achat a été assortie d'une proposition d'aménagement touristique coordonné de l'ensemble de ces biens immobiliers, conservant l'offre de restauration et de location des salles du château et incluant une offre d'hébergement. Par suite, eu égard à la volonté ancienne de la commune de dynamiser son offre touristique autour de ce site historique remarquable, alors qu'à la date de la délibération du 21 septembre 2017 la réalisation de ce projet était plausible, et, au regard du présent litige, indépendamment des conditions financières et juridiques de réalisation de la cession intervenue ultérieurement entre la commune et la société s'étant portée acquéreuse, la résiliation de la convention d'occupation du château était également justifiée par un motif d'intérêt général au sens de l'article 25.2 de la convention du 19 août 2008.

16. Ainsi qu'il a été dit aux deux points précédents, le motif de la décision de résiliation tenant à l'existence d'un projet de cession de l'ensemble immobilier du château et du golf à une société privée spécialisée dans le cadre d'un projet global de valorisation touristique du site revêt un caractère d'intérêt général. Eu égard à l'importance de ce projet pour le développement économique de la commune, la résiliation ne saurait ainsi être regardée comme entachée d'un détournement de pouvoir au motif qu'elle aurait pour objet de favoriser un opérateur privé, alors surtout que, si la convention conclue en 2008 n'avait pas directement pour objet la construction d'un hôtel mais l'occupation d'une dépendance du domaine public communal, elle prévoyait toutefois explicitement que la société SEGR s'engageait, en contrepartie de l'autorisation d'occupation qui lui était consentie, à réaliser la construction d'un hébergement hôtelier puisque l'exploitation de celui-ci devait même constituer à l'issue de la " phase préalable " de trois ans, prolongée par avenant jusqu'en 2013, " son activité principale " en vertu de l'article 5 de la convention.

17. Par conséquent, dans les conditions précisées aux points précédents, la mesure de résiliation de la convention du 21 septembre 2017 n'est pas entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé et les conclusions de la SEGR demandant à la reprise des relations contractuelles ne peuvent alors qu'être rejetées. Pour le même motif ses conclusions, au surplus non chiffrées, tendant à être indemnisée de son préjudice allégué pour la période courant entre la date d'effet de la résiliation et la reprise des relations contractuelles ne peuvent qu'être rejetées.

18. Il suit de là que la SEGR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles et ses conclusions indemnitaires.

Sur les frais d'instance :

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par la SEGR. En revanche, il convient, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière, sur le fondement des mêmes dispositions, la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune d'Avrillé.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société d'exploitation des Garden Resorts est rejetée.

Article 2 : La société d'exploitation des Garden Resorts est condamnée à verser à la commune d'Avrillé la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exploitation des Garden Resorts et à la commune d'Avrillé.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. Rivas, président assesseur,

- Mme Béria-Guillaumie, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 décembre 2021.

Le rapporteur,

C. RIVAS

Le président,

L. LAINÉ

La greffière,

S. LEVANT

La République mande et ordonne au préfet du Maine-et-Loire en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 20NT03946


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT03946
Date de la décision : 03/12/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. PONS
Avocat(s) : LAMBLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 14/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-12-03;20nt03946 ?
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