Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 9 octobre 2018 A... laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de sa situation personnelle, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros A... jour de retard.
A... une ordonnance no 2001121 du 24 juillet 2020, le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur sa demande.
Procédure devant la cour :
A... une requête et un mémoire, enregistrés le 25 janvier et le 6 septembre 2021, Mme C..., représentée A... Me Floch, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler la décision du 9 octobre 2018 A... laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation ;
3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder au réexamen de sa situation personnelle, dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros A... jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 600 euros à verser à Mme C... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et une somme de 800 euros au profit de Me Le Floch en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- c'est à tort que l'auteur de l'ordonnance attaqué a considéré qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur sa demande ;
- la décision contestée a été prise A... une autorité incompétente ;
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit au regard des stipulations de l'article 34 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
A... un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés A... Mme C... ne sont pas fondés.
Le président de la cour administrative d'appel de Nantes a admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle le 23 novembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- la loi no 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Bréchot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ressortissante russe née le 25 octobre 1978 à Bakou, est entrée en France en 2007 et a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire en janvier 2010. Elle a sollicité l'acquisition de la nationalité française A... décision de l'autorité publique auprès du préfet de la Loire. A... une décision du 25 mai 2018, ce dernier a ajourné à deux ans sa demande. Le recours administratif préalable obligatoire formé contre cette décision a été rejeté A... une décision du ministre de l'intérieur du 9 octobre 2018, au motif que l'examen du parcours professionnel de Mme C..., apprécié dans sa globalité depuis son entrée en France, ne permettait pas de considérer qu'elle avait pleinement réalisé son insertion professionnelle puisqu'elle ne dispose pas de ressources personnelles suffisantes. Mme C... relève appel de l'ordonnance A... laquelle le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur sa demande d'annulation de la décision du ministre du 9 octobre 2018.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le président de la 1ère chambre du tribunal administratif de Nantes a considéré que la demande présentée A... Mme C... était devenue sans objet au motif que, A... décret du 7 février 2020, il a été procédé à la naturalisation de l'intéressée. Or ce décret concernait non la requérante, mais son fils. A... suite, c'est à tort que le premier juge a estimé que la demande dont il était saisi était devenue sans objet et a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur cette demande. L'ordonnance du 24 juillet 2020 doit, dès lors, être annulée.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée A... Mme C... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, A... une décision du 30 août 2018 publiée au Journal officiel de la République française le 2 septembre suivant, la directrice de l'accueil, de l'accompagnement des étrangers et de la nationalité, compétente à cet effet en vertu de l'article 3 du décret du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du gouvernement, a donné délégation à Mme D... E..., attachée principale d'administration de l'État, adjointe à la cheffe du bureau des affaires juridiques, du précontentieux et du contentieux, à l'effet de signer au nom du ministre de l'intérieur, tous actes, arrêtés et décisions relevant des attributions du bureau des affaires juridiques, du précontentieux et du contentieux, parmi lesquelles figurent les recours présentés contre les décisions des préfets en matière de naturalisation. A... suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée manque en fait et doit être écarté.
5. En deuxième lieu, la décision du ministre de l'intérieur du 9 octobre 2018 comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Elle est, A... suite, suffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 34 de la convention de Genève relative au statut des réfugiés : " Les États contractants faciliteront, dans toute la mesure du possible, l'assimilation et la naturalisation des réfugiés. Ils s'efforceront notamment d'accélérer la procédure de naturalisation et de réduire, dans toute la mesure du possible, les taxes et les frais de cette procédure ". Cet article ne crée pas pour l'État français l'obligation d'accorder la nationalité française aux personnes bénéficiant du statut de réfugié qui la demandent. A... suite, Mme C... ne peut utilement soutenir que la décision contestée méconnaît ces stipulations.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 21-15 du code civil : " (...) l'acquisition de la nationalité française A... décision de l'autorité publique résulte d'une naturalisation accordée A... décret à la demande de l'étranger ". Aux termes de l'article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française : " Si le ministre chargé des naturalisations estime qu'il n'y a pas lieu d'accorder la naturalisation ou la réintégration dans la nationalité sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l'ajournement en imposant un délai ou des conditions ".
8. L'autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d'un large pouvoir d'appréciation. Elle peut, dans l'exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l'intérêt que présenterait l'octroi de la nationalité française, l'intégration de l'intéressé dans la société française, son insertion sociale et professionnelle et le fait qu'il dispose de ressources lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France. Pour rejeter une demande de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, l'autorité administrative ne peut se fonder ni sur l'existence d'une maladie ou d'un handicap ni, A... suite, sur l'insuffisance des ressources de l'intéressé lorsqu'elle résulte directement d'une maladie ou d'un handicap.
9. Mme C... soutient, sans en justifier, avoir effectué des stages rémunérés au sein d'une association de lutte contre les exclusions en 2012 puis de septembre 2014 à janvier 2015, et avoir exercé une activité professionnelle rémunérée de 5 mois en 2012 et 7 mois en 2013 en tant qu'ouvrier de manutention au sein de l'association Emmaüs, avoir vainement créé une entreprise de traduction au cours de l'année 2015, puis avoir travaillé 7 mois en 2016 et de façon continue à partir de janvier 2017 en tant qu'animatrice d'un centre de loisirs, jusqu'à son embauche en CDI en tant qu'équipière polyvalente au sein d'une entreprise de restauration rapide (McDonalds) en août 2018. Cependant, il ressort des pièces du dossier que Mme C..., qui a toujours travaillé à temps partiel à compter de l'année 2016, percevait un salaire moyen d'environ 800 euros mensuels. Ses ressources propres étaient complétées A... des prestations sociales, notamment une prime d'activité versée A... la caisse d'allocations familiales. Si Mme C... soutient qu'elle n'est pas en capacité de travailler à temps plein en raison de son handicap, elle ne justifie pas de la réalité de cette allégation à la date de la décision contestée en se bornant à produire la décision du 4 octobre 2017 A... laquelle la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées de la Loire l'a reconnue en qualité de travailleur handicapé. À cet égard, la décision du 30 novembre 2020 du directeur de la caisse primaire d'assurance maladie de la Loire, A... laquelle lui a été attribuée une pension d'invalidité dont le point de départ a été fixé au 30 septembre 2020, après que le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie a estimé que Mme C... présentait " un état d'invalidité réduisant des 2/3 au moins " sa capacité de travail ou de gain, ne permet pas de tenir pour établi que cette incapacité de travailler à temps plein en raison de son handicap préexistait à la date de la décision contestée du 9 octobre 2018. Enfin, eu égard au motif retenu A... le ministre de l'intérieur, Mme C... ne peut utilement soutenir qu'elle réside régulièrement en France depuis treize ans, que son fils, désormais majeur, a acquis la nationalité française postérieurement à la décision contestée, et qu'elle est bien intégrée dans la société française. Dès lors, le ministre de l'intérieur a pu, sans entacher sa décision d'erreur manifeste d'appréciation, ajourner à deux ans la demande d'acquisition de la nationalité française de Mme C... au motif que l'examen de son parcours professionnel, apprécié dans sa globalité à la date de la décision contestée, ne permettait pas de considérer qu'elle avait réalisé pleinement son insertion professionnelle et qu'elle ne disposait pas de ressources personnelles suffisantes lui permettant de subvenir durablement à ses besoins en France.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision du 9 octobre 2018 A... laquelle le ministre de l'intérieur a ajourné à deux ans sa demande de naturalisation.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de Mme C..., n'implique aucune mesure d'exécution. Dès lors, ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que Mme C... demande au titre des frais exposés A... elle à l'occasion du litige soumis au juge, ainsi que la somme que demande son conseil en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C..., à Me Le Floch et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 9 novembre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Douet, présidente-assesseure,
- M. Bréchot, premier conseiller.
Rendu public A... mise à disposition au greffe, le 26 novembre 2021.
Le rapporteur,
F.-X. BréchotLe président,
A. Pérez
La greffière,
K. Bouron
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 21NT00223