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30/11/2021 | FRANCE | N°20NT02839

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 5ème chambre, 30 novembre 2021, 20NT02839


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D..., M. B... D... et M. E... D..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 23 mars 2017 par laquelle le conseil municipal d'Erquy a approuvé la modification n° 8 du plan local d'urbanisme communal, ainsi que le rejet du recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement n°1704384 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistré

s les 8 septembre 2020 et 26 janvier 2021, M. C... D..., M. B... D..., représentés par Me Poi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... D..., M. B... D... et M. E... D..., ont demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la délibération du 23 mars 2017 par laquelle le conseil municipal d'Erquy a approuvé la modification n° 8 du plan local d'urbanisme communal, ainsi que le rejet du recours gracieux formé contre cette décision.

Par un jugement n°1704384 du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 septembre 2020 et 26 janvier 2021, M. C... D..., M. B... D..., représentés par Me Poilvet, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 10 juillet 2020 du tribunal administratif de Rennes ;

2°) d'annuler la délibération du 23 mars 2017 ainsi que le rejet du recours gracieux formé contre cette décision ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune d'Erquy de procéder à un nouvel examen de leur demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la commune d'Erquy la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la délibération contestée est incompatible avec le schéma de cohérence territoriale du Pays de Saint-Brieuc ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne le zonage retenu au regard de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2020, la commune d'Erquy, représentée par Me Marchand, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de MM. D... la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par les requérants n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Frank,

- les conclusions de M. Mas, rapporteur public,

- et les observations de Me Poilvet, représentant MM. D..., et Me Léon, substituant Me Marchand, représentant la commune d'Erquy.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 16 août 2008, le conseil municipal de la commune d'Erquy a approuvé le plan local d'urbanisme communal. Par une délibération du 23 mars 2017, le conseil municipal a approuvé la modification n° 8 de ce plan local d'urbanisme. M. C... D..., M. B... D... et M. E... D..., propriétaires d'une unité foncière regroupant sept parcelles cadastrées à la section B n°s 2220, 2221, 2222, 2223, 824, 827 et 1233 situées au lieu-dit " Les Jeannettes " sur le territoire de la commune d'Erquy, et présentant une superficie totale d'environ 5,3 hectares, ont demandé le retrait de cette dernière délibération ainsi que celui de la décision portant rejet du recours gracieux formé contre cette délibération. Par un jugement du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande. M. C... D... et M. B... D... relèvent appel de ce jugement.

Sur la légalité de la délibération du 23 mars 2017 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 131-4 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme (...) sont compatibles avec : 1° Les schémas de cohérence territoriale (...) ". Aux termes de l'article L. 131-6 du même code : " Lorsque le plan local d'urbanisme, (...) a été approuvé avant l'un des documents énumérés aux 1° à 4° de l'article L. 131-4, il est, si nécessaire, rendu compatible avec ce document : 1° Dans un délai d'un an s'il s'agit d'un schéma de cohérence territoriale ou de trois ans si la mise en compatibilité implique une révision du plan local d'urbanisme (...) ". L'article L. 142-1 du même code prévoit que : " Sont compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale : 1° Les plans locaux d'urbanisme (...) ". Aux termes du I de l'article L. 122-1-5 du code de l'urbanisme, applicable au 27 février 2015, date d'approbation du schéma de cohérence territoriale du Pays de Saint-Brieuc : " Le document d'orientation et d'objectifs définit les objectifs et les principes de la politique de l'urbanisme et de l'aménagement. Il détermine les conditions d'un développement équilibré dans l'espace rural entre l'habitat, l'activité économique et artisanale, et la préservation des sites naturels, agricoles et forestiers (...) ". Aux termes de l'article L. 122-1-9 du même code : " Le document d'orientation et d'objectifs précise les orientations relatives à l'équipement commercial et artisanal. Il définit les localisations préférentielles des commerces en prenant en compte les objectifs de revitalisation des centres-villes, de maintien d'une offre commerciale diversifiée de proximité permettant de répondre aux besoins courants de la population tout en limitant les obligations de déplacement et les émissions de gaz à effet de serre, de cohérence entre la localisation des équipements commerciaux et la maîtrise des flux de personnes et de marchandises, de consommation économe de l'espace et de préservation de l'environnement, des paysages et de l'architecture (...) ". Aux termes de l'article R. 122-4 du même code : " Le document graphique du document d'aménagement commercial doit permettre d'identifier les terrains situés dans les zones d'aménagement commercial délimitées en application de l'article L. 122-1-9 ".

3. Pour apprécier la compatibilité d'un plan local d'urbanisme avec un schéma de cohérence territoriale, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle de l'ensemble du territoire couvert en prenant en compte l'ensemble des prescriptions du document supérieur, si le plan ne contrarie pas les objectifs qu'impose le schéma, compte tenu des orientations adoptées et de leur degré de précision, sans rechercher l'adéquation du plan à chaque disposition ou objectif particulier.

4. En l'espèce, le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale du Pays de Saint-Brieuc dispose que : " Le rôle des zones d'aménagement commercial (ZACOM) périphériques est d'accueillir de manière préférentielle les équipements commerciaux, qui génèrent des flux de circulation (clientèle, livraison) importants, qui engendrent une logistique conséquente, ou qui offrent des produits peu compatibles avec l'environnement urbain dense des centralités, ou dont la présence est source de nuisance pour l'habitat et le voisinage (horaires de livraison des marchandises (...). Au regard des objectifs visés en matière de renforcement des centralités et de rééquilibrage de l'armature commerciale du territoire, sont accueillis sur les ZACOM à vocation "départementale structurante" les commerces dont la surface de vente est supérieure à 400 m², sachant que les collectivités concernées peuvent relever ce seuil au sein de leur document d'urbanisme. Ce seuil est rapporté à 250 m² pour les ZACOM dites "intermédiaires" (...). Les documents d'urbanisme locaux doivent permettre à la fonction commerciale de se développer dans les espaces concernés et identifiés en tant que ZACOM, zones d'aménagement commercial dédiées à l'implantation préférentielle des commerces. Ils doivent garantir leur vocation commerciale au travers un classement (zonage) et/ou des dispositions adaptées ". Le schéma de cohérence territoriale précise que la vocation des ZACOM intermédiaires " confère au pôle, au-delà du service de proximité qu'il assure à sa zone proche, un rôle particulier au profit des communes voisines qui entretiennent avec ce pôle une fréquentation d'amplitude plutôt hebdomadaire, du fait de la présence d'un supermarché (surface alimentaire entre 400 et 2 500 m². (...) Sa zone de desserte touche de 30 000 à 50 000 habitants ". Le schéma de cohérence territoriale du Pays de Saint-Brieuc identifie, en particulier avec un document graphique, sur le territoire de la commune d'Erquy, une zone d'aménagement commercial dite " intermédiaire " sur le lieu-dit " Les Jeannettes ", dénommée " ZACOM Les Jeannettes ". A ce titre, il mentionne l'enveloppe foncière dédiée à l'activité économique au sein de cette zone d'aménagement commercial et programme une extension de 4,5 hectares.

5. D'une part les requérants soutiennent que le schéma de cohérence territoriale du Pays de Saint-Brieuc, qui inclut les terrains dont ils sont propriétaires situés au lieu-dit " Les Jeannettes " au sein de la ZACOM, implique que ceux-ci, d'une superficie totale de 5,3 hectares, soient intégralement classés en zone à urbaniser ou en zone urbaine. Toutefois il ressort des pièces du dossier que deux terrains d'une superficie totale d'environ 2 hectares, respectivement situés au sud-est de leurs parcelles et sur le côté est de la rue des Chênais, également inclus au sein de la ZACOM " Les Jeannettes ", sont classés en zone à urbaniser 1AUYc et en zone urbaine UYc (constructions à vocation commerciale). Dès lors ces deux terrains, ainsi que la partie des parcelles des requérants classée en zone 2AUYc, permettent l'extension de l'enveloppe foncière dédiée à l'activité économique au sein de la ZACOM à hauteur d'environ 4,5 hectares. Dans ces conditions, le plan local d'urbanisme de la commune d'Erquy, en ce qu'il ne modifie pas le classement en zone A d'une partie des parcelles appartenant aux requérants, n'est pas de nature à compromettre la réalisation des objectifs fixés par le schéma de cohérence territoriale.

6. D'autre part les auteurs du plan local d'urbanisme de la commune d'Erquy, qui devaient seulement s'assurer que ce document ne compromettait pas la réalisation des objectifs fixés par le schéma de cohérence territoriale du Pays de Saint-Brieuc, n'étaient pas tenus de fixer le zonage en fonction des limites parcellaires, en stricte conformité avec le document graphique du schéma de cohérence territoriale identifiant la ZACOM " Les Jeannettes ".

7. Il résulte de ce qui précède que le le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 4, en raison de l'incompatibilité du plan local d'urbanisme modifié et des objectifs fixés par le schéma de cohérence territoriale, doit être écarté.

8. En second lieu, aux termes de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme : " Les zones à urbaniser sont dites "zones AU". Peuvent être classés en zone à urbaniser les secteurs destinés à être ouverts à l'urbanisation. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU ont une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone et que des orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement en ont défini les conditions d'aménagement et d'équipement, les constructions y sont autorisées soit lors de la réalisation d'une opération d'aménagement d'ensemble, soit au fur et à mesure de la réalisation des équipements internes à la zone prévus par les orientations d'aménagement et de programmation et, le cas échéant, le règlement. / Lorsque les voies ouvertes au public et les réseaux d'eau, d'électricité et, le cas échéant, d'assainissement existant à la périphérie immédiate d'une zone AU n'ont pas une capacité suffisante pour desservir les constructions à implanter dans l'ensemble de cette zone, son ouverture à l'urbanisation est subordonnée à une modification ou à une révision du plan local d'urbanisme comportant notamment les orientations d'aménagement et de programmation de la zone ".

9. Il appartient aux auteurs d'un plan d'occupation des sols de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer, en conséquence, le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

10. Les requérants soutiennent que le zonage des parcelles cadastrées à la section B sous les n°s 2220, 2221, 2222, 2223, 824, n°827 et 1233 situées au lieu-dit " Les Jeannettes ", est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'elles ne sont pas classées en zone urbaine par la délibération en litige.

11. D'une part, les circonstances que la parcelle cadastrée à la section B sous le n° 2222 supporte déjà plusieurs constructions, et que l'ensemble de l'unité foncière appartenant aux requérants soit desservie par les réseaux publics, n'impliquent pas, à elles seules, le classement de celle-ci en zone urbaine.

12. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que les parcelles concernées sont séparées de la zone urbanisée la plus proche par la rue des Chênaies, et appartiennent à une unité foncière s'ouvrant au sud et à l'ouest vers de vastes espaces naturels. L'orientation d'aménagement et de programmation qui couvre cette zone mentionne au demeurant que " la rue des Chênaies doit conserver son aspect actuel en préservant les arbres existants mais aussi en recréant une trame boisée sur sa rive sud ". Si les auteurs du plan local d'urbanisme ont souhaité ouvrir à l'urbanisation une partie des terrains concernés en les classant en zone à urbaniser " 2AUYc " pour y accueillir des constructions et installations à destination de commerce, il ne ressort pas des pièces du dossier que les voies publiques de circulation et que le réseau d'assainissement des eaux pluviales auraient, au regard de la situation existante à la date de la décision contestée, une capacité suffisante pour desservir des constructions supplémentaires dans l'ensemble du secteur, l'orientation d'aménagement et de programmation qui couvre ce secteur prévoyant notamment la réalisation d'un ouvrage de régulation des eaux pluviales d'une superficie de 2 000 m² en limite nord-ouest de l'unité foncière des requérants, ainsi que la réalisation d'une nouvelle voie de circulation au sein de la zone afin d'absorber le trafic généré par l'ouverture à l'urbanisation de ce secteur. Dans ces conditions, en ne classant pas les parcelles des consorts D... en zone urbaine, les auteurs du plan local d'urbanisme n'ont pas commis d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R. 151-20 du code de l'urbanisme.

13. Il résulte de tout ce qui précède, que MM. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 10 juillet 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique le prononcé d'aucune mesure d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Erquy, qui n'a pas la qualité de parties perdantes, le versement d'une somme au titre des frais exposés par MM. D... et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de MM. D... le versement à la commune d'Erquy d'une somme globale de 1 500 euros au titre des mêmes frais.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de MM. D... est rejetée.

Article 2 : MM. D... verseront à la commune d'Erquy la somme globale de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D..., M. B... D... et à la commune d'Erquy.

Délibéré après l'audience du 15 novembre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Francfort, président de chambre,

- Mme A..., présidente-assesseur,

- M. Frank, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 novembre 2021.

Le rapporteur,

A. FRANKLe président,

J. FRANCFORT

Le greffier,

C. GOY

La République mande et ordonne au préfet du Finistère, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

6

N°20NT02839


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT02839
Date de la décision : 30/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Suspension sursis

Composition du Tribunal
Président : M. FRANCFORT
Rapporteur ?: M. Alexis FRANK
Rapporteur public ?: M. MAS
Avocat(s) : SCP GUILLOTIN POILVET AUFFRET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-30;20nt02839 ?
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