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26/11/2021 | FRANCE | N°21NT01940

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 2ème chambre, 26 novembre 2021, 21NT01940


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 3 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Oran refusant un visa de long séjour à M. C... en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2101308 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à leur demande.>
Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2021 sous le n°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... et M. E... C... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision en date du 3 décembre 2020 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a confirmé la décision de l'autorité consulaire française à Oran refusant un visa de long séjour à M. C... en qualité de conjoint d'une ressortissante française.

Par un jugement n° 2101308 du 9 juillet 2021, le tribunal administratif de Nantes a fait droit à leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 12 juillet 2021 sous le n°21NT01940, le ministre de l'intérieur demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juillet 2021 ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que Mme B... et M. C... justifiaient de la sincérité de leur intention matrimoniale ;

- les documents présentés par les intéressés sont insuffisants pour établir la sincérité de leur intention matrimoniale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 septembre 2021, Mme B... et M. C... concluent au rejet de la requête et demandent de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que les moyens soulevés par le ministre de l'intérieur ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Douet a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant algérien né le 12 décembre 1991, a sollicité, le 2 janvier 2020, un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française, Mme B..., née le 17 aout 1975, auprès de l'autorité consulaire française à Oran (Algérie) laquelle a rejeté sa demande le 9 août 2020. Par une décision du 3 décembre 2020, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours formé contre la décision consulaire. Le ministre de l'intérieur relève appel du jugement du 9 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Nantes a fait droit à la demande de Mme B... et M. C... tendant à l'annulation de la décision du 3 décembre 2020.

2. Aux termes du 4ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " (...) Le visa de long séjour ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public. (...).". Il appartient en principe aux autorités consulaires de délivrer au conjoint étranger d'un ressortissant français le visa qu'il sollicite afin de mener une vie familiale normale. Pour y faire obstacle, il appartient à l'administration, si elle allègue une fraude, d'établir que le mariage a été entaché d'une telle fraude, de nature à justifier légalement le refus de visa. La seule circonstance que l'intention matrimoniale d'un seul des deux époux ne soit pas contestée ne fait pas obstacle à ce qu'une telle fraude soit établie.

3. Pour rejeter le visa sollicité, la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France a retenu qu'il n'y avait pas de preuves suffisamment probantes du maintien d'échanges réguliers et constants entre les époux depuis le mariage, qu'il n'était pas établi qu'ils aient un projet de vie commune ni que M. C... participe aux charges du mariage à proportion de ses facultés, alors que son épouse perçoit le revenu de solidarité active et que ces éléments constituaient un faisceau d'indices suffisamment précis et concordants attestant d'une absence de maintien des liens matrimoniaux et du caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale dans le seul but de favoriser l'établissement du demandeur qui avait fait l'objet d'un rejet de sa demande d'asile et d'une mesure portant obligation de quitter le territoire un mois avant de contracter mariage.

4. Pour établir que le mariage de M. C... et Mme B... a été contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, le ministre de l'intérieur fait valoir que les pièces produites par les intéressés ne justifiaient pas de la sincérité de leur intention matrimoniale, alors que le parcours migratoire de M. C... démontre son intention de s'établir en France dès lors qu'il a détourné l'objet d'un visa de court séjour délivré par les autorité polonaises le 1er juin 2017 valable pour la période allant du 8 juillet au 2 août 2017 en formulant le 19 décembre 2018 une demande d'asile en France, rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides puis par la Cour nationale du droit d'asile et que son mariage a été contracté un mois après la notification d'une mesure portant obligation de quitter le territoire.

5. M. C... et Mme B... se sont mariés le 12 octobre 2019. M. C..., qui soutient avoir emménagé avec Mme B... peu après, est rentré en Algérie en décembre 2019. Ont été produits un contrat de location et trois avis de paiement de loyer pour juin, juillet et août 2020 tous établis au nom de Mme B..., une facture d'électricité du 27 juillet 2020 mentionnant M. C... et des photos de leur mariage ainsi que deux autres photos, non datées ni contextualisées. Aucune de ces pièces ne confirme la cohabitation du couple avant le départ de M. C... vers l'Algérie ni le maintien d'échanges de quelque nature que ce soit avant l'édiction de la mesure litigieuse. Si les intéressés déclarent avoir entamé une relation dès septembre 2017, ces allégations sont contradictoires avec les mentions portées sur l'obligation de quitter le territoire du 30 août 2019 indiquant que M. C... est entré en France, selon ses dires, en septembre 2018. Par ailleurs, le document relatif à l'historique des messages échangés entre les intéressés ne permet pas de les dater alors que la légalité d'une décision s'apprécie à la date à laquelle cette décision a été prise. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées, ni commis d'erreur de fait en se fondant sur des indices suffisamment précis et concordants attestant du caractère complaisant du mariage contracté à des fins étrangères à l'institution matrimoniale, dans le seul but de faciliter l'établissement en France de M. C.... Par suite, c'est à tort que le tribunal a annulé pour ce motif la décision de la commission.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme B... et M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.

7. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, la décision contestée n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de M. C... et Mme B... au respect de leur vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé la décision de la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France et lui a enjoint de délivrer un visa de long séjour à M. C....

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que Mme B... et M. C... demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 9 juillet 2021 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B... et M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et leurs conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à au ministre de l'intérieur, à Mme A... B... et à M. E... C....

Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,

- Mme Douet, présidente-assesseure,

- Mme Bougrine, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2021.

La rapporteure,

H. DOUET

Le président,

A. PÉREZ

La greffière,

K. BOURON

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT01940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT01940
Date de la décision : 26/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-005-01 Étrangers. - Entrée en France. - Visas.


Composition du Tribunal
Président : M. PEREZ
Rapporteur ?: Mme Hélène DOUET
Rapporteur public ?: M. GIRAUD
Avocat(s) : WOLDANSKI

Origine de la décision
Date de l'import : 07/12/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-26;21nt01940 ?
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